Témoignage
Monsieur Pierre Stambul
Professeur agrégé de Mathématiques, docteur de l’université
Marseille
À l’attention de Madame ou Monsieur
Le président du tribunal correctionnel de Montpellier
J’avais prévu de venir à Montpellier pour témoigner en faveur de Monsieur Silvain Pastor dans le procès qu’il a intenté contre Monsieur Georges Frèche, mais la grève du 23 septembre qui touche également la SNCF, m’empêche d’être présent. Je tiens à délivrer par cette lettre l’essentiel du témoignage que je m’apprêtais à donner.
Mon père, Yacov Stambul, juif bessarabien (région partagée aujourd’hui entre Ukraine et Moldavie) a émigré en France en 1938. Membre des FTP-MOI et du groupe Manouchian, il a été un des rares survivants de ce groupe. Les deux autres membres du triangle auquel il appartenait (Boczor et Glasz) qui figurent sur l’Affiche Rouge, ont été fusillés au Mont Valérien. Mon père a été arrêté (par la police française) en novembre 1943, torturé puis déporté à Buchenwald.
Ma mère, née Dvoira Vainberg, également juive bessarabienne a été résistante à Paris pendant toute la guerre. Toute sa famille, restée en Europe orientale, a été exterminée.
Pourquoi je rappelle ce passé ? Je suis aujourd’hui membre de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix). J’en ai été président et je suis toujours au bureau national. Notre association défend les droits du peuple palestinien. Parce que la guerre au Proche-Orient n’est ni raciale, ni religieuse, ni communautaire, mais parce qu’elle porte sur des questions essentielles (l’égalité des droits, le refus du colonialisme …), il nous a paru essentiel qu’il existe une composante juive dans le mouvement de soutien aux droits du peuple palestinien. Il existe de même de nombreux Israéliens qui condamnent clairement les exactions de leurs gouvernements. Nous ne sommes pas des « Juifs honteux » au contraire. C’est au nom d’un certain passé comme celui de mes parents que nous sommes aux côtés d’un peuple opprimé.
L’UJFP soutient la campagne de « boycott, désinvestissement, sanctions » (BDS) contre l’Etat d’Israël tant que durera l’occupation. Elle fait partie du collectif qui s’oppose à l’installation de la compagnie Agrexco à Sète. Cette compagnie qui entend commercialiser les produits des colonies installées en Cisjordanie viole de façon flagrante le droit international.
Parce que Monsieur Silvain Pastor a manifesté publiquement son opposition à Agrexco, il a été très gravement insulté par Monsieur Frèche qui a sous-entendu qu’il était antisémite.
Depuis bien longtemps, ceux qui défendent en toute occasion la politique de l’Etat d’Israël utilisent systématiquement l’accusation « d’antisémitisme » pour empêcher toute critique. Cette confusion entre « propalestinien » et antisémite est régulièrement entretenue, mais elle est indigne et blessante. Le génocide nazi a frappé les Juifs qui étaient des parias en Europe mais les Palestiniens n’ont aucune responsabilité dans ce crime européen. Pire, de nombreux antisémites avérés soutiennent aujourd’hui l’Etat d’Israël dans sa politique de colonisation.
L’amalgame fait par Monsieur Georges Frèche est incontestablement une injure et l’accusation d’antisémitisme touche toutes celles et ceux qui se battent pour l’égalité des droits au Proche-Orient.
Fait à Marseille le 21 septembre
Pierre Stambul
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