Tribune libre

Analyse 4 (2011)

Paix et Justice au Moyen-Orient

STRASBOURG, le 21 février 2011

cpjmo@yahoo.fr

http://geopolitiquedumoyen-orient.blogspot.com

Le soleil se lève au Maghreb

Au Moyen-âge, par l’intermédiaire d’organes de propagande de nature religieuse, les classes dominantes diffusaient des superstitions selon lesquelles l’Etat était une institution divine et le roi un envoyé des puissances célestes. L’objectif était de protéger les riches et leur roi de la colère des masses exploitées, miséreuses et souvent humiliées.

La sociologie moderne balaie ce genre de superstition et déclare que l’Etat est un instrument de domination d’une classe sur les autres classes ou couches sociales.

Pourtant, dans certains pays, la superstition- pour ne pas dire la supercherie- moyenâgeuse continue de plus belle. Au Maroc, le roi se dit descendant du prophète Mahomet. En Egypte, le raïs caressait le nationalisme de l’homme de la rue et se faisait passer pour descendant des Pharaons. En Iran, le guide de la révolution, Khamenei, délégitimé par la fraude électorale et par la contestation sociale, se fait passer pour le représentant de «l’imam caché».

Pourtant, les soi-disant représentants des forces de l’au-delà instaurent des régimes dictatoriaux, voire sanguinaires, qui leur permettent de s’enrichir sans vergogne, et d’ouvrir des comptes bien garnis dans de vrais paradis fiscaux. Le peuple miséreux doit se satisfaire d’un paradis fictif auquel on lui promet qu’il accédera après sa mort.

Voici ce que nous avons écrit dans l’analyse n°30, «Séisme au Maghreb», le 22 avril 2007: «Que dire des jeunes kamikazes marocains qui, selon Ali Amar, directeur de l’hebdomadaire Le journal, «viennent des bidonvilles et sont le produit de la fracture sociale marocaine»(…) Voici ce que dit Amnesty international de l’Egypte, un autre pays «ami» des Etats-Unis, accusé : «d’arrestations arbitraires, de détentions prolongées sans jugement, d’actes de torture et de mauvais traitements.»(…) Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte : tous les pays «amis» des Etats-Unis sont menacés d’implosion.»

L’implosion est partie de Tunisie et s’est propagée comme une trainée de poudre à l’Egypte, au Yémen, à l’Algérie, à la Lybie et au Maroc où plusieurs manifestants ont été abattus de sang froid, dimanche 20 février, par la police de «sa majesté», «descendant du prophète». Le fils «moderne» de Kadhafi n’a pas hésité à brandir le spectre d’un bain de sang pour se maintenir au pouvoir.

Pourquoi l’implosion au Maghreb? Là encore, certains journalistes qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez parlent de «révolutions Facebook». Les Révolutions Française de 1789, Russe de 1917 ou Iranienne de 1906 se sont déroulées sans Facebook, un instrument d’information comme d’autres. Pourquoi Facebook ne vient-il pas en aide aux Libyens, aux Algériens, aux Chinois ou aux Marocains? Pourquoi la rue iranienne qui était à la pointe de la transmission des informations par téléphone portable et par Facebook en 2009, n’arrive-t-elle toujours pas à se débarrasser d’une bande mafieuse militaro-millénariste qui fait saigner le peuple?

Le Maghreb est la zone d’influence de l’Occident, conduit par les Etats-Unis. Il reçoit les capitaux financiers occidentaux, la technologie de montage, et fournit la main d’œuvre bon marché et les matières premières. Pour former les cadres nécessaires au fonctionnement des entreprises et des instituts de recherche, l’instruction s’est développée et une classe moyenne s’est crée au Maghreb. C’est cette couche instruite, cette classe moyenne et cette classe ouvrière miséreuse qui demandent la participation à la gestion de la société et un partage équitable de la richesse produite.

A la dictature, au chômage chronique, à la corruption et au népotisme, s’ajoute l’humiliation des nations arabes, surtout égyptienne, dont l’armée a été battue à plusieurs reprises par l’armée israélienne. Depuis la conclusion de la paix israélo-égyptienne en 1979, la région vit sous la domination humiliante des américano-israéliens qui ne cessent de lui dicter leurs desideratas. Un exemple : suite à un accord conclu entre Israël et l’Egypte, mardi 14 décembre 2004, les produits fabriqués dans les «zones industrielles qualifiées» (ZIQ), situées entre Israël et l’Egypte, devront comporter au moins 11,2% de composants israéliens. (Le Monde du 16/12/2004).

Si le peuple a réussi à faire sauter un verrou en Tunisie et en Egypte, l’essentiel, c’est-à-dire la construction d’un vrai pays souverain et d’une société de droit et démocratique, reste à faire. La route est encore semée d’embûches. Les possédants ne lâchent pas facilement le pouvoir. Ils ont la police, l’armée, savent faire la guerre, détruire et tuer. Bref, ils ont beaucoup d’expériences d’Etat. D’autant plus qu’ils sont soutenus par les puissances occidentales dont les «conseillers» sont déjà sur place pour contenir la révolte des opprimés et sauver la chasse gardée de l’Occident. Pour combien de temps?

Mais, nous sommes sûrs que le Soleil qui s’est levé au Maghreb ne semble pas vouloir s’éteindre de sitôt. Allez le Maghreb !