Lundi soir, en seconde partie de programme, ARTE a rendu hommage au cinéaste grec Théo Angelopoulos, en diffusant L’éternité et un jour, le film qui avait enfin reçu une Palme d’or tardive.Il faut croire qu’il n’a pas eu une diffusion à la hauteur, car on ne l’avait pas vu lors de sa sortie au cinéma.
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On y trouve tout ce qui fait la patte d’Angelopoulos dans toute son œuvre certes exigeante, eu égard au tout venant des salles obscures, mais tout à fait visible et passionnant quand on fait preuve de la patience exigée devant les longs plans-séquences habituels à l’auteur.
On y trouve aussi tout ce qu’on a déjà vu dans les autres films de son opus.
La Grèce hivernale méconnue des touristes, la neige, le froid, le brouillard, l’histoire convoquée qui se mêle indistinctement au récit. Tout à coup, on voit le poète du 19e siècle évoqué à l’image précédente. Dès que le film commence, tôt le matin, et sa durée recouvre une journée, on sait sans que ce soit dit autrement que dans l’image, que le personnage interprété par le magnifique Bruno Ganz, va mourir, et qu’il s’agit de sa dernière journée.
Il quitte une maison au bord de la mer, il rend visite à sa fille trop pressée. Son gendre l’évite. Pas question que le couple garde le chien qu’il cherche à placer. Des scènes du passé se mêlent à celles de l’ultime journée, dans le souvenir familial. On fait connaissance de loin de sa mère, de sa femme, qu’on entend en voix off, de la famille tout entière, des amis. Mais le présent de la Grèce et de l’Europe n’est pas oublié. Il rencontre un enfant, un de ces gamins des feux rouges qui lavent les pare-brise. L’enfant échappe à un réseau de trafiquants dont on observe le manège dans des bâtiments à moitié démolis. D’autres scènes sont d’extraordinaires ballets hiératiques filmés dans des immeubles en construction.On assiste à un mariage où la noce, comme souvent chez Angelopoulos, se meut emportant avec soi les chaises. On voyage vers la frontière de l’Albanie dans le froid et le brouillard. On s’arrête devant un camp surmonté de miradors où des figures humaines accrochées aux grilles se découpent comme condamnées.
On y entend des mots grecs oubliés que l’enfant récolte en échange d’une pièce de monnaie. Des navires passent au loin ou tout près. Un camion embarque dans le ventre d’un ferry, emportant des dizaines d’enfants. Une scène magnifique se passe dans un bus nocturne. Un manifestant arborant un drapeau rouge finit par s’endormir. Des musiciens montent à l’arrêt Conservatoire, interprètent un morceau puis descendent.
Une autre scène, nocturne et urbaine arrive à nous surpendre. Quand on voit le véhicule du héros s’arrêter à un feu rouge avec d’autres, on devine immédiatement par un pressentiment qu’il ne redémarrera pas. Effectivement, tous les véhicules démarrent sauf un dont les essuie-glace continuent à fonctionner avec ce bruit régulier et dramatique à ce moment. Le plan suivant montre le véhicule seul par l’arrière. Le feu est rouge. Et au moment où on croit confirmée la mort de l’homme, au volant, la voiture démarre en trombe en brûlant le feu!
On vient de perdre un merveilleux cinéaste hélas trop peu connu du grand public.