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Fondation Frantz Fanon

Président d’Honneur : Aimé Césaire

« Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte »
Peau noire, masques blancs

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Contre l’antiracisme policier de Gilles Clavreul : « L’heure de nous-mêmes a sonné* ! »
http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/article2358.html

mercredi 5 octobre 2016

Norman Ajari [1] et Mireille Fanon-Mendès France [2], 5 octobre 2016

Le 27 septembre 2016, le site de la Fondation Jean-Jaurès faisait paraître dans sa rubrique « Penser pour agir » un texte intitulé « Un racisme à l’envers ? », signé du préfet Gilles Clavreul, l’homme à la tête de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA) [3]. Cet article démontre une fois de plus que les personnes qui cherchent à se rendre légitimes dans des fonctions pour lesquelles elles ont été nommées sans réelles connaissances du dossier ni compétences particulières analysent les faits sociaux avec une grille de lecture qui ne fait sens que pour elles-mêmes et pour ceux qu’elles cherchent à séduire. Elles agissent plus par intérêt de classe et de race que par volonté de répondre aux problèmes politiques, moraux, économiques et sociaux auxquels la société fait face. L’ancien préfet de police s’attaque dans son billet à la non-mixité du « camp d’été décolonial » et, plus largement, à l’antiracisme politique et à la pensée décoloniale. Autant de phénomènes qu’il assimile à un « néo-racisme », dont les militantes et militants sont politiquement racistes et idéologiquement du côté de l’extrême droite ; mais évidemment, ils l’ignorent, n’étant pas « éclairés » par la modernité eurocentrique à laquelle se réfère Clavreul.
S’ils l’étaient, ils comprendraient qu’ils se fourvoient. Dans la France telle que la rêve le préfet, chacun a sa place : il suffit de la trouver et de la prendre – avec parcimonie – ainsi que les politiques les y engagent. Par assimilation, par le « mérite », par identification. Il suffit de suivre, sans poser de questions, ce que dictent les vrais républicains. Pourquoi s’opposer à cette République qui se targue d’accueillir tous ceux qui acceptent de se taire, de se fondre dans la masse, de raser les murs, de baisser la tête et d’assumer le discours dominant du « vivre ensemble » rythmé par la devise Liberté Égalité Fraternité ? Émergeront de ce long cortège, structurellement organisé pour l’invisibilité, quelques têtes opinantes, qui viendront confirmer la règle de la success story donnée en exemple à toutes celles et ceux qui, se cognant au plafond de verre, exprimeront leur insatisfaction du fonctionnement de la République.
On dira toute la pauvreté, toute l’imposture d’un tel fantasme. Mais, en premier lieu, il importe de s’attarder sur une récupération particulièrement obscène. Clavreul, en effet, n’hésite pas à introduire son billet par une citation (très approximative, on le verra) de Frantz Fanon. Le psychiatre et philosophe martiniquais, le membre du Front de libération nationale algérien, le penseur du tiers-mondisme que les services secrets français tenaient pour un « ennemi irréductible » de la République se voit ainsi mis au service d’une offensive dirigée contre l’antiracisme politique et d’un panégyrique de l’État français. La Fondation Frantz Fanon ne pouvait laisser sans réponse l’indécente instrumentalisation d’une figure anticoloniale par le pseudo-antiracisme policier du préfet Clavreul.
Fanon mutilé
Nul n’est propriétaire de la parole d’un auteur. Qui s’arroge le droit de décréter du sens vrai d’un texte ou d’un propos se condamne au mensonge et à la brutalité. Pour autant, peut-on faire dire n’importe quoi à un écrit ? Lui donner n’importe quel sens ? Cette question fut l’une de celles qui hantèrent le philosophe Jacques Derrida. Il parle en ces termes de l’usage que, parfois, d’autres ont fait de son propre travail : « Je ne me fais aucune illusion sur la possibilité pour moi de contrôler ou de m’approprier ce que je dis ou ce que je suis, mais je voudrais bien – c’est le sens de tout combat, de toute pulsion dans ce domaine –, je souhaite au moins que ce que je dis et ce que je fais ne soit pas immédiatement et clairement utilisé à des fins auxquelles je crois devoir m’opposer. Je ne veux pas me réapproprier mon produit, mais, pour cette raison même, je ne veux pas que d’autres le fassent à des fins que je crois devoir combattre [4]. » Gilles Clavreul mobilise la parole de Fanon au service de tout ce qu’il a passé sa vie à combattre : l’arrogance européenne, la pensée d’État, l’impérialisme, la sophistique et, surtout, le maintien du privilège blanc. Il y a là une trahison éhontée à laquelle il importe de donner son vrai nom.
Voilà le passage tel que le cite Clavreul : « Je suis un homme, et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre. En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. Ce n’est pas le monde noir qui me dicte ma conduite. Ma peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques. […] Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l’ancien maître. Je n’ai pas le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. Il n’y a pas de mission nègre ; il n’y a pas de fardeau blanc [5]. » Cette citation et l’usage qui en est fait appellent quatre remarques.
