Après les Bains municipaux, les quais privatisés de l’ESCA, un nouveau scandale d’espace public sauvagement privatisé par la Ville…
Située entre le quartier Cathédrale, la place St Etienne et la Krutenau, la place Mathias Merian était, jusqu’à l’an dernier, l’une des dernières places populaires non-commerciales de la Grande-Île.
Les habitants des immeubles environnants venaient s’y détendre, les plus âgés s’y retrouvaient pour discuter et rompre la solitude, les mères de familles amenaient leurs progénitures jouer au jardin d’enfant spécialement aménagé, les élèves des lycées proches y déjeunaient, s’y roulaient leur première pelle ou leur première cigarette après les cours, des étudiants avaient transformé la partie basse en boulodrome et partageaient de longues parties de pétanques autour d’un verre de vin, quelques SDF y trouvaient assise et repos salutaire sous les arbres protecteurs. Toutes les composantes sociales et générationnelles du quartier y étaient représentées, sans que cela ne pose, en apparence, de problème à personne.
La Ville, elle-même semblait aller dans le sens d’une plus grande visibilité de la place qui accueillait, depuis des années déjà, une scène musicale, chaque 21 juin, à l’occasion de la Fête de la musique et, depuis peu, une fête de quartier appréciée. Là non plus, rien ne laissait présager d’une décision radicalement contraire à venir.
Et pourtant, en mai 2014, la place Mathias Merian a été condamnée. Après avoir fait disparaître le jardin d’enfants, lequel sera transféré dans la cour de l’école maternelle toute proche de la rue des Veaux, la Ville a fait retirer tous les bancs (5 ou 6) de la place et fait réduire et fortement grillager le parterre de fleurs central.
Les habitués et voisins de la place ont posé des questions : la Ville va-t-elle réaménager la place ? Mettre de nouveaux bancs ? Que nenni ! Les seules bribes de réponses et d’informations diffusées officieusement aux résidents et voisins furent les suivantes : “la place était mal fréquentée, trop bruyante, trop de SDF…”, “les voisins se plaignaient”(lesquels?), “il a fallu prendre une décision ferme…”…
On se souvient du scandale qu’avait provoqué le Maire UMP d’Angoulème, en grillageant des bancs publics, il y a quelques mois, pour en empêcher l’accès aux SDF locaux, moins de la réaction, pourtant édifiante, d’une élue socialiste qui, croyant dénoncer la politique de son camarade UMP, étalait au grand jour les méthodes “socialistes” pour appliquer la même politique mais de manière plus “discrète”:
C’est bien cette même méthode “socialiste” qui a été appliquée place Mathias Merian à Strasbourg, privant l’ensemble des habitants d’un lieu de vie irremplaçable.
On s’indigne souvent et à juste titre du développement, dans toutes les grandes métropoles mondiales, du mobilier anti-SDF, horriblement appelé “mobilier urbain défensif” (Qui l’attaque ?), on s’indigne moins du nettoyage social urbain par le vide que constitue le retrait volontaire des aménagements et du mobilier pouvant abriter ou accueillir les plus miséreux.
Depuis un an donc, la place Mathias Merian a été littéralement vidée de ses habitués, de tous ses habitués, et c’est tout l’équilibre d’un quartier qui s’en trouve modifié: finies les rencontres entre générations, les enfants rieurs sont retournés jouer entre eux à l’intérieur de l’école sous le regard des professeurs, les personnes âgées qui n’ont plus où s’asseoir se désespèrent seules chez elles, les lycéens déjeunent désormais sur les marches d’entrée des immeubles, gênant l’accès des résidents et laissant les papiers gras sur les trottoirs, les 2 ou 3 miséreux (dont la présence avait justifié le retrait de tous les bancs) boivent maintenant leur bière assis par terre…
Quel “beau” bilan !
Mais le scandale ne s’arrête pas là…
Si au fil des mois, les langues se délient pour déplorer la mort effective d’une place populaire vivante et animée, la parole se libère d’abord pour dénoncer la manière dont la place a été sacrifiée, et l’information court de plus en plus que ce vidage des lieux serait dû à l’initiative d’une personne proche de la municipalité, habitant (ou qui aurait habité) dans un des immeubles autour de la place, et qui aurait, pour son confort privé, fait activer le processus de “nettoyage”.
Selon les habitants du quartier, aucune consultation préalable, aucune analyse de la situation ni des conséquences néfastes, ni aucun plan d’aménagement ne leur ont été proposés, aucune explication officielle n’a été fournie. Rien ne justifie donc cette situation aberrante que le bon vouloir d’une bourgeoise grincheuse au bras long et d’une équipe municipale plus à l’écoute de ses copains que des citoyens, prônant le “vivre ensemble” mais, de préférence, dans l’entre soi.
La gentrification s’accélère, décomplexée et plus offensive que jamais (nous rappelons qu’ à Strasbourg, des Roms sont mis en camp à 15km du centre ville pour éviter qu’ils mendient dans les rues commerçantes !), les discours d’exclusion se radicalisent aussitôt suivis par des attaques menées contre les plus pauvres ; signes d’un accaparement du tout libéral au détriment de la vie simple.
