Trésors juifs, exposés et interdits
Vernissage jeudi de l’exposition « Héritage inespéré : objets cachés au cœur des synagogues » visible dans la galerie Heitz (ancien cabinet des estampes) du palais Rohan. En voici les premiers clichés, pris au vol avec un téléphone…
Dans une mise en espace de boîte à trésor, on a pu découvrir la genizah de la synagogue de Dambach-la-Ville. Il s’agit d’un ensemble de documents et d’objets du rite public et domestique hors d’état qu’une communauté cachait avant de l’enterrer au cimetière. Un nom justifiait ces précautions qui ne peut paradoxalement pas mourir : celui de l’Éternel, désigné par une foule d’adjectifs magnifiques (voir les tout premiers mots du Moïse & Aron de Schoenberg) ou par l’altération d’un point : « D.ieu ». Bandes, liens, livres, rouleaux, tout le bric-à-brac cultuel juif se retrouve là, parfois splendide, parfois très ancien (les premières pièces remontent au XVII° siècle), parfois étonnement moderne dans son abstraction. Des éléments sauvés d’autres synagogues rurales abandonnées complètent la présentation. La pièce la plus touchante est cette lettre toute banale d’une petite fille des années 1960 qui dit mieux que toute tartine shoaheuse (qu’on nous a épargné) la douleur et surtout les frais bourgeons d’une culture invincible. La pièce la plus grinçante est ce trois-quart d’affiche de la Passion d’Oberammergau, spectacle de la Bavière catholique pour remercier Dieu (sans point) d’avoir sauvé la cité de la peste apportée par… les juifs. Les troupes d’occupation étasuniennes ont dû mettre le holà dans les années 1950 pour que cette vomissure antisémite (qui transforme tous les habitants en acteurs, donc en complices) soit enfin édulcorée. Quelle réflexion a pu susciter autour de la lampe l’intrusion de cette affiche terrible, rapportée par quelque colporteur effaré ou peut-être grinçant goguenard ?
Le service des Musée a eu le bon goût de vernir la chose un jeudi, pour éviter l’exclusion de facto de certains Strasbourgeois juifs des mondanités du vendredi soir. Cela n’a pas empêché la communauté juive d’être réduite à ses représentants à tout faire, ces trois têtes dévolues au ami-ami habituel. Pas d’ecclésiastique juif : il est vrai que ces documents exceptionnels continuent à devoir ne pas exister. Peut-être fallait-il ménager quelques intégristes, comme lors de cette seconde élimination des déportés conservés à l’hôpital, qui constituaient peut-être la dernière preuve « vivante » de la solution finale ?
Charlie Grosskosch
Exposition visible au palais Rohan jusqu’au 24 février 2017.
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