Première remarque : ce texte de Fanon, extrait de la conclusion de son premier livre, Peau noire, masques blancs, a été caviardé bien plus largement que la citation de Clavreul ne le laisse à penser. En réalité, la première partie de cette citation est un véritable patchwork de passages mis bout à bout, au mépris de la cohérence de l’original. Entre la première et la deuxième phrase, plusieurs lignes ont été amputées, dont ce passage : « Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte [6]. » Que le préfet Clavreul ait dissimulé cette mutilation du texte suggère qu’il entendait évacuer de la pensée de Fanon, et surtout de son propre discours, toute critique de l’asservissement et de la domination. C’est là que réside l’absurdité fondamentale de son pseudo-antiracisme : il prétend combattre le racisme sans combattre en même temps l’asservissement et la domination. Pourquoi ? Pour pouvoir qualifier de racistes des populations non blanches qui ne disposent pas des moyens matériels de dominer et d’asservir leur prochain. Ainsi, on ne s’étonnera pas de constater que Clavreul a retiré un fort long passage où Fanon fait l’apologie du Vietminh et de la lutte d’indépendance indochinoise, qu’il conclut ainsi : « Si, à un moment, la question s’est posée pour moi d’être effectivement solidaire d’un passé déterminé, c’est dans la mesure où je me suis engagé envers moi-même et envers mon prochain à combattre de toute mon existence, de toute ma force pour que plus jamais il n’y ait, sur terre, de peuples asservis [7].. ». Une fois de plus, la critique fanonienne de l’asservissement, son apologie du combat et de l’engagement radical sont passées sous silence : Clavreul ne conserve que les quelques passages épars où Fanon tâche de se prémunir contre la haine du Blanc. Il évacue délibérément les longs développements critiques et anticoloniaux, bricolant un Fanon timoré et pro-occidental qui n’a jamais existé. Le premier élément à retenir est donc le suivant : cette citation est un montage et le préfet Clavreul a fait œuvre de faussaire pour escamoter la critique fanonienne de l’asservissement.
Deuxième remarque : Fanon, dans la conclusion de Peau noire, masques blancs, sonde son état d’esprit – ou plus justement de l’état de son esprit. Celui d’un homme qui a connu les affres du racisme, des injustices innombrables, mais n’abandonne pas le projet de tendre vers la sagesse ; un homme qui cherche à se prémunir des « passions tristes ». Évidemment, la haine du Blanc en est une. De quel droit Clavreul oppose-t-il aux organisatrices et aux participants du camp d’été décolonial le « je » de Fanon ? En l’insérant dans son article, Clavreul transforme cette confession éthique, rédigée à la première personne, en une injonction policière, en l’interpellation autoritaire d’un « Tu dois ! ». Fanon tient pour nécessaire de se débarrasser de tout ressentiment lié à un passé révolu, mais pour mieux concentrer l’énergie de sa révolte sur les injustices du présent. Un tel programme intellectuel et politique rejoint largement celui de l’antiracisme politique actuel. Au contraire, le travail de Clavreul, comme l’a montré notre première remarque, consiste à cacher aux non-Blancs les injustices dont ils sont victimes et même à nier l’existence de l’asservissement dont ils sont l’objet. Le préfet ignore absolument la remise en cause fanonienne de la suprématie blanche ; il refuse de la voir. La façon qu’a Clavreul de s’approprier la parole de Fanon illustre, par contraste, l’une des raisons pour lesquelles la non-mixité défendue par les organisatrices du camp d’été décolonial est importante. Entre les mains d’un suppôt de l’État et/ou d’un individu acquis à la défense du privilège blanc, la parole d’un penseur noir a tôt fait d’être réappropriée, maquillée et retournée contre ses propres sœurs et frères de luttes. C’est pourquoi il est parfois plus sûr de choisir son auditoire. Second point à retenir, donc : Clavreul mésinterprète la parole de Fanon en l’utilisant contre des activistes qui sont les héritières et les héritiers de ses combats.
Troisième remarque : dans son billet, Clavreul s’émeut que, dans l’antiracisme politique, « le manichéisme avec lequel sont présentées les turpitudes des uns et la dignité des autres laisse flotter un parfum de supériorité morale du racisé sur le blanc ». Si le flair de l’auteur de ce discours goûte la fragrance de la conclusion de Peau noire, masques blancs (a fortiori si elle a été mutilée et mésinterprétée), il se trouvera sans doute incommodé par les effluves puissants de celle des Damnés de la terre : « Voici des siècles que l’Europe a stoppé la progression des autres hommes et les a asservis à ses desseins et à sa gloire ; des siècles qu’au nom d’une prétendue “aventure spirituelle” elle étouffe la quasi-totalité de l’humanité. Regardez-la aujourd’hui basculer entre la désintégration atomique et la désintégration spirituelle. Et