INTERVENTION.

La vidéo d’une expulsion sème le trouble

Les images d’une évacuation musclée de squatteurs, dont des femmes et des enfants, à La Courneuve début juillet, suscitent une polémique.
AURÉLIE FOULON ET CAROLE STERLÉ | 30.07.2010, 07h00

Hier soir, la vidéo mise en ligne deux jours plus tôt avait déjà été visionnée plus de 200 000 fois. La scène se passe début juillet. Alors que les forces de l’ordre procèdent à l’évacuation des squatteurs qui campent au pied de la barre Balzac après leur expulsion du quartier des 4000 à La Courneuve, voué à la démolition, le sitting dérape.

Une « expulsion particulièrement violente », prévient l’en-tête de la vidéo diffusée par Droit au logement (DAL) et mise en ligne sur le site Mediapart.

Une mère et son bébé traînés par terre

On y voit les forces de l’ordre, en tenue, qui extirpent un à un les militants et squatteurs massés par terre, qui résistent en criant, en s’agrippant les uns aux autres. Des scènes déjà observées lors d’expulsions. Mais à deux minutes vingt, les images deviennent brutales : elles montrent une femme, son jeune enfant dans le dos en écharpe, extraite du groupe, tirée au sol par les pieds par un policier. Entre elle et le bitume, l’enfant est emporté et racle le sol. Une pause. Des cris. Et la mère à nouveau traînée par terre. Dans ce second mouvement, l’enfant est extirpé du tissu qui l’enveloppe et un policier se penche pour le prendre.
La vidéo se termine peu après. Un policier invite la personne qui filme à s’arrêter, la caméra est cassée, mais les images seront diffusées. C’est la première fois qu’une vidéo d’expulsion, filmée de l’intérieur, est montrée. Ce jour-là, les journalistes étaient tenus à l’écart.
« Les expulsions ne se font pas dans la douceur mais cette fois, un cap a été franchi. Cette femme a été traînée avec son bébé dans le dos et une femme enceinte aussi est bousculée, s’indigne Edwige Le Net, du DAL. Pourquoi cacher cette réalité ? Il faut que les choses se passent différemment et que des sanctions soient prises après cette intervention. » D’après le DAL, le déploiement policier aurait été assez massif. « Cela donnait l’impression d’une opération précipitée, avec peut-être un manque d’organisation. » Aucune plainte n’a été déposée par les squatteurs. Quant au bébé, aucune information inquiétante sur son état de santé n’est connue. La préfecture affirme qu’il n’y a eu « aucun blessé ». « Nous avons regardé les images et fait le point avec les policiers, insiste-t-on au cabinet du préfet. Notre position est claire, les gens étaient informés selon la procédure légale. Il y a eu une première sommation au mégaphone, puis une deuxième prévenant du recours à la force. Dès lors, le rassemblement interdit est un délit. On voit une maman qui n’ignorait pas la présence de son enfant, et qui, d’elle même, se met sur le dos. Le policier ne l’avait pas vue et quand il s’en rend compte, il prend l’enfant dans ses bras. Ce ne sont pas des violences policières. » Cette diffusion intervient alors que les négociations sur le relogement des familles avancent peu pour les 190 adultes et 49 enfants expulsés de la barre Balzac. « Le préfet s’est engagé sur plusieurs points. On n’a toujours pas le procès verbal de ces engagements », regrette-t-on au DAL.

Le Parisien
Autres liens :