Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République
Palais de l’Élysée
55, rue du Faubourg Saint Honoré
75008 PARIS
Montreuil, le 06 avril 2020
Monsieur le Président de la République,
La crise sanitaire du COVID 19 ne faiblit pas. La pandémie du nouveau coronavirus a déjà fait
des dizaines de milliers de morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine.
Près de 800 000 cas d’infection ont été officiellement diagnostiqués dans 188 pays et territoires
depuis le début de l’épidémie. L’épicentre s’est concentré sur l’Europe.
Notre pays est particulièrement touché et le nombre de personnes contaminées ne cesse de
s’accentuer. Beaucoup d’hôpitaux sont désormais submergés par l’arrivée de nouveaux
malades nécessitant des soins intensifs et longs. L’ensemble des personnels soignants ainsi que
ceux des secteurs du soin à domicile, dans les maisons de retraite font face, attachés à leur
mission de service public, mais force est de constater que leur condition d’exercice pose
question. En effet, les commandes de masques, de matériel médical, voire de médicaments ou
les tests annoncés par votre gouvernement tardent à se concrétiser.
Face à cette situation d’urgence, nous souhaitons vous rappeler les mesures indispensables à
prendre le plus rapidement possible.
La priorité de votre gouvernement doit être, avant tout, de garantir la stricte protection
de tous les salariés qui, assurant des activités essentielles dans le secteur public et privé, doivent
continuer à travailler. Ainsi, il est de votre responsabilité de veiller à ce que tout salarié puisse
exercer son droit de retrait en l’absence de protection ou face à un danger grave et imminent.
C’est d’ailleurs le sens du préavis de grève dans les services publics, afin de protéger les
personnels travaillant dans des collectivités où les règles ne sont pas appliquées, tout comme
dans les autres secteurs. D’autre part, les codes de bonnes pratiques même unanimes, sont
remis en cause ou restreints par les ministères comme c’est le cas dans le BTP.
De nombreux salariés sont déjà contaminés, malades voire décédés parce qu’exposés au virus
sur leur lieu de travail. Cela pose, dès maintenant, la question de la réparation et ainsi du
classement automatique en maladie professionnelle pour les soignants, bien entendu, mais
aussi pour tous les travailleurs.
…/…
En parallèle, il est maintenant tout à fait urgent de procéder à la définition des activités
essentielles et à la fermeture immédiate de celles ne contribuant pas aux besoins vitaux.
Nous voulons d’ailleurs vous réaffirmer notre opposition aux mesures dérogatoires au Code du
travail dans les domaines du temps de travail. L’ordonnance prévoyait qu’un décret viendrait
préciser les secteurs dans lesquels elle s’appliquerait. A ce jour, aucun décret n’est paru, nous
considérons donc qu’aucune dérogation ne peut s’appliquer. L’abrogation immédiate de ces
ordonnances qui organisent de manière scandaleuse la déréglementation du travail est ainsi à
l’ordre du jour.
Le confinement reste selon les experts scientifiques ou les médecins, le moyen le plus efficace
pour lutter contre le COVID 19. L’arrêt des activités non essentielles comme cela vient d’être
fait en Italie ou en Espagne permettrait par ailleurs de libérer des protections comme des
masques et gants pour ceux qui en ont besoin. A noter le communiqué de l’AMUF (médecins
urgentistes) qui va dans ce sens. Par contre, l’évolution de la production pour produire des
protections et la reprise d’activité pour des entreprises fermées, comme LUXFER pour la
production de bouteilles à oxygène, ou menacées, comme la papeterie de la Chapelle Darblay
pour la production de masques, par un financement public est essentiel. Votre ministre de
l’Economie a bien parlé de possibles nationalisations.
Nous avons défini une liste d’activités essentielles et nous sommes disponibles pour en discuter
avec le gouvernement.
Face à cette pandémie mondiale, nous réitérons notre demande que vous déclariez l’Etat
de catastrophe sanitaire afin de mettre à contribution, par exemple, les assurances et
permettre le paiement du chômage partiel à 100%.
La situation que nous vivons exige que l’ensemble des entreprises contribuent à la solidarité de
la Nation, c’est pourquoi vous devez imposer pour toutes, la suppression des dividendes aux
actionnaires. Pour le moment votre ministre de l’Économie s’est contenté d’une simple
déclaration pour demander aux entreprises qui reçoivent des aides publiques de ne pas verser
de dividendes. Nous avons l’expérience de la crise financière de 2008 et cela n’a pas fonctionné,
c’est très insuffisant ! Il n’est pas utile de vous rappeler, que récemment encore, les sociétés du
CAC 40 s’apprêtaient à verser à leurs actionnaires 54,3 milliards d’euros, soit 5,9 % de plus qu’en
2019. Vous conviendrez que cela constitue un record historique. C’est avant tout une question
de décence, de justice et de solidarité nationale !
