12 Juillet 2011
En arabe:
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Traduit de l’arabe
Le masque est tombé : au lieu des saluts militaires nous entendons désormais les menaces des généraux.
Il y a peu de temps encore, le porte-parole du conseil des forces armées, le général Fangari, saluait les martyrs de la révolution et attendrissait les cœurs des égyptiens avec le souvenir des jours qu’ils ont passé à scander que l’armée et le peuple étaient « une seule main ». Aujourd’hui, il a délivré un autre genre de message aux révolutionnaires : des menaces qu’il « prendrait toutes les mesures nécessaires pour affronter les menaces qui encerclent la patrie à moins que la remise en cause du processus en cours ne cesse…. tout comme les rumeurs et contrevérités qui mènent à la discorde et à la rébellion et à la promotion des intérêts d’une étroite minorité contre les intérêts du pays dans son ensemble ». Il appelle les honnêtes citoyens à travailler pour le retour à la vie normale pour les enfants de notre « grand peuple », et, brandissant son doigt face aux gens comme Moubarak, insiste que « les forces armées n’autoriseront personne à prendre le pouvoir ou outrepasser l’autorité légitime, excepté dans le cadre de la légitimité légale et constitutionnelle. »
Ainsi s’est terminé le discours, qui est venu moins de 24 heures après la courte déclaration d’Essam Sharaf, et qui a confirmé que le ministère dirigé par Sharaf n’est rien d’autre qu’un masque qui cache l’affreux visage du régime militaire. Mais durant les six derniers mois le peuple a gagné en lucidité par rapport à cette répartition des rôles entre le « bon policier » qu’est le premier ministre et le « mauvais policier » qu’est le porte parole du conseil militaire. La position des révolutionnaires est que, cette fois-ci, il n’y aura pas de retour en arrière. Nous occuperons les rues jusqu’à ce que les revendications de la révolution soient satisfaites. Cela signifie inévitablement que justice soit faite pour les martyrs dont le sang versé dans les places d’Egypte a été le prix de la liberté. Nous ne nous contenterons de rien de moins qu’un jugement public et juste des criminels du régime de Moubarak et des assassins des martyrs. Nous ne lâcherons pas nos revendications de justice sociale et de dignité humaine qui passent par la création d’un salaire minimum décent, des conditions de travail humaines et la fin de l’esclavage que constituent les contrats à durée déterminée. Nous défendrons nos droits de grève et d’occupation. Ces droits ne nous ont pas été donnés, mais ont été gagnés par le peuple à travers des années de lutte dans la rue ; des années qui avaient le goût amer des arrestations, des tortures et des poursuites judiciaires. Aucune loi décrétée par le conseil militaire pour criminaliser les grèves et les occupations, et aucune sanction imposée par lui ne peuvent arracher ce droit au peuple libre.
Les tribunaux militaires qui volent des années de la vie des jeunes auraient dû être réservés en premier lieu au président déchu en sa capacité de dirigeant des forces armées, plutôt que de le voir bénéficier du luxe d’un procès civil. Au lieu de cela, il est protégé par le conseil militaire, qui tantôt reporte la date du procès sous le prétexte qu’il est malade, et tantôt répand des rumeurs sur la mort imminente de Moubarak.
Nous ne « remettons pas en cause le processus en cours », en réalité nous annonçons que le processus est lent et compromis dans le but de protéger les policiers assassins de la justice. Nous disons au monde que dix milles enfants de ce pays sont emprisonnés dans des geôles militaires après avoir subi les pires tortures. Nous savons que le système est en train de faire le maximum d’efforts pour empêcher le peuple de récupérer les richesses qu’on lui a pillées depuis des décennies. Nous savons que seuls les révolutionnaires sont amenés devant les tribunaux militaires, alors que les assassins bénéficient de procès dans les tribunaux civils, et d’une remise en liberté provisoire entre les séances.
Nous ne « répandons pas de fausses rumeurs » mais nous répandons la vérité que vous essayez de cacher; la vérité que la pauvreté et la répression, la torture et la détention sont toujours partout après le 25 janvier, tout comme avant. Nous avons seulement échangé les prisons militaires pour des prisons étatiques, gagné le procureur militaire à la place du procureur des services de sécurité de l’état, échangé les tribunaux militaires pour les tribunaux exceptionnels. La loi martiale n’était pas suffisante pour nos dirigeants militaires : ils ont ajouté de nouvelles lois qui criminalisent les grèves et les occupations pour tenter de museler les libertés des égyptiens. Le budget, dont le gouvernement nous a promis qu’il serait socialement juste, s’est avéré comporter des coupes budgétaires dans les domaines de la santé, de l’éducation et du troisième âge dans le but de financer le ministère de l’intérieur et de l’armée.
Les intérêts du peuple ne sont pas « étroits ». Les revendications de pain, de services de santé, d’éducation, de logement digne d’êtres humains, la liberté d’expression, le droit au travail et l’accomplissement de la justice sont au cœur des revendications de la révolution. Elles ne se comparent pas aux intérêts étroits des hommes d’affaires et de leurs associés, qui ne se contentent pas de piller les richesses du peuple. Ces gens sont terrifiés par la chute de la bourse, mais insensibles au sang versé par les 1200 martyrs ou par le fait que la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté… ou que les jeunes perde des années de leurs vies en prison. Tout ce qui leur importe, c’est que leurs comptes en banque continuent de grossir et qu’ils continuent de drainer le sang et la sueur des travailleurs pour une paye aussi faible que possible.
Enfin, les révolutionnaires ne « prennent [pas] le pouvoir » : il est le leur de droit. Ce pays devrait être gouverné par ceux qui ont versé leur sang pour lui. S’il y a quelqu’un qui a « pris le pouvoir », c’est le conseil militaire et ses partisans à qui personne n’a demandé de diriger le pays, mais qui ont volé – ou qui ont essayé de voler – la révolution par la force, en profitant de l’euphorie populaire à la chute du dictateur.
Il semble que celui qui est en train d’agiter son doigt en menaçant les révolutionnaires ne pense pas qu’ils comprennent ce que veut dire perdre ses enfants, non pas dans un champ de bataille face à un ennemi étranger, mais sur le sol de sa terre natale, entre les mains d’officiers de police dont les salaires sont payés par ses propres taxes. Il ne comprend pas ce qui s’est passé le 25 janvier. Ce jour-là le peuple d’Egypte s’est levé, déterminé à ne plus jamais être réduit à l’esclavage ou exploité. Le 25 janvier, le peuple égyptien a regagné son sens de la dignité et la confiance en sa capacité à renverser les symboles de la dictature. La tête tomba, laissant le corps corrompu derrière lui. Le peuple a juré qu’il ne s’arrêterait pas avant la chute du régime : si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain.
Gloire aux martyrs
Que la révolution soit victorieuse
Tout le pouvoir au peuple
Les Socialistes Révolutionnaires
12 juillet 2011.
(traduction : Christakis Georgiou, Sellouma)
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