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MAM en Tunisie: le jet est celui du clan Ben Ali!

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  • Le symbole est ravageur. Le jet privé qui a profité à Michèle Alliot-Marie et à sa famille pendant les vacances de Noël en Tunisie, à une période où la révolution commençait à être réprimée dans le sang, a été soupçonné une dizaine de jours plus tard par la police italienne d’avoir transporté le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali dans sa fuite.

    D’après l’historique des vols de l’appareil, dont Mediapart a obtenu le détail, le jet utilisé par la ministre des affaires étrangères entre Noël et le jour de l’An, un Bombardier Challenger 604 immatriculé TS-IBT, est en effet parti de Tunis dans la soirée du 14 janvier, jour de la chute du despote Ben Ali, pour se rendre à Cagliari, en Sardaigne.

    Or, c’est là que la police italienne l’a contrôlé pour vérifier si Zine el-Abidine Ben Ali n’était pas l’un de ses hôtes, comme en témoignent des dépêches d’agences de l’époque et des photos prises le jour même.

    Exemple:

    Cagliari (Sardaigne), 14 janvier 2011.

    Cagliari (Sardaigne), 14 janvier 2011. © DR

    Officiellement, le dictateur, qui vit aujourd’hui réfugié en Arabie saoudite, ne s’y trouvait pas. Qui en revanche était dans l’appareil ? S’agissait-il d’autres membres du clan Ben Ali, ou de sa redoutable belle-famille, les Trabelsi ? Ou était-ce un leurre pour tromper les polices du monde entier sur la véritable destination du dictateur renversé ? Personne ne le sait. Du moins, personne ne le dit.

    Le dernier mouvement connu de l’avion, qui a aussi fait plusieurs allers-retours entre Tunis et Paris les 12 et 14 janvier, remonte au 15 janvier, à deux heures du matin. Sa destination finale demeure, pour l’instant, inconnue.

    © DR

    Depuis que Le Canard enchaîné a révélé cette semaine l’escapade tunisienne de Michèle Alliot-Marie, la ministre n’a de cesse de marteler que l’avion qui l’a baladée avec ses parents et son compagnon, Patrick Ollier (ministre lui aussi), ne pouvait pas être présenté comme un avoir du clan Ben Ali, aujourd’hui déchu et en proie à des poursuites judiciaires pour détournements de fonds. C’est du plus mauvais effet, on le comprend.Mais le simple fait qu’il ait été considéré par un service de police européen comme le possible instrument de la fuite du dictateur tunisien vient ruiner l’argumentaire de la chef de la diplomatie française en la matière.

    Ce n’est pas tout. Pour se défendre de toute collusion avec le régime Ben Ali, Mme Alliot-Marie a aussi affirmé ces derniers jours, à l’Assemblée nationale ou face à la presse, que le jet dont elle a profité gratuitement n’est pas la propriété du clan Ben Ali, mais celle de son «ami» Aziz Miled (ou Milad), avec qui elle a partagé le voyage. M. Miled est un richissime homme d’affaires tunisien, fondateur de la compagnie aérienne Nouvelair, que Mme Alliot-Marie se plaît aujourd’hui à présenter comme un entrepreneur spolié par le clan Ben Ali.

  • “BT”, comme Belhassen Trabelsi…

    La réalité est nettement plus complexe. Primo, M. Miled n’est pas connu pour avoir été un opposant au régime en vingt-quatre ans de dictature – il a même signé récemment une pétition pro-Ben Ali. Secundo, aucun élément tangible ne permet aujourd’hui de confirmer que le jet qu’il a proposé à la patronne du Quai d’Orsay soit sa propriété personnelle.

    Officiellement, il appartient au groupe Nouvelair, fruit d’une fusion entre la compagnie éponyme de M. Miled et celle de Belhassen Trabelsi, Karthago Airlines, devenu PDG de la nouvelle entité.

    Seulement voilà, d’après les relevés de l’office européen d’aviation EuroControl, le jet du scandale, qui a pu être photographié par des passionnés d’aviation à Genève en septembre dernier ou à Munich en juin (voir ici), est enregistré au seul nom de la compagnie Karthago Airlines, une société fondée par Belhassen Trabelsi, le beau-frère honni de Ben Ali, et pièce centrale du système de corruption tunisien.

