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Marcel-Francis Kahn

Marcel-Francis Kahn et Mireille Fanon Mendès-France Ag UJFP

Marcel-Francis Kahn et Mireille Fanon Mendès-France Ag UJFP

Non, l’antisionisme n’est pas une forme d’antisémitisme

« Les définitions sont libres, mais, une fois qu’on les a données, il faut s’y tenir ».

Ceux qui prétendent assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme devraient réfléchir à cette phrase de Pascal. Car qu’est-ce que le sionisme ? Une idéologie, qu’on peut, comme toutes les idéologies, accepter ou combattre.

Que dirions-nous si les tenants du communisme, du gaullisme ou du sarkozysme interdisaient qu’on les critique ?

N’a-t-on pas le droit de penser, contrairement à Theodor Herzl, que les Juifs ne forment pas un peuple, qu’ils peuvent vivre dans les pays auxquels ils appartiennent, qu’ils n’ont donc pas besoin d’un État à eux, et qu’enfin la Palestine n’est pas “une terre sans peuple pour un peuple sans terre” ?

Prétendre. que cette vision du judaïsme relève de l’antisémitisme, c’est d’ailleurs affirmer que la grande majorité des juifs européens, avant-guerre, étaient antisémites. Car les mouvements, sionistes ne représentaient alors qu’une minorité des communautés juives, en premier lieu en Europe de l’Est, dominées par l’orthodoxie, les communistes et le Bund.

Il a fallu le génocide nazi pour imposer l’idée d’État juif comme solution de la “question juive” – sans oublier les centaines de milliers de personnes déplacées qui, ne pouvant ni retourner sur les lieux de leur martyre ni obtenir un visa américain, étaient littéralement poussées vers la Palestine.

Personnellement, en 1942, bien que déjà non-croyant, j’ai fait ma bar-mitsva, connu les persécutions et eu la chance, à la fin, de pouvoir servir le maquis dans les Alpes. Après-guerre, c’est en France que je voulais vivre, pas en Israël, Avec mes camarades du Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR)*[1], je ne croyais pas à l’idée d’un État fondé sur la religion.

A fortiori sur l’ethnie : Schlomo Sand, avec son dernier livre, a montré pourquoi les Juifs ne formaient pas un peuple. Même l’étude de certaines maladies génétiques prouve qu’il est totalement contraire à la vérité scientifique de défendre l’idée d’une quelconque homogénéité d’un prétendu “peuple juif”. Bien avant Schlomo Sand, Raymond Aron l’avait écrit.

Les Sépharades sont porteurs fréquents des gènes d’une maladie nommée maladie périodique ou fièvre méditerranéenne familiale. Ils partagent d’ailleurs ce gène avec les Arméniens !

Les Ashkénazes, quant à eux, ne sont pas porteurs de ce gène, mais de celui qui prédispose à une affection appelée “maladie de Gaucher” – dont 9 % d’entre eux, en Israël, sont porteurs…

Et puis le projet sioniste contredisait tous les efforts faits, après l’affaire Dreyfus et la fraternité de combat durant la Première guerre mondiale, pour enraciner un véritable franco judaïsme. Je pense à ce dialogue[2] de la Grande illusion de Jean Renoir – assez ambigu pour que le film ait été interdit à la Libération – entre l’officier Gabin et le juif Dallio.

Mais en 2009, dire ou écrire qu’on est sioniste ou antisioniste n’a plus aucun sens ! Le sionisme a atteint son objectif : l’État d’Israël a vu le jour le 14 mai 1948. Depuis, ce que je critique, c’est la politique de cet État, et par dessus tout son refus de se plier au droit international, d’évacuer l’ensemble des territoires qu’il a occupés en 1967, de laisser s’y construire un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, de démanteler ses colonies et de contribuer à une solution juste du problème des réfugiés.

Quant à l’antisémitisme, franchement, je ne crois pas avoir de leçon à recevoir : je l’ai connu pendant la guerre et je me suis battu contre lui depuis.

En m’engageant dans la campagne en faveur des Juifs d’URSS. En agissant au côté de Pierre Vidal-Naquet, contre le négationnisme. En contribuant à la préservation de la mémoire Juive – y compris, mais pas seulement, celle du génocide. En ne laissant pas passer les tirades absurdes de Mahmoud Ahamadinejad.

A vrai dire, s’il existe un “nouvel antisémitisme” comme le prétend un Pierre-André Taguieff, n’est-il pas incarné par les inconditionnels d’Israël ? Parce qu’ils associent notre image de Juifs aux horreurs commises par la soldatesque israélienne à Gaza.

Mais aussi, au-delà, parce qu’ils mettent Israël en danger. La principale menace, pour Israël, ne vient plus de ses voisins, mais de sa propre politique. Au lieu de négocier avec les Palestiniens et les autres peuples arabes une paix qui permettrait à leur pays de s’insérer enfin au Proche-Orient, les dirigeants israéliens misent sur le seul rapport des forces militaires. Mais celui-ci n’est pas éternel, comme l’ont montré, après les deux Intifadas, les aventures du Liban et de Gaza. ..

Marcel-Francis KAHN

Ex-chef de service rhumatologie à l’hôpital Bichat

cofondateur de l’Association France Palestine Solidarité


[1] NDLR Le Rassemblement démocratique Révolutionnaire (RDR) fondé après guerre, entre autres par David Rousset, Georges Altman et Jean-Paul Sartre, voulait créer une “troisième force” à gauche, pour un socialisme révolutionnaire et démocratique. Son journal La Gauche, parut de mai 1948 à mars l 949.

[2] NDLR La grande illusion -1937- de Jean Renoir, dialogues de Charles Spaak : 1ère Guerre Mondiale, dans un camp de prisonniers français, Maréchal, ouvrier (Gabin) et Rosenthal, fils de banquier juif (Dallio) fraternisent. Les deux compères s’évadent vers la Suisse â travers la campagne allemande Rosenthal glisse, c’est l’entorse, Maréchal le soutient dans sa fuite. Epuisés, sous le froid, la neige et mourant de faim, les invectives surgissent. Maréchal – Et d’abord, j’ai jamais pu blairer les juifs abandonne Rosenthal sur le bord du chemin, puis quelques images plus loin, vient le rechercher, ils tombent dans les bras l’un de l’autre.