Le droit international contre les communautarismes.

Les DNA du 4 juin publient un point de vue (voir ci-dessous) du pasteur Michel Weckel, responsable des relations inter-religieuses de l’UEPAL.

Alors que le monde entier est sous le choc de l’attaque israélienne de la flotille humanitaire pour Gaza, et que l’État d’Israël est condamné à l’ONU, même par ses amis les plus proches, le pasteur Weckel prétend à une “approche dépassionnée du conflit israélo-palestinien“.

On verra à quel prix.

Remarquons d’abord qu’il n’a pas un mot pour les passagers assassinés par balles lors de l’assaut de la marine israélienne.

Chacun serait dans “la certitude qu’il sait“. Le pasteur y échapperait-il par miracle?
Le problème est que loin de se garder des “réactions uniquement dictées par les appartenances communautaires“, sa contribution, oublieuse du droit international foulé aux pieds une fois de plus par Israël, est à la fois religieuse et communautaire d’un bout à l’autre.

Le pasteur, confondant les positions des dirigeants communautaires avec celles d’une population entière, range d’abord les juifs “presque unanimement derrière la politique de l’État d’Israël“, au risque de favoriser, malgré lui, un antisémitisme qu’il condamne.

De la même façon communautariste, il invente un “côté musulman” où sévirait “une identification irrationnelle au peuple palestinien” . Bien entendu, les musulmans seuls sont irrationnels, pas les juifs! On voit de quel côté penche notre pasteur.

Il met enfin en avant les chrétiens qui seraient divisés entre “inconditionnels d’Israël” et “pro-palestiniens“.

Le grand défaut de cette fable oublieuse du droit international, est de laisser croire au caractère religieux et communautariste de ce qui se passe entre Israël et la Palestine. Et d’attiser ainsi, les passions qu’il semble vouloir calmer.

Pourquoi ne pas dire que ce conflit est de nature coloniale, que l’attaque des bateaux est un crime de guerre, un de plus, après le massacre de 1400 personnes à Gaza, que l’État d’Israël, depuis 1948, ne respecte aucune des dizaines de résolutions de l’ONU, qui exigent, entre autres, la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. Et aussi, dans la résolution 194, de 1948, le droit au retour des Palestiniens.

Le pasteur Weckel souhaite qu’on entende la souffrance des uns et des autres.
Les éventuelles chevilles foulées des commandos de marine israéliens sautant sur le pont du Mavi Marmara seraient-elles sur le même plan que la souffrance des familles des humanitaires turcs tués et celle des Palestiniens privés de patrie?

Jean-Claude Meyer, membre du Bureau national de l’Union juive française pour la paix.

Pour une approche dépassionnée du conflit israélo-palestinien

Gardons-nous des réactions uniquement dictées par les appartenances communautaires ou les affinités subjectives qui suscitent des propos propres à envenimer le débat. Vu la complexité de la situation, chacun trouvera aisément des incidents, exemples ou drames pour verser de l’eau au moulin de sa rancoeur et démontrer que le barbare, c’est celui d’en face. Dans tous les camps, à coups de provocations, de raccourcis, de manipulations, on est prompt à jouer ce jeu détestable.
Du côté juif, on se range presque unanimement derrière la politique de l’État d’Israël, fût-ce lorsqu’elle est brutale et injustifiable (par exemple la colonisation forcenée de la Cisjordanie et de Jérusalem Est). En diaspora, les juifs sont souvent plus royalistes que le roi.
Du côté musulman sévit une identification irrationnelle au « peuple palestinien ». Cette identification permet sans doute aux musulmans d’oublier que la solidarité des pays islamiques avec les Palestiniens n’a pas toujours été exemplaire, loin s’en faut. Et l’on peut s’interroger sur la fonction illusoirement unificatrice que revêt la « cause palestinienne » pour un monde musulman divisé et en proie, de façon chronique, à la dictature.
Du côté des chrétiens, enfin, il y a les deux : au nom de l’amitié avec les juifs, les inconditionnels d’Israël ; au nom du tiers-mondisme chrétien de gauche, les « pro-palestiniens », tout aussi inconditionnels.

Le rôle dangereux
des poncifs militants

Assez de ces discours et de ces manifestations qui n’ouvrent sur rien d’autre que la répétition de slogans idéologiques et d’approches partisanes. Les poncifs militants ne font que jeter de l’huile sur le feu. Or ce conflit a besoin d’une approche dépassionnée. Il ne s’agit pas de plaider pour une neutralité tiède et désengagée, ni de renvoyer Israéliens et Palestiniens dos à dos, mais de récuser la logique stérile du « pour » et du « contre ».
Ne peut-on entendre pareillement la souffrance des uns et celle des autres ? Ne peut-on éprouver un vrai désir de justice pour les Palestiniens en même temps qu’un authentique sentiment de solidarité avec les Israéliens ?
Refusons les logiques mortifères du face-à-face et les impasses haineuses et guerrières auxquelles elles conduisent inexorablement.

M.W.

Édition du Ven 4 juin 2010