Il va sans dire qu’un contrôle des aides publiques aux entreprises doit être garanti et une
attention particulière doit être portée aux conséquences en matière d’emploi qui pourraient
toucher les salariés notamment dans les petites et moyennes entreprises, les secteurs de
l’économie sociale et solidaire et plus largement dans tous les secteurs d’activités et cela en
lien avec les organisations syndicales représentatives.
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Vous devez prendre, dans la période, une mesure d’interdiction de tous les licenciements pour
quelques motifs que ce soient et la suspension immédiate de tous les PSE ou plans de
restructuration d’entreprise.
Vous devez porter une attention particulière sur la situation des plus fragiles et ainsi prendre
des décisions immédiates en direction des chômeurs, travailleurs précaires, intérimaires ou
saisonniers, travailleurs des plateformes (…) et prendre des mesures de protection sociale
étendues.
En cette période, les salariés ont plus que jamais besoin de leur syndicat à leurs côtés, c’est
pourquoi nous tenons à vous rappeler l’engagement pris par votre ministre de l’Intérieur,
d’élaborer une autorisation spécifique et nationale pour permettre à tous les élus et mandatés
de circuler librement et d’intervenir dans les entreprises ou les services. Cette promesse n’est,
à ce jour, encore une fois pas honorée.
Les travailleurs paient un lourd tribut y compris financièrement dans cette crise sanitaire.
Beaucoup de voix s’élèvent fortement pour dire que nombre de métiers en première ligne, que
ce soit dans l’agroalimentaire, le commerce, l’aide à la personne, les soins ou le médicosocial,
les services de ramassage des déchets (…) ne sont pas payés correctement et reconnus dans
leur travail, alors que ce sont bien eux les « premiers de cordée ». Beaucoup découvrent leur
bulletin de salaire avec des pertes de rémunération substantielles, notamment lié à la
disparition des parts variables de rémunération (primes diverses, calcul à partir des forfaits jour,
etc.). C’est donc de votre responsabilité de demander à votre ministre du Travail de procéder à
une augmentation immédiate du SMIC qui devra se répercuter sur l’échelle des salaires.
L’augmentation significative du point d’indice dans la fonction publique doit être un
engagement de votre gouvernement.
Nous exigeons également, au-delà d’un paiement à 100% du chômage partiel, le maintien des
cotisations sociales, permettant l’accès de tous à la protection sociale complémentaire (santé
et prévoyance).
Enfin, le monde est totalement bouleversé par cette crise et rien ne sera plus comme avant
quand nous en serons sortis. Gouverner c’est prévoir et votre gestion de la pandémie n’en a
pas fait une démonstration convaincante. Il y a donc un besoin urgent de faire avec les
organisations syndicales, un bilan sur les changements radicaux de politique à opérer dans de
nombreux domaines économiques et sociaux.
La CGT porte des propositions pour transformer cette société autour de valeurs de progrès
social, de solidarité et de sécurité, tant professionnelles qu’environnementales.
La CGT revendique ainsi la mise en place d’une « sécurité sociale professionnelle » pour tous
afin qu’aucun salarié, tous statuts confondus, ne subisse plus de rupture dans ses droits, dans
la reconnaissance de ses qualifications et de ses acquis par l’expérience. Il faut mettre en place
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une Sécurité Sociale intégrale, un 100 % Sécu sur la base du salaire socialisé, fondée sur les
principes fondateurs de la Sécurité sociale, que sont la solidarité et l’universalité, en intégrant
de nouveaux besoins non encore couverts et adaptés aux nouvelles formes du travail.
Il s’agit de répondre aux besoins fondamentaux, sur le principe de « bien commun universel »,
de revalorisation du travail, de préservation de l’environnement et de l’anticipation des
transitions nécessaires pour que l’activité humaine ne porte pas atteinte à l’avenir de la planète.
Cela suppose aussi qu’une autre économie et qu’une autre façon de consommer émergent.
Dix-huit organisations syndicales ou associatives ont publié une tribune pour anticiper et bâtir
le « jour d’après ».
Nous vous en livrons quelques pistes :
▪ Relocalisation des activités, dans l’industrie, dans l’agriculture et les services,
permettant d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux et de
reprendre le contrôle sur les modes de production et d’enclencher une transition écologique et
sociale des activités.
▪ Réorientation des systèmes productifs, agricoles, industriels et de services, pour les
rendre plus justes socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des populations
et axés sur le rétablissement des grands équilibres écologiques.
▪ Etablissement de soutiens financiers massifs vers les services publics, dont la crise du
coronavirus révèle de façon cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et
recherche publique, services aux personnes dépendantes…
▪ Une remise à plat des règles fiscales internationales afin de lutter efficacement contre
l’évasion fiscale est nécessaire et les plus aisés devront être mis davantage à contribution, via
une fiscalité du patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.
Nous sommes convaincus que ces réorientations majeures sont indispensables pour bâtir une
société juste, solidaire et durable dans les domaines économiques, sociaux et écologiques.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes
respectueuses salutations.
Philippe MARTINEZ
Secrétaire général de la CGT
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