Confiné en jardin

EN GAV, A DOMICILE

Deuxième semaine de confinement.

« Il participe surtout de l’idée d’« enfermement », d’abord dans le contexte pénal de l’emprisonnement (1579), puis dans celui de l’isolement d’un captif (XIXe s.). De nos jours, il indique surtout le fait d’enfermer et d’être enfermé dans certaines limites, concrètes ou, surtout, abstraites. Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française.

Le premier ministre a annoncé dès hier soi, avant même avoir signé les textes, le renforcement et les précisions apportés à l’Attestation de déplacement dérogatoire déjà en vigueur depuis huit jours. Les « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes… » sont, après avis du Conseil d’Etat, réduits à une heure et un kilomètre du domicile. Les « déplacements  pour motif de santé » doivent être spécifiés. 

Les marchés de plein air sont fermés, sauf dérogation du préfet ou du maire. Le maire de Strasbourg a déjà annoncé la fermeture de celui du boulevard Leblois.

Les contraventions et peines encourues sont renforcées jusqu’à 6 mois de prison et 1500 euros d’amende. Les couples qui disposent de deux domiciles doivent choisir l’un d’eux pour être confinés. Etc.

Reste toujours cet « en même temps » ou cette contradiction qui commande à tous de rester à la maison et aux travailleurs qui ne peuvent télé-travailler d’aller au travail.

La loi d’urgence sanitaire comporte des atteintes graves aux libertés fondamentales. On voit bien que plusieurs mesures attentent au droit du travail et concernent les salaires ou les congés que les patrons peuvent imposer en temps de confinement.

On sent bien que le pouvoir a tendance à culpabiliser plus les citoyens qu’il ne responsabilise ceux qui auraient pu faire qu’on ne soit pas en manque de masques, de gel, de respirateurs. Les milliers de lits supprimés dans les hôpitaux sont aujourd’hui aux abonnés absents, comme les budgets sociaux.

La division sociale en classes saute encore plus aux yeux en temps de pandémie. Ce n’est pas la même chose d’être confiné en ville ou à la campagne, en HLM ou en maison, avec ou sans balcon ou jardin privé.

Ainsi, depuis le début du confinement, sauf les rares jours de pluie, j’ai pu lire au soleil dans le jardin devant chez moi. Repris La peste, d’Albert Camus, écrit en 1947 et qui colle dans les moindres détails concrets comme psychologiques et sociaux à la situation de 2020. 

Curieusement, les voisins qui partagent le même jardin n’en profitent pas plus que d’habitude où ils n’en usent pas. A la seule exception du couple avec deux enfants en bas âge qui se retrouvent les quatre vu que ni le père ni la mère ne travaille plus. 

La locataire du rez-de-chaussée, salariée de l’Unistra, en poste dans le bâtiment de la présidence, est chez elle au télétravail. Le femme du 1er,  employée de l’Eurométropole, sportive, est, comme d’habitude,  quasi invisible, comme le retraité solitaire du rez-de-chaussée à droite. M. M. va moins souvent dans son jardin au bord de la Bruche mais continue de sortir le chien d’un voisin d’en face quand il est là. De même qu’il sort et rentre les poubelles pour le passage des éboueurs. 

Toutes les voitures restent garées sur leur emplacement habituel sans presque jamais bouger. Le boulanger à cinquante mètres, avait déjà, avant le Covid-19, réduit ses horaires, fermant vers 13h, et n’a rien changé. La pollution a dû fortement baisser depuis que les écoles ont fermé et que beaucoup de gens ne circulent plus du tout.

Les familles turques de la maison d’en face sont invisibles. On ne voit même pas de fenêtres s’ouvrir, ni personne dans leur mince bande de jardin avec ses arbres fruitiers, dont un figuier.

La supérette la plus proche ouvre un peu plus tard le matin, probablement pour laisser le temps aux salariés et au gérant de remplir les linéaires dont certains sont dévalisés, sucre, farine, lait, papier-hygiénique, yaourt, beurre, charcuterie. La caissière porte enfin un masque chirurgical, mais, contrairement à Auchan, elle n’est pas protégée par un panneau de plexiglas. Quelques clients font leurs achats masqués. Ils respectent les distances dans la queue à la caisse.

Hier, G. A dû faire un aller-retour à Paris pour sa mère de 98 ans. L’horaire du TGV a changé. Il est parti à huit heures, et il ne reste que 30% des trains habituels. La gare de Strasbourg était quasi déserte. Quelques policiers sur la place contrôlaient plutôt les SDF que les voyageurs. Trois personnes par wagon seulement. Le train a encore mis une demie-heure de plus que l’horaire habituel à cause des travaux sur la voie d’un TGV accidenté récemment. A l’arrivée à Paris, le désert aussi. Quelques voyageurs fantomatiques dans le métro. Les rues vides, la circulation absente. Des magasins alimentaires ouverts, mais pas tous. Dans le wagon de première où elle se trouvait, à distance des rares voyageurs, tout à cou sont arrivés, bruyants et avinés, des hommes tenant en laisse des chiens! L’un d’eux s’est penché vers G. en demandant l’heure et son chien a posé sa gueule sur le siège. 

Ce qui manque le plus en ce temps de confinement, c’est ce qu’on faisait régulièrement et qui occupait en partie les journées d’un retraité. La séance de cinéma de 13h30, la terrasse du Berlin, place d’Austerlitz, les librairies toutes fermées, comme si le livre n’était pas un produit de première nécessité. Ils n’ont pas lu ou ils ont mal lu Si c’est un homme de Primo Lévi, ou tout autre ouvrage de rescapés des camps qui tous insistent sur la culture qui sauve plus encore que le pain ou le brouet infâme qui tient lieu de soupe.

Hier, un ami Facebook a annoncé que touché par le virus, il quittait le réseau. Aussitôt des dizaines de commentaires brefs de soutien.

à suivre…