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lu dans les DNA

Cour européenne des droits de l’homme

Manifester est un droit: la Russie condamnée

Les interdictions d’organiser des défilés de la Gay Pride opposées par les autorités moscovites sont une discrimination et une atteinte au droit de réunion, a estimé hier la Cour européenne des droits de l’Homme.

Strasbourg

En 2006, 2007 et 2008, Nikolaï Alexeïev faisait partie des organisateurs des marches pour la fierté homosexuelle (Gay Prides), visant à appeler l’attention du public sur la discrimination envers la communauté gay et lesbienne de Russie. Mais le maire de Moscou, chaque fois, les avait interdites, invoquant la nécessité de protéger l’ordre public, la santé, la morale et les droits et libertés d’autrui, et de prévenir les émeutes.
Nikolaï Alexeïev s’est alors porté devant la Cour de Strasbourg, considérant avoir été victime d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

« Guidées par les valeurs morales de la majorité »

Dans leur arrêt, les juges de Strasbourg rappellent l’importance de la liberté de réunion et donc de la tenue de manifestations non violentes, et ce même si elles peuvent choquer ceux qui ne partagent pas les idées défendues par les manifestants.
Le simple risque qu’une manifestation occasionne des troubles ne suffit pas à justifier son interdiction, ajoutent-ils. Si l’on interdisait toutes les manifestations pour ce motif « on empêcherait la société d’entendre des opinions différentes sur des questions qui heurtent la sensibilité de l’opinion majoritaire ».
Selon la Cour, « les considérations de sécurité ont été d’importance secondaire dans les décisions des autorités, qui étaient principalement guidées par les valeurs morales de la majorité ».
Les manifestations de la Gay Pride ont pour objectif de promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance envers les minorités sexuelles, et non d’exhiber des scènes de nudité ou d’obscénité ou de critiquer la morale publique ou les opinions religieuses, mentionne l’arrêt qui est susceptible d’appel.
La CEDH a alloué 12 000 € pour dommage moral à M. Alexeïev, qui avait affirmé le 18 septembre avoir été victime de pressions des autorités russes pour qu’il retire sa plainte.

Une loi et des arrestations

Les marches homosexuelles ne sont pas les seules manifestations interdites en Russie. La loi fédérale les concernant avait d’ailleurs suscité, en 2005, les inquiétudes de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, considérant qu’elle « restreint gravement les droits de la société civile de manifester publiquement de manière pacifique ».
Quand les manifestations ont lieu malgré les interdictions, c’est pour mieux remplir les geôles de la police de têtes de file de l’opposition. Ainsi, en novembre 2007, 200 personnes avaient été interpellées lors d’une manifestation anti-Poutine, parmi lesquelles le champion d’échecs Garry Kasparov, opposant manifeste – c’est le cas de le dire – à celui qui était alors président russe. L’un des dirigeants du mouvement d’opposition « L’autre Russie » avait lui aussi passé quelques heures en détention. Le même scénario, avec les mêmes têtes d’affiche, s’était déjà produit sept mois auparavant.

ACB