paru dans CQFD

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S’il n’y avait pas des dizaines de victimes, on en rirait, comme d’une farce, un peu exagérée, mais marrante quand même. De quoi s’agissait-il au départ ? D’une petite flottille qui devait emmener un peu d’aide humanitaire et beaucoup de solidarité aux habitants de Gaza assiégés et coupés du monde extérieur par l’armée israélienne depuis plus de quatre ans. Un acte de solidarité militante internationale comme il y’en a eu beaucoup d’autres, mais qui, cette fois, s’est développé en une crise internationale pour se terminer en un drame sanglant.

La grande armée israélienne a été mise sur le pied de guerre pour barrer la route au Marmara et aux huit cents militants qui se trouvaient a bord ; elle reçoit ensuite l’ordre d’aborder le bateau et à ce moment le ridicule dégénère en tragédie : neuf morts (au moins), des dizaines de blessés graves et un émoi international sans précèdent. Finie la rigolade.

En fait, on aurait eu tort de rire, car derrière l’histoire du Marmara se cache la terrible réalité d’Israël 2010. Un Etat dont les dirigeants ont fait le choix d’une fuite en avant, ignorant même les conseils de ses amis les plus proches. « Le monde entier est contre nous, pas grave, on tiendra ! » Cette comptine que les enfants chantaient dans les années soixante-dix est redevenue de mode, et le peuple israélien fait, dans son immense majorité front avec son gouvernement assassin, son armée de tueurs et ses actes meurtriers.

À l’évidence, l’isolement international et la dénonciation unanime du crime devraient faire réfléchir une partie au moins de la population juive d’Israël. C’est pourtant le contraire qui se passe, dans la logique de ce que nous avions connu lors du massacre de Gaza, il y a un an et demi : union sacrée face à un monde qui par définition nous est hostile et contre lequel il faut être en permanence sur ses gardes. Le néo-conservateur Benjamin Netanyahou et son homme de main, Ehoud Barak sont dans une politique de fuite en avant et comme le dit un autre proverbe cher au ministre de la défense « ce qui n’a pas marché par la force, marchera avec d’avantage de force ».

En attendant, on se concentre sur la guerre – perdue d’avance – de la propagande et on dévoile des liens avec Al Qaïda (et pourquoi pas les anciens des Waffen SS ?), la présence sur le Marmara d’armes de destruction massive (des couteaux de cuisine et même des lance-pierres sur lesquels était ecrit « Hezbollah ») et, sans doute aussi, des traces de la présence de Ousama Ben Laden en personne que les services de renseignements, décidemment peu efficaces, ont relaissé partir sous la pression internationale.

La brute et le menteur : le peuple d’Israël a la direction qu’il mérite, lui qui a refusé de s’opposer au massacre de Gaza et qui vient d’applaudir aux exploits de la marine de guerre contre une flottille de militants pacifistes sans armes.

Al Qaïda est derrière le coup, donc également l’Iran, car tout le monde connaît les liens structurels qui existent entre l’organisation arabe sunnite et la République persane Chiite, pourtant considérée comme une menace par les régimes qui soutiennent Al Qaïda. Mais c’est bien plus simple que cela : ils sont tous musulmans et c’est du Coran que vient la menace, non seulement contre Israël mais contre l’ensemble de la dite civilisation judéo-chrétienne. CQFD. Il faut attaquer l’Iran pour empêcher qu’une nouvelle flottille ne vienne menacer l’existence de l’Etat d’Israël. Comme l’Iran est somme toute une puissance militaire capable de faire payer chère une offensive contre son territoire, on se fera la main sur le Liban. Là, les risques sont moindres, même si chaque fois que le petit Baraq a voulu s’y frotter, il a du s’en retirer la queue entre les jambes.

Paradoxalement, l’affaire de la flottille et la réprobation internationale – y compris de la part d’Etats amis – rendent Israël encore plus dépendante des Etats-Unis qui reste un allié infaillible (même si de plus en plus critique) dans le monde de la diplomatie mondiale. Il ne fait aucun doute que Barak Obama saura utiliser cette dépendance accrue, prenant même, si nécessaire, le risque d’une partie de bras de fer avec Benjamin Netanyahou. D’autant plus que le dernier incident a mis a mal les relations entre Israël et la Turquie dont la collaboration, en particulier dans le domaine militaire, est au cœur du dispositif de l’OTAN en Méditerranée orientale.

Le gouvernement israélien d’extrême droite est de plus en plus une épine dans le pied des Etats-Unis, comme l’avait été au cours de la première guerre du Golfe le gouvernement de Yitshak Shamir. À cette époque Georges Bush (père) n’avait pas hésité à mettre en œuvre de fortes pressions pour faire tomber ce gouvernement, en provoquant des élections anticipées qui avaient ramené les Travaillistes au pouvoir et facilite la mise en route du processus d’Oslo. Il est encore trop tôt pour donner une réponse affirmative à la question que de nombreux commentateurs et politiciens israéliens se posent aujourd’hui: est-ce que Barak Obama sera capable de suivre l’exemple de Bush senior et de forcer la main au gouvernement israélien ou le forcer a provoquer de nouvelles élections.