Pour dernière preuve, cet ultime rebondissement et scandale de taille… :
Lundi 29 juin 2015, les promeneurs et riverains ont eu la surprise de découvrir quinze tables et 30 chaises de café alignées en 3 rangées, occupant 40m2 dans l’angle nord-ouest de la place Merian. Sur chaque table, une carte des consommations au nom du bar Les Aviateurs.
Les riverains intrigués ont été rapidement renseignés par les serveurs du bar : Les Aviateurs avaient formulé la demande d’une terrasse à la municipalité, il y a un an, soit juste après le “nettoyage” de la place, la Ville n’avait pas donné son accord à l’époque (un peu trop visible le rapport de cause à effet…?) mais a donné son feu vert cette année, pour un un mois d'”essai”, reconductible et avec possibilité d’étendre les services en cas de succès.
Toujours d’après le personnel des Aviateurs, la Ville leur aurait accordé cette terrasse au prétexte que l’endroit “manquait d’animation” et qu’un service de bar “re-dynamiserait la place” !
On croit rêver !
Pire, la Ville louerait les 40m2 de place publique aux Aviateurs pour moins de 200€/mois (184€ exactement) !
Ce qui représente “bien moins que les bénéfices journaliers des 15 tables toutes occupées” nous confie un serveur !
Autant dire que la Ville offre une terrasse publique à un commerçant qui va s’en mettre plein les fouilles à nos dépens !
Donc, pour résumer : en 2015, la Ville autorise un bar à installer des tables et des chaises et à faire l’animation d’une place dont elle a fait retirer les bancs et supprimer toute animation un an auparavant !
Les anciens bancs publics sont remplacés par des chaises payantes, et les buveurs sont remplacés par …des buveurs. Ah oui, mais attention, maintenant les buveurs payent leurs cocktails plusieurs dizaines d’euros, donc ça change tout ! Et puis les nuisances sonores et les déjections d’après beuverie de la clientèle aisée, à dominante blanche et hétérosexuelle des Aviateurs, sont tout à fait acceptables… Dommage pour les voisins que la “tenue correcte exigée” à l’entrée du bar ne se limite qu’à l’emballage… car derrière le bling-bling de sa clientèle, se cache toute la vulgarité et l’indécence de ceux qui croient que le monde leur appartient (au sens propre).
On nous a témoigné d’un récent dialogue révélateur entre un serveur et un client bruyant qui hurlait dehors à 3h30 du mat’ :
Le serveur : “Chut, moins fort s’il vous plaît, il y a des voisins qui dorment !”
Le client : “Ah parce qu’il y a des gens assez cons pour habiter ici ?”
…
Nous rappelons qu’ être voisins de bars de nuit, ça veut dire supporter bruits et désagréments de tout genre, tous les soirs de la semaine ( jusqu’à 4h du matin pour les voisins des Aviat’…) !
Ici, à 3h… (documents transmis)
Là, vers 3h30, la sortie des clients avant la fermeture (document transmis) :
Oui, il y a des “cons” qui habitent ce quartier, il y a même quelques riverains obstinés qui préfèrent encore s’asseoir par terre place Merian que sur la proche place Gayot, entièrement commerciale, où toute assise est obligatoirement consommative (modèle que la Ville encourage et souhaiterait développer place Merian…).
Est-il tolérable que ces “cons”-tribuables restent privés, à leurs (nos) frais, des aménagements de la place Merian et n’est-il pas urgent autant que légitime de demander à la Ville la réinstallation à minima des bancs publics ?
De plus, est-il acceptable que la Ville préfère confier la (ré-)animation du lieu à un commerçant plutôt qu’à rendre la place à ses habitués, quels qu’ils soient ?
Comme devant les Bains municipaux et sur les berges confisquées de l’ESCA, organisons nous-mêmes nos propres animations, et réinvestissons par des moyens créatifs et gratuits ces espaces publics qui nous appartiennent !
La Feuille de chou propose l’organisation d’un concours de création de mobilier d’extérieur (par exemple à partir d’éléments recyclés) pour redonner toute leur place aux riverains de Mathias Merian !
Amis artisans, bricoleurs, designers, poètes, à vos projets !
Et maintenant, la cabane au fond du jardin !/Users/micheleromby/Desktop/cabane.jpg
Bonjour,
On est tous d’accord pour un vrai espace végétal avec des oiseaux, de la permaculture des plantes
dans la terre et non dans des pots, un jardin paysagé, partagé, éducatif pour les enfants
(sans cafés, restaurants, terrasses, marché de Noël, tout cela à but lucratif ).
Si l’association nous oblige à subir ses réjouissances,
pitié, des animations apaisées sans porte voix, sans haut parleur
sans micro ni tamtam et surtout pas de concerts.