pourtant, chez elle, sur le plan des réalisations on peut dire qu’elle a tout réussi. L’Europe a pris la direction du monde avec ardeur, cynisme et violence. Et voyez combien l’ombre de ses mouvements s’étend et se multiplie. Chaque mouvement de l’Europe a fait craquer les limites de l’espace et celle de la pensée. L’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. Elle ne s’est montrée parcimonieuse qu’avec l’homme, mesquine, carnassière homicide qu’avec l’homme [8]. » Il ne s’agit pas d’insister sur la « supériorité » morale des racisés (c’est-à-dire de la vaste majorité du genre humain), mais bien de faire admettre une bonne fois pour toutes l’historique abjection morale de cette petite portion de l’espace-temps qu’est l’Europe moderne. Celle-là même qui, comme l’a dit Walter Benjamin, « a transformé le monde nouvellement conquis en une salle de torture [9]. » ; ce continent qui a fait, comme l’écrivait W.E.B. DuBois, de la répétition des massacres l’« âme vraie de la culture blanche [10] » ; cette Europe « moralement, spirituellement indéfendable » dont parlait Césaire [11]. Sa cruauté transcendantale est telle que les efforts de l’État islamique, ou d’autres organisations criminelles, pour se hisser à son niveau d’indifférente sauvagerie se condamnent au grotesque : à une parodie macabre qui, déjà, lasse le Vieux Continent davantage qu’elle ne l’émeut. D’où le troisième point : Fanon, comme tout intellectuel décolonial, tenait la fondamentale mesquinerie européenne pour moralement indéfendable.
Quatrième remarque : la propagande n’est pas la seule attribution du préfet Clavreul en sa qualité de DILCRA. Lui échoit également la tâche de fureter sur les réseaux sociaux en quête de propos contrevenant à l’idéologie d’État. Et il n’est pas rare qu’il menace publiquement de trainer leurs auteurs devant les tribunaux. Parfois, il passe à l’acte. C’est ainsi que, pour un tweet favorable à la résistance armée palestinienne, la militante du Parti des indigènes de la République Aya Ramadan a récemment été attaquée [12]. C’est le délit d’apologie du terrorisme, cette laïcisation du délit de blasphème, qui rend possible un tel procès politique. Fanon – faut-il le rappeler ? – était un militant anticolonialiste intransigeant qui avait à cœur de distinguer la résistance armée légitime du « terrorisme » inconsistant. La Palestine d’aujourd’hui, comme hier l’Algérie, est victime d’une colonisation de peuplement inhumaine, légitimée par une idéologie véritablement raciste, le sionisme, que la DILCRA se garde bien de remettre en cause. Lisons ces quelques lignes de L’An V de la révolution algérienne que Fanon consacre à la figure du moudjahid : « Le “terroriste”, dès qu’il accepte une mission, laisse entrer la mort dans son âme. C’est avec la mort qu’il a désormais rendez-vous. Le fidaï, lui, a rendez-vous avec la vie de la Révolution, et sa propre vie. Le fidaï n’est pas un sacrifié. Certes, il ne recule pas devant la possibilité́ de perdre sa vie pour l’indépendance de la patrie, mais à aucun moment il ne choisit la mort. Si la décision est prise de tuer tel commissaire de police tortionnaire ou tel chef de file colonialiste, c’est que ces hommes constituent un obstacle à la progression de la Révolution [13]. » Le quatrième et dernier élément à retenir est donc le suivant : si Frantz Fanon était encore en vie, le préfet Clavreul serait probablement plus occupé à lui intenter des procès pour apologie du terrorisme qu’à le citer favorablement.
Un sauvetage du racisme d’État
Si Clavreul manipule si grossièrement l’œuvre de Fanon, c’est dans un seul but : laver l’État français de tout soupçon de racisme et nier jusqu’à l’existence d’un privilège blanc. Cette ignorance totale du B.A.-BA des rapports sociaux de race crève les yeux lorsqu’on considère la composition du conseil scientifique de la DILCRA. Il s’en est fallu de peu pour que ses réunions ne se déroulent en non-mixité blanche. En effet, il compte vingt et un membres ; un seul n’est pas blanc ; et aucun n’est noir. C’est dire à quel point l’expérience vécue du racisme, élément décisif de construction d’une connaissance juste de la violence raciale, est ici méprisée. Une inconscience qui permet à Clavreul de déclarer, usant d’un sophisme cher à tous ceux qui ont à cœur d’euphémiser les crimes de l’Europe moderne, que « le colonialisme et l’esclavage sont loin d’être le propre de la modernité occidentale », niant ainsi la spécificité de l’intensité, de l’acharnement et du perfectionnement européen en la matière.
