Alain de Benoist, interrogé par Laurent Husser, s’est présenté comme un penseur et non comme un homme d’action, partidaire.
Parmi les nombreuses banalités de base proférées à la librairie Kléber, une critique des partis, de tous les partis, ainsi que l’observation usée d’un recentrage du champ politique qui ne permettrait plus de distinguer la droite de la gauche, même si cette remarque est aussitôt tempérée par la nuance selon laquelle il y a plusieurs droites et plusieurs gauches et que les idées des uns et des autres changent de camp.

Ont été rappelées ses contributions déjà anciennes, des années soixante-dix, au GRECE, à la Nouvelle Droite, au Figaro magazine, etc.

Cette posture de pur intellectuel (irresponsable quant au devenir de ses idées mises en action par une partie de l’extrême-droite) est pratique car elle semble le dédouaner des conséquences de la mise en œuvre des concepts et raisonnements qui sont les siens. Il pourra toujours dire qu’il est mal compris.

Idées qu’il a pourtant transmises dans de véritables cours suivis par de nombreuses personnes, comme, dans les années soixante-dix, selon un témoignage recueilli, à l’École militaire de Strasbourg, par exemple.

La coupure entre le penseur, le dire et le faire est bien pratique pour s’exonérer de la mise en œuvre de son idéologie.
Ses partisans proclamés ou non feraient-ils autant de contresens?

Cette idéologie emprunte à de nombreuses sources, mais quand on lit la rubrique qui lui est consacrée sur Wikipedia, on est immédiatement frappé par la récurrence des hommes et thèmes d’une extrême-droite très classique, et collabo, qui, entre les deux guerres, et après, était porteuse d’un antisémitisme farouche, comme Henri Coston, par exemple, pour n’en citer qu’un, et bien d’autres du même acabit.

Il se présente aujourd’hui comme anti-libéral, anti-impérialiste, européen, opposé au racisme vulgaire des anti-immigrés.

Il accuse avec raison le patronat d’être le principal responsable de l’immigration qu’il qualifie de “problème”. Cette immigration patronale pèserait sur les salaires des travailleurs européens. Certes, mais il ne dit pas que les travaux effectués par ces immigrés sont ceux que les Français et les Européens en général refusent comme trop vils. Et bien entendu, pas question de défendre l’idée que les travailleurs européens ou extra-européens devraient s’unir pour lutter contre ce patronat en exigeant de meilleurs salaires pour tous-tes.

De même, si l’ennemi est vraiment le libéralisme et le patronat, alors la logique voudrait que ceux qui se réclament de sa pensée manifestent devant les sièges des officines du MEDEF au lieu qu’ils se retournent plus communément contre les étrangers accusés de voler le travail des indigènes…

Il cite Karl Marx parmi ses inspirateurs, et même, horresco referens, le trotskiste Daniel Bensaïd, qui, hélas, n’est plus là pour lui répondre vertement.

Il trompe de fait pas mal de gens, même à gauche et dans une frange de l’extrême-gauche qui se laisse prendre à ses pièges, dès lors qu’il parle d’anti-libéralisme, de décroissance, de monde multipolaire, ou de protection de la nature comme ressource finie.

Alain de Benoist 3 universel universalisme f2c_audio

Cependant, il suffit d’être attentif, lorsqu’il aborde certains sujets pour comprendre dans quel camp il se situe, celui d’un fascisme contemporain, loin, en apparence, des crânes rasés, qui pourtant se trouvaient dans la Salle Blanche, des bottes et autres attirails issus des brumes nordiques, ce qui ne l’empêche pas de frayer avec un paganisme significatif, antérieur aux religions du Livre.

Alain de Benoist 4 immigration_f2c_audio

Lorsqu’il est interrogé sur l’universel, l’universalisme et le droit, apparaît alors un théoricien de l’inégalité.

Il défend, comme d’autres un universel qui ne rompt pas avec les singularités, chemin sur lequel on peut faire quelques pas de concert. Mais lorsqu’il critique ce que d’autres, du côté de Le Pen père, ont appelé “droit-de-lhommisme”, apparaît le fond, inégalitaire, de sa pensée.

Alain de Benoist 5 droits-de-l’homme_f2c_audio

Surtout quand il évoque le droit antique et les statuts particuliers des hommes de ces temps. On ne peut s’empêcher de penser au droit romain, par exemple, qui réglementait les affaires des maîtres et des esclaves. A chacun son dû, en somme, mais point d’égalité,(l’équité tout au plus) pourtant inscrite dans le préambule de la Constitution de la 5eme République, selon lequel “les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit…”. Le mal viendrait donc, si on l’entend bien, entre les phrases, de cette foutue révolution française à vocation universaliste. Pour des humains différents, il faudrait des droits différents.

Alain de Benoist 6 Millet Camus etc f2c_audio

Lorsque, répondant à une question, venue d’une des rares personnes n’appartenant ni à la droite ni à son extrême, concernant sa posture de pur penseur, le jour même où à Paris, de prétendues “Jeunesses nationalistes” entendaient manifester pour signifier aux immigrés que les Français (de souche…) sont chez eux et qu’ils ne tolèreront pas ce qu’ils n’hésitent pas à qualifier d’occupation du sol par des troupes étrangères, surtout arabo-musulmanes, selon la théorie du “grand remplacement” chère au désormais châtelain gersois Renaud Camus, ou, plus au nord, Anders Breivik, il feint de se distinguer de ces nervis qui pourtant, chaussés de leurs brodequins renforcés qui leur tiennent lieu de pensée chez de Benoist, se préparent à enfoncer sur les crânes des immigrés ce que d’autres, comme lui, leur enfoncent dans les oreilles.

Alain de Benoist 7 censure sacré + à 2’33 A de Benoist et identitairesf2c_audio

Il note que les peuples européens sont confrontés à des groupes humains venus d’ailleurs s’installer ici  et que ces groupes conserveraient leurs langues, leurs traditions, à la différence des autochtones qui auraient perdu les leurs du fait de la marchandisation mondialisée.

D’où leur jalousie, leur envie, au sens kleinien, et leur éventuelle haine pour ces prétendus envahisseurs qui prendraient leur place réelle et symbolique. Et il exhorte alors ces indigènes européens à retrouver leurs traditions.

On ne comprend pas ce que peut signifier “retrouver ses traditions”, car si elles sont en voie d’extinction, comme il le dit, alors de deux choses l’une, ou bien ce serait une politique au sens propre réactionnaire, ou bien il s’agirait d’en construire d’autres sur une base ancienne, mais sur quelles valeurs, mais alors pourquoi parler de tradition?

Par ailleurs, il passe sous silence le fait que les populations immigrées elles-mêmes transforment en les transmettant leurs propres traditions, pour les adapter à un monde nouveau. A qui fera-t-on croire que, sauf à la marge, pour des affaires rares de mariages forcés ou de vengeance, des paysans d’Anatolie,vont se comporter comme sur leur plateau natal? Sans compter que dès la seconde génération, leurs enfants nés en France ont acquis les modes de vie et de pensée de leurs camarades franco-français.

On vient de voir, à Marseille, où conduisent ces “idées”.
On a comme l’impression d’une division du travail entre les intellos, toujours supposés pas responsables de ce que d’autres plus frustres produisent à partir de ces foutaises d’un racisme différentialiste et les abrutis cloutés.