Il y a d’autres lieux pour faire de la musique, comme le kiosque du Contades ou le Zenith,
On déjà traumatisés par le bruit,
tout résonne dans cette cour d’immeuble,
merci d’en tenir compte.
un habitant de la rue des Soeurs
Habitant à côté des Aviateurs (un con-tribuable), je constate régulièrement que l’allusion sarcastique à la population « blanche et hétérosexuelle » n’est en rien un phénomène de l’esprit. Quant à cette place où il faisait bon vivre, chacun aura pu constater la nouvelle phase de privatisation de l’espace avec l’installation (décidée en concertation resserrée autour de quelques commerçants alentour) d’une cabane servant de terrasse payante à l’endroit de l’ancien parc pour enfants. Inspiré sans doute de ce qui s’est réalisé à Paris, Bordeaux ou Toulouse depuis quelques années, prétextant d’initiatives citoyennes.
c’est juste un constat vérifiable par quiconque
Je pense que l’allusion à la clientèle blanche et hétérosexuelle est plutôt ironique (ou cynique selon le degré d’ironie qu’on veut bien y trouver) et veut dire que pour la municipalité, elle est la seule acceptable et qu’elle mérite qu’on lui réserve une partie de la place.
Mère de famille habitant pas très loin, avec un enfant scolarisé dans l’école maternelle rue des Veaux, je déplore fortement cette très mauvaise initiative de la ville. En effet j’avais l’habitude de laisser mon petit garçon jouer dans ce parc tous les jours après la sortie de l’école, et mon fils étant très sociable, il entamait volontiers des discussions et des jeux avec tous les utilisateurs de cette place quels qu’ils soient, ados, personnes âgées, ou SDF. Pour moi la disparition des jeux est une grande perte car nous n’avons évidemment plus aucune envie de nous arrêter dans ce désert.
Une mairie socialiste ne devrait pas remplacer une place publique que servait à tous par un désert ou pire par une activité commerciale !
La présence seule de la terrasse des Aviateurs ne me dérange pas en tant que tel si la ville décide de remettre des jeux pour les enfants et des bancs. On pourrait tous cohabiter……
en premier lieu je réponds à anon67 en disant que moi, ça ne m’a pas gênée cette allusion à la clientèle blanche et hétéro parce qu’à mon sens il ne s’agit là que d’un constat: les clients des Aviateurs étant bel et bien à dominante blanche et hétéro. Cela sous-entend dans cet article que l’on aurait empêché l’ouverture de la place à tous (blancs, noirs, beurs, jaunes, rouges, violets, hétéro, homo, bi, trans, hermaphrodites) au profit d’un bar qui, ma foi, accueille des blancs bourgeois et hétéro en majorité. Rien de très discriminatoire, c’est juste dérangeant pour ceux qui se sentent visés.
Moi, toute blanche et hétéro que je sois, je ne me sens pas visée parce que:
En 1 je ne fréquente pas ce bar
En 2, même si j’adore les Mojitos fraise, je ne hurle pas comme une sagouine (féminin de sagouin ?) à la sortie d’un bar, encore moins s’il est entouré d’habitants, si con-tribuables qu’ils soient
En 3 j’adore les fêtes de quartier, si le vôtre vous manque venez en septembre à la fête de la Robertsau, c’est chouette, et on est pas obligé de payer (sauf si on veut boire lol)
En 4 je trouve déplorable, si l’hypothèse est confirmée, que l’on accède à la demande d’une bourgeoise au bras long qui se sentait agressée par des enfants, des jeunes et des seniors, plus que par des sortants de bar complètement bourrés.
La Ville (je veux dire la mairie) ne vous mérite pas et je suis de tout coeur avec vous.
Ce sujet mérite d’autant plus l’attention qu’il interroge sur l’appropriation (ou la ré- appropriation) de l’espace public financé par les cons-tribuables et que cet espace public est exploité exclusivement par des entreprises à des fins commerciales alors même que celles-ci contribuent de moins en moins.Et surtout ce n’est pas un cas isolé dans notre ville (cf: article sur les berges de l’ill)! J’imagine que cette place sera bientôt équipée d’une caméra de “vidéo protection” maintenant qu’une terrasse y est installée.. Pour protéger, bien sûr… mais qui ou quoi et contre quoi?
+1
posez cette question aux Aviateurs !
bonjour
très bon votre article, cependant je note une phrase qui a mon sens pollue fortement vos propos pourtant pertinents au
début : ” Et puis les nuisances sonores et les déjections d’après beuverie de la clientèle aisée, à dominante blanche et hétérosexuelle des Aviateurs”……………Avez vous un souci avec les blancs et les hétérosexuels ???
Ces propos discriminatoires desservent votre action d’origine, pourtant louable…
Ne vous étonnez donc pas si certains habitants du quartier vous tournent le dos !!!
Dommage car le sujet mériterait plus d’attention …
il en n’a marre çà fait des années que çà durs C’est problèmes de bruits et jamais rien a été fait .
Dans les pays du sud, les habitants ont pour habitude lors des chaudes soirées d’été d’investir les trotoirs et espaces publics avec des chaises et tables pliantes, de taper le cartons… Bref de se réunir à la fraîche entre voisins. Pourquoi ne pas tenter cela? Il suffit de s’équiper de mobilier de camping que l’on emporte avec soi.