Entendu chez Mermet, d’un sans-papier égyptien :
“En Egypte, ils mangent le caviar, on mange les cafards” (dans les
baguettes)…merci MK.
Question – Quelle est la position de l’armée dans cette crise ?
Réponse – « Les nominations de Omar Souleimane à la vice-présidence et d’Ahmad Chafic au poste de Premier ministre, deux militaires, sont un gain pour l’institution militaire. Par ailleurs, l’armée n’est pas entrée en confrontation avec le peuple et n’a pas mis en œuvre la position de fermeté promue par Hosni Moubarak. Comme si elle disait : ” Nous pouvons gérer la transition, nous pouvons être avec le peuple, et ce alors que le régime est encore en place “. Ceci dit, nous sommes encore, aujourd’hui, au milieu d’un scénario et non en fin de scénario. Et la direction que va prendre l’armée, politiquement, n’est toujours pas claire. L’armée égyptienne n’a pas franchi le pas qu’avait franchi l’armée tunisienne en poussant le président Ben Ali à partir, mais elle a réussi, elle ou quelqu’un d’autre, à ce que le gouvernement tombe. Aujourd’hui, il est trop tôt pour déterminer la position exacte de l’armée dans cette crise. Mais il est possible que l’armée tente de trouver une porte de sortie honorable pour Moubarak, plus honorable que la déchéance de Ben Ali. »
Que pensez-vous du fait que l’opposition, et surtout les Frères musulmans (FM), ait chargé Mohammad el-Baradei de « négocier » avec le régime ?
« C’est un très grand pas, peut-être très intelligent. Depuis le début de cette révolte, et même avant, les Frères musulmans ont fait très attention à ne pas être trop visibles, car ils savent que la communauté internationale les juge très négativement. Ils savent aussi que si certains Égyptiens les soutiennent, d’autres non. Aujourd’hui, les choses vont dans leur sens, car Moubarak pourrait quitter le pouvoir. Ils veulent encourager cette tendance. En chargeant Mohammad el-Baradei de négocier, ils placent le régime dans une position très difficile, car la communauté internationale va certainement pousser le régime à négocier avec Baradei. La décision des FM pourrait également indiquer leur volonté de s’engager dans une transition démocratique menée par une sorte de coalition dont ils feraient partie. Cette décision peut aussi indiquer un engagement de leur part à contenir leur force, politiquement, comme ils l’ont déjà fait par le passé. Dans le cadre d’élections à venir, ils se restreindraient, pour ne pas avoir un résultat trop important. Ceci serait un signal important en direction des militaires. Le message pourrait être : ” Nous nous engageons à ne pas en faire trop, à ne pas chercher à dominer le jeu. En contrepartie, nous voulons plus de liberté politique, plus de participation au Parlement et au gouvernement, pour nous et pour d’autres partis.” Certes, ils ont déjà utilisé cette tactique par le passé et on les a accusés d’avoir un agenda caché. On estimait qu’ils faisaient profil bas pour mieux bondir plus tard. Mais aujourd’hui, on ne peut juger que sur le moment présent. »
Mohammad el-Baradei a passé beaucoup de temps hors d’Égypte, il ne bénéficie pas d’une assise populaire dans son pays…
« En dehors des Frères musulmans, qui pourraient probablement présenter un candidat viable à une présidentielle, les autres partis n’ont que des candidats faibles. La seule manière de gagner, pour ces candidats, est de s’appuyer sur une coalition politique. Avec le soutien des Frères musulmans, Baradei devient un candidat très viable. En plus, il serait accueilli à bras ouverts par la communauté internationale. En la matière, même ses petits accrochages avec les Américains (quand il était à la tête de l’AIEA), et sachant que Baradei ne peut être taxé d’anti-américanisme, lui serviront sur la scène égyptienne. »
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