Écrire cela, c’est bien sûr ignorer la colonialité du pouvoir et du savoir qui a organisé le monde en dominant et dominé, en Être et en non-Être. C’est refuser d’admettre que la politique de la « race », présentée comme l’évolution de la modernité, a inauguré un crime contre l’humanité unique en son genre ; unique par les 12 millions de personnes arrachées par la force à leur continent, unique par le nombre de continents concernés, unique par sa durée : quatre siècles. Unique, ce crime contre l’humanité est la base du même système capitaliste qui a mis des peuples sous les fourches drastiques des programmes d’ajustement structurel et les met encore à genoux en dérégulant les politiques publiques en faveur des transnationales, du système financier et des intérêts privés. La mise en esclavage de ces millions d’êtres humains en raison de la pigmentation de leur peau ou de phénotypes racialisants a non seulement construit les bases du système capitaliste prédateur, mais a aussi inauguré une nouvelle époque terrible pour les mêmes peuples : le colonialisme, avec son lot de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Crimes toujours impunis, ceux qui les avaient organisés ayant considéré qu’ils étaient quittes des atrocités commises. D’une part, en adoptant en 1948 une Déclaration universelle des droits de l’homme qui affirmait l’universalité des droits, dont ses rédacteurs bien intentionnés ont privilégié le whishful thinking au prix d’un horrible mensonge, puisqu’une grande partie du monde était alors entre les mains de colonisateurs qui n’avaient que la force, le mépris, la hargne à donner ; et, d’autre part, en acceptant que les peuples colonisés accèdent enfin à l’indépendance.
Si l’on considère la façon dont la période de la mise en esclavage est narrée, si l’on étudie le refus d’historiciser la mise en place de la politique de la « race » pour construire une société d’Être et de non-Être et son séquencement dans la construction des autres formes de racisme, alors il est facile de comprendre que les personnes issues de cette histoire cruelle et traumatisante demandent que les faits, connus, soient reconnus, analysés, partagés et assumés et que soit mise en place une justice réparatrice seule à même de construire de l’en-commun pour arriver à faire monde. C’est bien de cela dont s’emparent les personnes s’inscrivant dans une pensée décoloniale. Comment déconstruire l’impensé raciste fondé sur un mensonge mis en place par ceux qui se réclamaient et se réclament encore de la suprématie blanche et de la modernité eurocentrique ?
C’est cela que Clavreul tente de prouver dans cet article ; il le fait en ressassant les mêmes antiennes que ceux qui veulent fabriquer un ennemi intérieur. Il joue un jeu dangereux dans un tel moment de violence économique et financière, un contexte global où la guerre contre le terrorisme (war on terror) accélère la déstructuration des relations internationales et la dérégulation du droit international. Désigner comme ennemi à contrôler et à exclure des non-Blancs qui font entendre leur voix et affirment à la suite d’Aimé Césaire que « l’heure de nous-mêmes a sonné », voilà l’œuvre d’un individu qui a peur et ne maîtrise pas la charge qu’il doit assumer. Ainsi refuse-t-il d’analyser sérieusement les demandes des racisés et les raisons pour lesquelles leurs analyses, leurs demandes émergent dans le contexte d’aujourd’hui.
L’hiver républicain qui vient
À présent que la lumière a été faite sur la malhonnêteté intellectuelle de Clavreul, sur la perversité et l’hypocrisie de ses méthodes, attardons-nous sur l’idéologie au service de laquelle il les emploie. Ces dernières années, beaucoup a été dit et écrit sur l’opposition entre l’antiracisme politique, qui envisage le racisme comme le lieu de rapport de forces, et un antiracisme moral, porté à la vague dénonciation de « préjugés » ou de « discriminations » dont seraient responsables certains individus malveillants. C’est ainsi que le quotidien Libération publiait en 2015 un manifeste « Pour un antiracisme politique [14] » ou que, quelques mois plus tôt, l’excellent vidéaste Usul consacrait une émission à cette question [15]. Ces prises de position remettent en cause l’irénisme d’associations du genre de SOS Racisme, mais aussi et surtout leur ambition de convertir les aspirations à l’émancipation des minorités en vivier électoral pour la gauche de gouvernement. Le changement d’approche de Gilles Clavreul et de son entourage est une réaction à l’affirmation de plus en plus claire de l’antiracisme politique face à son rival historique. Nous qualifions le produit de cette réaction d’antiracisme policier. Prenant acte du dépérissement de l’antiracisme moral, il adopte en conséquence des méthodes beaucoup plus expéditives (procès politiques, campagnes de diffamation, censure, etc.) et une doctrine plus « virile ». Les invitations lénifiantes au « vivre-ensemble » et l’universalisme de façade cèdent ainsi peu à peu la place à un chauvinisme revendiqué.
L’antiracisme moral postulait que « tout le monde peut être raciste », mais il admettait sans trop de difficulté que les Arabes et les Noirs sont, en ces matières, bien plus volontiers victimes que coupables. Ce n’est plus le cas de l’antiracisme policier, qui entend à présent asseoir les afro-descendants sur le banc des accusés. C’est là tout le sens de l’incohérent billet de Clavreul, qui confirme une phrase, déjà souvent relevée, que le préfet confiait à Libération : « Tous les racismes sont condamnables, mais le racisme anti-Arabe et anti-Noir n’a pas les mêmes ressorts que l’antisémitisme dans sa violence. Il faut être capable de dire la particularité de l’antisémitisme [16]. » Un demi-millénaire de conquêtes, d’esclaves transbordés, de colonisés humiliés, de pillage des ressources de l’Afrique, d’échanges inégaux, ne suffira pas à faire reconnaître la violence historique et présente du racisme anti-Arabes et anti-Noirs. La hiérarchisation des racismes selon la DILCRA vise à permettre d’accuser plus facilement d’antisémitisme l’antiracisme politique – là même où ce courant est l’un des seuls à prendre au sérieux l’histoire et la pensée juives. Par exemple, des penseurs décoloniaux tels qu’Enrique Dussel et Nelson Maldonado-Torres ont pris soin de replacer l’antisémitisme et ses critiques dans l’histoire longue de l’impérialisme européen, qui commence avec la conquête de l’Amérique à la Renaissance.
