Des élus français au secours de l’apartheid
samedi 16 mai 2020par Coordination nationale de l’UJFP
Il y a 72 ans aujourd’hui, c’était la Nakba, le nettoyage ethnique prémédité de la majorité des Palestiniens de leur propre pays en 1948.
En Israël, le nouveau gouvernement prépare, sans masquer ses intentions, l’annexion de la Cisjordanie au mépris absolu du droit international. Il veut appliquer le plan Trump et remodeler le Proche-Orient pour en finir avec la résistance palestinienne.
Alors que le régime de l’apartheid sud-africain s’est écroulé il y a 30 ans, l’État d’Israël a établi depuis bien longtemps un régime d’apartheid où la moitié de la population qui vit entre Méditerranée et Jourdain est privée de l’essentiel de ses droits. Ce qui existait dans les faits est aujourd’hui consolidé par la loi « Israël État Nation du peuple juif » (2018) qui inscrit dans le « droit » la négation des droits et même de l’existence du peuple palestinien.
Personne ne pourra dire : « nous ne savions pas ». Tous les jours, les diplomates européens en poste dans les territoires palestiniens relatent avec précision les confiscations de terre, la violence des colons et de l’armée, les destructions de maisons, les arrestations d’enfants, les tortures, la vie en cage à Gaza sous blocus hermétique depuis 2007… Les rapports officiels se succèdent pour attester qu’Israël est coupable du crime d’apartheid tel qu’il est internationalement défini et la Cour Pénale Internationale s’apprête à instruire le dossier des crimes de guerre commis par Israël. Le négationnisme vis-à-vis de cette réalité est insupportable, c’est de la complicité.
C’est pourtant le moment choisi par une soixantaine d’élus et de personnalités pour signer dans Le Point une tribune intitulée « Protégeons les Arabes qui dialoguent avec Israël ».
Dialogue ? Quel dialogue ? Le rouleau compresseur colonial dévore de façon insatiable la Cisjordanie. Quand la population de Gaza manifeste pacifiquement pour exiger son droit au retour, l’armée israélienne tire délibérément sur des civils, utilisant des armes interdites, tuant ou estropiant des milliers de civils. Les dirigeants israéliens et les signataires de cette tribune ne cherchent aucun dialogue : ils exigent la capitulation des Palestiniens sur leurs droits historiques. Ils exigent que les Palestiniens soient définitivement transformés en indigènes cantonnés dans leurs réserves, sort qui a été infligé aux peuples indigènes d’Amérique ou d’Australie.
La tribune tend à opposer les « bons » Arabes aux « mauvais ». Les « bons » sont ceux qui dialoguent au sens où les signataires emploient ce terme. Au premier rang, le régime Saoudien de MBS, celui qui pratique la décapitation, celui qui dissout ses opposants dans l’acide, celui qui utilise les armes que la France lui a complaisamment vendues pour massacrer et affamer le peuple yéménite. Autre « modéré » et « adepte du dialogue », le régime égyptien du Maréchal Sissi. Cette dictature a criminalisé toute opposition. Les prisons sont pleines, la répression est omniprésente et ce régime participe de façon décisive au blocus de Gaza. Ces Arabes qui « dialoguent » collaborent avec l’occupant. Ils écrasent à la fois leurs propres peuples et le peuple palestinien sommé de disparaître. Le « Conseil Arabe pour l’Intégration Régionale » loué par les signataires de la tribune rêve d’un monde où les riches pourraient faire des affaires fructueuses en écrasant les peuples.
Cette tribune qualifie de « culture de paix » l’appui inconditionnel à Israël. Ce qui est qualifié de « culture de haine », c’est le soutien aux droits du peuple palestinien et bien sûr le mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS). Cette tribune sort au moment où quelques pays européens encore minoritaires envisagent de remettre en cause la complaisance de l’Union Européenne vis-à-vis du gouvernement israélien.
Le mécanisme de ce raisonnement est toujours le même : les antisémites, ce ne sont pas les dirigeants d’extrême droite qui, partout dans le monde, soutiennent inconditionnellement Israël. Ce ne sont pas les Chrétiens Sionistes américains pour qui les Juifs qui ne se convertiront pas doivent disparaître, ce n’est pas le régime hongrois qui réhabilite la Hongrie fasciste. Non, les antisémites seraient les partisans du BDS ou les habitants de nos quartiers populaires qui « affaibliraient notre tissu social » en répercutant ici des violences venues d’ailleurs. Violence éhontée à l’Histoire, pour les signataires de cette tribune, l’antisémitisme serait un phénomène arabe. Incroyable paradoxe que de voir ceux qui soutiennent un régime explicitement raciste et d’extrême droite accuser leurs opposants … de racisme.
Qui sont les signataires de cette tribune ? Il y a avant tout les défenseurs inconditionnels de la colonisation : Meyer Habib qui n’a jamais dissimulé être le représentant des colons ou Sylvain Maillard qui a rencontré les représentants des colons la veille du dépôt de son amendement tendant à criminaliser l’antisionisme. On retrouve Bernard Kouchner qui a initié, quand il était ministre, le virage de la diplomatie française vers un soutien inconditionnel à Israël. On retrouve beaucoup d’élus de droite, parfois venus de l’extrême droite. On retrouve Manuel Valls et des élus du PS.
Il y a Anne Hidalgo, maire de Paris. Ainsi, l’organisation de Tel-Aviv-sur-Seine, la police fluviale sur la Seine pour empêcher la « flottille de la liberté » (pour Gaza) d’accoster à Paris (2018) ou l’inauguration d’une place Ben Gourion en présence du maire de Jérusalem n’étaient pas des « accidents ». Il y a une complicité renouvelée.
Et il y a Daniel Cohn-Bendit. Il fut un des signataires emblématiques de l’appel J-Call qui prétendait promouvoir l’idée « Deux Peuples Deux États » et il signe un texte avec les représentants des colons.
L’UJFP répond aux signataires de cette tribune : Vous ne trompez personne.
Derrière les mots que vous utilisez (« dialogue », « bâtisseurs de paix »), il y a la réalité qui a nom annexion, apartheid, colonialisme, crimes de guerre, occupation.
Épaule contre épaule avec les anticolonialistes israéliens, porteurs d’une mémoire juive de résistance à l’injustice, nous amplifierons la lutte pour les droits du peuple palestinien et le BDS.
Il n’y a pas de paix sans justice.
La Coordination nationale de l’UJFP, le 16 mai 2020