lu dans La Croix
La Torah ou l’État, Israël confronté aux dérives radicales
2 500 juifs religieux extrémistes se sont rassemblés lundi 4 juillet devant la Cour suprême à Jérusalem.
Ils protestaient contre les interpellations de deux rabbins de leur mouvance.
« La Torah est le pilier du peuple juif », s’écrie Arié Ambash, 22 ans, kippa noire et longues papillotes. Il est l’un des 2 500 juifs religieux extrémistes rassemblés lundi 4 juillet devant la Cour suprême à Jérusalem pour protester contre les interpellations de Dov Lior et Yaacov Yossef.
Après avoir refusé de répondre aux multiples convocations de la police afin de ne pas déroger à leur rang, ces deux influents rabbins de la mouvance ultranationaliste proche des colons ont été brièvement arrêtés pour interrogatoire la semaine dernière.
Ils sont soupçonnés d’« incitations à la violence et de racisme » pour avoir cautionné La Torah du roi un ouvrage théologique sulfureux interdit à la vente en Israël, qui justifie notamment les meurtres de non juifs innocents, y compris d’enfants, en cas de guerre.
« Personne n’a le droit d’appréhender nos rabbins. À qui faire confiance, sinon à eux ? Sûrement pas aux juges laïcs », s’émeut un manifestant. Pour les « hommes en noir » qui réclament la primauté absolue de la Halakha (la tradition religieuse, NDLR), les magistrats de la plus haute instance juridique d’Israël n’exercent rien moins qu’une « dictature » s’ingérant dans les affaifres relevant selon eux des tribunaux rabbiniques (mariages, divorces, enterrements, conversions).
Les « fous d’Eretz Israël »
Israël se veut un État « démocratique et juif », selon sa Déclaration d’Indépendance (1948) qui régit le fragile statu quo entre religieux et laïques. Mais, une fois de plus, la majorité silencieuse d’Israël qui respecte l’état de droit et le jeu démocratique découvre la violence de ceux qui se surnomment eux-mêmes les « fous d’Eretz Israël » (aux frontières bibliques), et n’hésitent pas à incendier des pneus et jeter des pierres pour se faire entendre.
En une, le grand quotidien Maariv a fustigé « une tentative de putsch théocratique ». Et Tzipi Livni, chef du parti centriste Kadima d’opposition s’est insurgée contre les rabbins en question en soulignant que « leur rôle n’est pas de se substituer à l’État, et il n’est pas question qu’ils sapent son autorité ».
Plus mollement, le premier ministre Benyamin Netanyahou souligne aussi que « personne n’est au-dessus des lois ». Mais, le processus de paix avec les Palestiniens étant bloqué, il s’accommode des ultras du Likoud, son parti, et de ses alliés d’extrême droite nationaliste.
Pas moins de 25 députés de la majorité qui en compte 67 se sont élevés contre les interpellations, de même que les deux grands rabbins d’Israël, Shlomo Amar (séfarade) et Yona Metzger (ashkénaze).
Mouvance « dure » des colons
« Personne ne me bâillonnera ! », triomphe Yaacov Yossef. Dans son fief du quartier pauvre de Schmouel Hanavi à Jérusalem, il passe pour « un des grands de sa génération ».
Désavoué par son père, le rabbin Ovadia Yossef, puissant chef spirituel du parti orthodoxe séfarade Shass, ce Haridi (Craignant Dieu) fait cause commune avec les têtes brûlées de la mouvance « dure » des colons.
Considéré comme un des chefs de file de ce courant, Dov Lior, rabbin de l’implantation de Kyriat Arba, proche de Hébron (Cisjordanie), n’a de son côté plus à faire la preuve de son intransigeance, voire de son fanatisme.
Dans les années 1980, il inspire un « réseau terroriste juif » anti-arabe. Il figure ensuite parmi les rabbins qui jettent l’anathème contre Yitzhak Rabin et légitiment son assassinat (1995).
Pour lui, Baruch Goldstein, ce colon qui a tué 29 fidèles musulmans en prières en 1994 au caveau des Patriarches de Hébron avant d’être abattu, est tout simplement « un saint et un martyr ».
JOËL DAVID, à Jérusalem le 5/7/11
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