De l’antiracisme moral, l’antiracisme policier conserve la même approche simpliste selon laquelle, pour citer Clavreul, « une vision du monde structurée en races » serait la « définition même du racisme politique ». Cette approche candide amalgame opportunément la lutte contre le racisme – c’est-à-dire contre des formes organisées de pouvoir et de violence – et une extravagante lutte contre la race. Cette désolante confusion entre la cause et la conséquence n’est pas qu’une négligence logique : ses ressorts sont clairement politiques. Clavreul, structurellement, ne peut pas combattre le racisme : en tant que préfet, il est le fondé de pouvoir de l’État, le spadassin de son « monopole de la violence légitime ». Dans cette position, combattre le racisme (en tant qu’organisation du pouvoir et de la violence), ce serait se combattre lui-même. Alors, il se livre à un assaut chimérique de la « race ». Dans les faits, cela revient à s’attaquer à celles et ceux qui considèrent que les sociétés modernes sont marquées par des rapports de forces inégalitaires, des rapports d’asservissement, dont Clavreul et ses employeurs sont les bénéficiaires. Combattre ainsi la « race » plutôt que le racisme revient tout simplement à combattre les racisés. Le billet « Un racisme à l’envers ? » n’a pas d’autre signification que celle-là : décrédibiliser une vision politique du monde, pour mieux décréter que la dérisoire égalité formelle dont se gargarisent aujourd’hui les représentants de la République française est la seule voie possible.
Clavreul se présente comme un observateur neutre, un sage désintéressé, le juste milieu entre les excès des fascismes et la radicalité de l’antiracisme politique. Mais cette posture mensongère dissimule qu’il est un des promoteurs d’un fanatisme d’autant plus inquiétant qu’il a les moyens de ses ambitions malgré son nombre dérisoire d’adhérents : celui qui gravite autour du mouvement « Printemps Républicain ». Derrière la niaiserie du slogan, s’abrite une idéologie chauviniste et islamophobe en quête d’hégémonie culturelle. Le politiste Philippe Marlière l’a judicieusement qualifiée de « rappel à l’ordre de la bourgeoisie jacobine [17] ». L’intellectuel organique de ce mouvement, Laurent Bouvet, en dessinait déjà les orientations doctrinales en 2015, dans son livre L’Insécurité culturelle. Lequel se présente comme une œuvre théorique, alors qu’il s’agit plutôt d’un traité de marketing politique à l’usage de la gauche de gouvernement. Il trace les axes de la propagande de Clavreul. Sa thèse est la suivante : « Sans principe d’unification, social, national ou même simplement démocratique, [les] identités culturelles démultipliées et exacerbées deviennent vite conflictuelles. Elles ne peuvent plus, dès lors, entrer ni dans un projet politique commun ni même dans une coalition électorale opportune [18]. » On va revenir sur l’assimilation dérisoire de la notion de projet politique à un électoralisme cynique. Mais avant tout, notons que Bouvet plaide en faveur d’une politique d’homogénéisation culturelle de la société qu’il nomme sans surprise « intégration », et dont seule la classe moyenne blanche pourrait constituer le modèle.
Ce que trahit la pétition de principe de Bouvet, reprise par Clavreul, c’est une totale impossibilité à penser simultanément l’égalité et la différence. Lorsque le préfet accuse le camp d’été décolonial de refuser « le métissage, la diversité, le multiple », il ne voit pas que son discours implique que ces qualités n’existent que dans la mesure où les Blancs en sont partie prenante. Il ne se rend pas compte qu’il flétrit l’infinie diversité du monde en la conditionnant à la seule approbation blanche. Si la DILCRA et le Printemps Républicain ne craignent rien tant qu’une idéologie de « rupture » avec la République, c’est qu’ils considèrent toute autonomie politique des « racisés » comme un scandale et une menace. Rien ne doit échapper à la mainmise totalisante de l’État. L’échelle nationale est tenue pour la seule échelle politique légitime, si bien que ce qui est décrit comme « minorité » doit se couler dans le moule de la supposée « majorité » (blanche, mâle, de classe moyenne). Il y a dans les réflexions de Bouvet tous les ingrédients de ce que l’anthropologue indien Arjun Appadurai nomme la violence ethnocidaire. L’ethnocide procède, pour un groupe se définissant comme « majoritaire » par opposition à des « minorités », du