    Relevé EuroControl

    Relevé EuroControl

    Selon des documents officiels du ministère des finances tunisien obtenus par Mediapart, M. Trabelsi a d’ailleurs investi le 28 février 2008 4,75 millions de dinars tunisiens (2,46 millions d’euros) dans la constitution d’une filiale de son groupe, spécialisée dans l’aviation d’affaires et baptisée Karthago Private Jet.

    Le Challenger 604, qui vaut désormais à Mme Alliot-Marie les pires embarras en France, a quant à lui été acquis le 24 mai 2010, d’après d’autres documents en notre possession. Avant la Tunisie, l’avion était immatriculé à Aruba, une île des Caraïbes.

    Plusieurs sources aéroportuaires tunisiennes et européennes ont en outre expliqué à Mediapart que, comme cela est courant dans le milieu de l’aviation d’affaires, les deux dernières lettres de l’immatriculation d’un avion correspondent souvent aux initiales de son propriétaire ou, sinon, à celles de son principal utilisateur.

    B. Trabelsi

    B. Trabelsi© DR

    Dans le cas d’espèce, le jet utilisé par MAM en Tunisie est immatriculé TS-IBT. “BT”, comme… Belhassen Trabelsi, assurent plusieurs sources concordantes. Le milliardaire, peut-être plus honni par le peuple tunisien que le dictateur lui-même, fut, de fait, l’un des plus fervents utilisateurs de l’engin, comme l’a rapporté à Mediapart, à Tunis, un employé de son groupe, qui a toutefois souhaité conserver l’anonymat.Pour bien mesurer l’ampleur de la compromission symbolique dans laquelle est aujourd’hui embourbée MAM, qui refuse de démissionner, il n’est pas inutile de rappeler que Belhassen Trabelsi, communément présenté comme le «parrain» de l’ancienne mafia au pouvoir, est désormais sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Les autorités du Canada, où il est réfugié, l’ont même qualifié publiquement de «criminel».

  • Tunis, Biarritz, Paris…
    M. Alliot-Marie

    M. Alliot-Marie© Reuters

    Le jet privé, dont il partageait l’usage avec Aziz Miled, l’ami de MAM qui s’est associé avec lui en 2008, semble par ailleurs avoir eu ces derniers temps une certaine prédilection pour des destinations françaises, et pas n’importe lesquelles.Ainsi, lorsque l’on étudie le plan de vol de ces derniers mois de l’appareil, l’avion a par exemple effectué, le vendredi 15 octobre, un trajet Tunis/Biarritz puis, le dimanche 17, un trajet Biarritz/Paris. Précision utile: les Pyrénées-Atlantiques sont le fief de la famille Alliot-Marie. Le père de MAM, Bernard Marie, a été pendant des années le maire de Biarritz et sa fille, ancienne élue municipale de la commune voisine de Saint-Jean-de-Luz, a été élué députée du département en 2007.

    Contacté, le ministère des affaires étrangères assure que ni Mme Alliot-Marie ni son compagnon, Patrick Ollier, n’ont voyagé en octobre 2010 dans l’avion aujourd’hui au cœur de la polémique. «En revanche, il est possible que M. Miled soit venu en France, ça, on ne sait pas. Mais c’est un ami de la ministre, comme elle l’a toujours dit. Pas Belhassen Trabelsi!», commente-t-on au Quai d’Orsay, où personne ne conteste que la Tunisie soit devenue un champ de mines politique pour la ministre.

    Pour mémoire, le 11 janvier dernier, MAM avait proposé le concours des forces de sécurité françaises au régime Ben Ali, qui était en train de s’écrouler.

    Acculée cette semaine par l’opposition à s’exprimer à l’Assemblée nationale sur son voyage de Noël en Tunisie, Michèle Alliot-Marie a expliqué, mercredi 2 février, pourquoi elle avait accepté l’invitation de son ami Aziz Miled pour rallier la charmante station balnéaire de Tabarka depuis Tunis. «Plutôt que de faire les deux heures de voiture (…) je l’ai accompagné pendant vingt minutes de trajet en avion», a-t-elle assuré. Officiellement, c’était pour éviter à la ministre française, son mari et ses parents, une route «un peu difficile» jusqu’à Tabarka.

    Il faut dire que le jet utilisé est d’un confort à toute épreuve, comme le montrent les photos ci-dessous, extraites d’une plaquette de présentation de l’appareil:

    © DR

    © DR

    © DR
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