désir de conquérir une société pleinement homogène. La seule issue possible d’un tel projet est l’éradication, culturelle, symbolique ou physique, de tout ce qui s’écarte du modèle dit majoritaire. L’identité française telle que l’envisagent la DILCRA et le Printemps Républicain relèvent très précisément ce qu’Appadurai nomme les identités prédatrices, « dont la construction et la mobilisation sociales exigent celles d’autres catégories sociales proches, considérées comme des menaces pour l’existence d’un certain groupe défini comme un “nous” [19] ». Et le « nous » républicain ne saurait tolérer la simple existence de velléités d’autonomie décoloniale. Aussitôt qu’elles se manifestent, il a pour seule obsession de les briser pour s’assurer à tout prix de son homogénéité.
Toutefois, malgré cette obsession chauvine, un aspect récurrent de cette rhétorique réside dans une nostalgie feinte du marxisme. C’est ainsi que Clavreul peut écrire dans son billet que la pensée décoloniale est marquée de « l’empreinte des cultural studies américaines, elles-mêmes réinterprétant et confrontant aux réalités d’un pays multiethnique les apports du structuralisme européen et singulièrement français. Le relatif désintérêt pour l’analyse économique et la place éminente qu’il accorde aux communautés et au fait religieux finissent d’en convaincre : cet anticolonialisme-là est plus liberal, au sens anglo-saxon, que marxiste. Il se montre d’ailleurs remarquablement peu critique envers l’économie de marché et la société de consommation ». Que les cultural studies aient été avant tout britanniques et non étatsuniennes, qu’elles aient été considérablement influencées par le marxisme, comme le prouve un ouvrage dense récemment paru [20], peu importe : le préfet n’est plus à une contrevérité près. Il se contente de reprendre l’argumentaire de Bouvet. Ce dernier, en effet, bien qu’il souscrive dans chaque détail au statu quo de la démocratie libérale, pare ses analyses des oripeaux d’une nostalgie du marxisme. Sans rien utiliser de ses instruments théoriques, il le brandit et l’agite afin de décrédibiliser ce qu’il décrit comme les politiques minoritaires. Ainsi fait-il mine de déplorer une « réduction du projet historique d’émancipation collective à une juxtaposition d’attributions de droits à une partie de plus en plus étroite de la population [21] », à la faveur de laquelle même la gauche critique aurait basculé du côté du libéralisme.
Ce procès du libéralisme étonne de la part d’un auteur qui n’envisage la politique que comme un marché des opinions où l’unique enjeu qui vaille est la conquête du plus grand nombre de parts. Clavreul partage avec lui cette vision cynique du combat politique où la pensée est qualifiée d’« éléments de langage » et où la prise de parole est confondue avec une « quête de visibilité médiatique ». Enfin, rappelons que le Printemps Républicain est une organisation choyée par le gouvernement « socialiste » qui a fait adopter en 2016 la tristement célèbre « Loi travail ». Clavreul et Bouvet agitent Marx pour délégitimer l’antiracisme politique, mais jamais pour combattre l’exploitation capitaliste que ce gouvernement encourage de toutes ses forces. Ils font mine de regretter l’absence du marxisme dans la pensée décoloniale, tout en exaltant la démocratie représentative bourgeoise sous toutes ses formes, refusant obstinément d’envisager la possibilité d’un autre ordre économique et politique. Or dans la réflexion décoloniale, le détail des analyses marxistes est réinvesti. Des outils analytiques comme les concepts de rapports de production, de fétichisme et bien sûr d’accumulation primitive sont omniprésents, bien qu’ils ne soient pas toujours explicitement nommés. L’esprit de Marx hante la théorie décoloniale, comme il hante toute vraie théorie critique. C’est-à-dire une vision politique du monde, en termes de rapports de forces, d’exploitation et d’asservissement, et une philosophie de l’histoire. En somme, tout ce qui demeure vivant dans la tournure d’esprit, dans l’orientation éthique, dans la méthode du marxisme, est conservé dans la pensée décoloniale. Clavreul, de son côté, en fait un vulgaire « élément de langage ».
« L’heure de nous-mêmes »
On me signale que j’ai enfilé mon chandail à l’envers. Un interlocuteur m’objecte que je raisonne à l’envers. Un entraîneur intime à son équipe de ne pas faire les exercices d’échauffement à l’envers. Dans tous les cas, c’est admettre qu’il y a un sens normal du chandail, du raisonnement, de l’exercice et qu’il importe de ne pas s’en écarter. Dès qu’on va à l’envers, quelque chose cloche. En titrant son article « Un racisme à l’envers ? », Gilles Clavreul admet lui-même que le sens normal du racisme, c’est le racisme du Blanc envers le non-Blanc. L’idée d’un autre sens du racisme est aussi absurde et inconsistante qu’un raisonnement à l’envers. Il n’y a pas de racisme à l’envers, parce qu’il n’y a pas de racisme sans pouvoir, sans légitimité, sans certitude de soi. Le billet du préfet Clavreul démontre que le « racisme à l’endroit », le racisme à l’allure légitime, subventionné par l’État, constitue la vérité d’un antiracisme policier dont les principales missions sont la défense de l’idéologie républicaine et du sionisme, la criminalisation de l’antiracisme politique et de la pensée décoloniale et le camouflage de l’héritage colonialiste, antisémite, négrophobe et islamophobe de l’État français.
C’est bien contre tout cela que se mobilisent les personnes qui ont participé au camp d’été décolonial et qui sont les mêmes qui se mobilisent activement contre l’islamophobie, contre les propos dégradants aussi bien pour ceux qui les prononcent que pour ceux à qui ils sont adressés. « L’heure de nous-même a sonné », Monsieur Clavreul. La prégnance de l’idéal colonial dans l’imaginaire blanc n’est plus supportable, il transpire dans tous les interstices de la société occidentale, qu’on recherche un emploi, un logement, un loisir, un bon médecin : sans cesse se dresse la suspicion, une peur inconsciente, une xénophobie muée en violence structurelle. C’est tout cela qui, dénoncé depuis si longtemps, n’est plus supportable, surtout lorsque cela s’assortit de l’obligation de « s’assimiler » en adoptant le récit national des racines françaises, comme le demandent un ancien Président et bien d’autres. Il s’agirait d’oublier l’histoire de l’humanité, que la bourgeoisie jacobine tente aujourd’hui de réécrire à l’aune d’une République à la dérive qui cherche, pour se rassurer, à se rattacher à ses anciennes lubies nées sous la IIIe République. Peu importent les faits, il s’agit de mettre sur pied un récit national à l’idéologie douteuse et à laquelle chacun est prié de se tenir.
S’il y a bien une chose que les peuples ont apprise, c’est que l’on ne peut construire de l’en-commun sur des mensonges visant à maintenir l’autre dans un statut de subordination, tout en prétendant que cet autre est le bienvenu ; malheureusement, il lui manque toujours cette excellence qu’il ne peut atteindre puisque les codes sont soigneusement maintenus invisibles. Dès lors, le Blanc se dédouane de cet écart qui maintient l’autre dans un en deçà fait de violence, de mésestime et de désamour. Il ne demande qu’à aider, mais l’autre est récalcitrant. Pour peu qu’il tente de briser le plafond de verre, une nouvelle embuscade se dressera devant lui. C’est bien ce paradigme raciste qui continue d’organiser nos sociétés ; dès lors, comment se construire comme un « homme qui interroge » – comme le disait Fanon – lorsque tout vous renvoie à un statut d’infériorité, que vous n’avez jamais été autorisé à quitter. C’est bien cette logique d’une organisation systémique qui construit un monde où tout est objectivé et transformé en produit financier, mais aussi un monde où l’être, le pouvoir et la connaissance fonctionnent et se lient les uns aux autres de façon à ce que ces relations produisent un ordre de dépendance des uns par rapport aux autres. En d’autres termes, un rapport de maîtres à esclaves.
C’est bien sûr à partir de cela que le camp d’été décolonial a travaillé. C’est bien cela que ceux qui dominent ne peuvent admettre. Comment les autres pourraient-ils sortir de la ghettoïsation qui leur a été assignée ? Alors, pour parvenir à se libérer de ce joug colonial et colonisant, il s’agit de rompre avec le modèle imposé, de tenter de penser une alternative non plus fondée sur la violence, mais sur l’amour et la reconnaissance de l’autre comme un autre moi-même, un amour, une reconnaissance entre damnés.
C’est le travail commencé lors du camp d’été décolonial, avec d’autres réseaux. Pour ses promoteurs et promotrices, il s’agissait de créer et de penser les conditions de cette reconnaissance, non plus avec ceux qui dominent et qui parfois acceptent de les apercevoir, mais une reconnaissance entre et parmi tous les damnés. Pour ce faire, il est temps d’assumer une rupture avec la modernité, élément de la colonialité qui empêche de s’ouvrir au monde. Il s’agit d’agir pour penser un projet qui doit perturber l’ordre qui maintient les peuples et les États sous un joug colonial violent.
Ainsi l’effet de la citation utilisée par Clavreul pour démontrer que les Autres n’ont pas compris la pensée si particulière de Frantz Fanon, alors qu’ils ne cessent, pour certains, de s’y référer sans cesse, tombe à l’eau. Puisque « l’heure de nous-mêmes a sonné », nous lui affirmons que nous avons bien compris et analysé les propos de Frantz Fanon qui sont aujourd’hui encore d’une acuité sidérante, pour peu que l’on ait la volonté de comprendre ce qu’il dit de la relation entre l’homme dominé et l’homme dominant et non l’ambition de truquer, de travestir, de tricher et de mentir.
L’objectif est d’entendre que « c’est par un effort de reprise sur soi et de dépouillement, c’est par une tension permanente de leur liberté que les hommes peuvent créer les conditions d’existence idéales d’un monde humain [22] ». L’heure de nous-mêmes ayant sonné : c’est bien à cela que nous nous attelons malgré vos volontés mortifères. Se pose une question essentielle qui est implicitement contenue dans celle de la colonialité du pouvoir et du savoir : comment détruire le racisme qui affecte lourdement autant de citoyens d’un pays ?

*Aimé Césaire, Lettre à Maurice Thorez, 24 octobre 1956
Notes

[1] Enseignant à l’université Toulouse Jean Jaurès

[2] Experte ONU, Fondation Frantz Fanon

[3] Gilles CLAVREUL, « Un racisme à l’envers ? », https://jean-jaures.org/nos-productions/un-racisme-a-l-envers

[4] Jacques DERRIDA, Bernard STIEGLER, Échographies. De la télévision, Galilée/INA, Paris, 1996, p. 46.

[5] Pour se prémunir du ridicule, Clavreul cite Fanon sans indiquer de numéro de pages. C’est qu’il s’agit en réalité d’une compilation de morceaux de phrases qu’on trouvera dans les Œuvres complètes entre les pages 247 et 249 ou, dans l’édition de poche, entre les pages 183 et 185.

[6] Frantz FANON, Œuvres, La Découverte, Paris, 2011, p. 247.

[7] Ibid., p 248

[8] Ibid., p. 673.

[9] Walter BENJAMIN, Romantisme et critique de la civilisation, trad. Christophe David et Alexandra Richter, Payot, Paris, 2010, p. 129

[10] W.E.B. DUBOIS, Darkwater. Voices from within the veil (1920), Mineola, Dover, 1999, p. 22.

[11] Aimé CÉSAIRE, Discours sur le colonialisme (1955), Présence africaine, Paris, 2004, p. 8.

[12] Aya RAMADAN, « De l’oppression du peuple palestinien en général et d’un tweet en particulier », http://indigenes-republique.fr/de-loppression-du-peuple-palestinien-en-general-et-dun-tweet-en-particulier/

[13] Frantz FANON, Œuvres, p. 293.

[14] Collectif, « Pour un antiracisme politique », http://www.liberation.fr/societe/2015/05/21/pour-un-antiracisme-politique_1313970

[15] Usul, « La polémiste (Élisabeth Lévy) », https://www.youtube.com/watch?v=05OaQNkZ_9E

[16] Alice GÉRAUD, « Gilles Clavreul, la valse antiraciste », www.liberation.fr/societe/2015/04/16/gilles-clavreul-la-valse-antiraciste_1243400

[17] Philippe MARLIÈRE, « “Printemps républicain” : le rappel à l’ordre de la bourgeoisie jacobine », https://blogs.mediapart.fr/philippe-marliere/blog/080416/ printemps-republicain-le-rappel-l-ordre-de-la-bourgeoisie-jacobine

[18] Laurent BOUVET, L’Insécurité culturelle, Fayard, Paris, 2015, p. 156.

[19] Arjun APPADURAI, Géographie de la colère. La violence à l’âge de la globalisation (2007), Payot, Paris, 2009, p. 80.

[20] Maxime CERVULLE, Nelly QUEMENER, Florian VÖRÖS (dir.), Matérialismes, culture & communication. Tome 2 : cultural studies, théories féministes et décoloniales, Presses des Mines, Paris, 2016.

[21] Laurent BOUVET, L’Insécurité culturelle, p. 150.

[22] Frantz FANON, Œuvres, p. 251.
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