Désobéissance civile

Nurit Peled-​​Elhanan, dimanche 18 mars 2012

Je vou­drais dédi­cacer mes paroles à la mémoire d’un petit garçon de cinq ans, Milad, neveu de Wael Salame, un des membres fon­da­teurs du mou­vement des Com­bat­tants pour la Paix, qui est mort dans un bus en flammes au car­refour de la colonie juive d’ Adam. Les rési­dents de cette colonie n’ont pas envoyé d’équipe de secours et ils ont refusé d’envoyer des ambu­lances. Per­sonne ne les a tra­duits en justice pour cela. Per­sonne ne les a jugés et per­sonne ne les a arrêtés . L’indifférence des voleurs de terres au sort de tout-​​petits enfants mourant brûlés vifs aux portes de leurs maisons n’a fait la Une d’aucun quo­tidien ni d’aucun journal télévisé. La raison est que ce com­por­tement raciste des Israé­liens n’est pas un scoop ! Bien plus, il a été la norme depuis 60 ans et plus. Cela fait partie de l’éducation des enfants d’Israël . C’est ainsi que nous avons tous été éduqués, à l’école, à la maison, dans les mou­ve­ments de jeu­nesse, par la lit­té­rature, le théâtre, l’art et la musique. Plus de vingt lois racistes passées l’an dernier pra­ti­quement sans oppo­sition sinon celle de leurs vic­times ne nous ont pas frappés de plein fouet comme l’éclair dans la clarté d’un ciel bleu d’été. Ces lois sont l’expression la plus impi­toyable de l’ Esta­blishment parmi les normes mises en place depuis main­tenant quatre géné­ra­tions. Déjà en 1948, le poète Natan Alterman avait dénigré l’apathie du public Hébreu face à ces « ’délicats inci­dents’ dont le véri­table nom, acces­soi­rement est le meurtre. » La Knesset Israé­lienne actuelle a tout sim­plement déchiré le dégui­sement qui dis­si­mulait le visage de l’Etat en réitérant ses allé­ga­tions selon les­quelles il n’y aura pas d’autre faux-​​semblant.

Depuis des décennies main­tenant, le projet sio­niste de colo­ni­sation et de la judaï­sation de la Terre d’Israël, a exigé l’élimination des Pales­ti­niens d’une façon ou d’une autre, soit par la loi, soit par l’épée, et il n’y a plus aucune nécessité de dis­si­muler ces objectifs suprêmes et de les déguiser avec des mots vides à propos de démo­cratie ou de sécurité ou de droits his­to­riques. Nous tous sommes mobi­lisés, volon­tai­rement ou invo­lon­tai­rement dans le projet de judaï­sation de la terre et nous tous avons appris depuis que nous sommes capables d’apprendre la nécessité absolue d’un Etat Juif avec une majorité Juive sur la terre d’Israël. Et la Terre d’Israël, comme nous le savons tous, com­prend l’Etat d’Israël, les Ter­ri­toires Pales­ti­niens et encore bien plus.

Il n’y a aucune carte d’Israël qui s’appelle « L’Etat d’Israël » . Toutes les cartes ont pour nom « La Terre d’Israël ». Il y a déjà trois ou quatre géné­ra­tions d’enfants Israé­liens qui ont étudié dans des livres contenant des cartes qui montrent les Ter­ri­toires Pales­ti­niens comme une partie de la Terre d’Israël qui est dépourvue de cou­leurs, vide d’institutions et vide de popu­lation ; une ancienne contrée qui attend et aspire à être colo­nisée par des Juifs – ou au moins par des non-​​Arabes.

Les enfants Israé­liens apprennent depuis des géné­ra­tions main­tenant que leurs voisins – et les citoyens d’Israël et les sujets de l’Etat d’Israël privés de droits humains – ne sont rien qu’un pro­blème démo­gra­phique ter­ri­fiant ou une menace à la sécurité. Ces mêmes enfants sont chemin faisant, devenus adultes , leur sens de la justice et de la fra­ternité humaine ont été affaiblis par l’éducation raciste et ils ont été hissés au pouvoir et sont devenus aujourd’hui les poli­ti­ciens et les généraux qui main­tenant déclarent ouver­tement et avec l’arrogance des maîtres tout-​​puissants ce qui a été autrefois dis­simulé avec hypo­crisie : l’autre visage du projet de judaï­sation est l’élimination du peuple Pales­tinien, que ce soit avec des balles de caou­tchouc, ou avec des balles sans caou­tchouc, avec des bombes ou avec des lois . Tel est le principe fon­da­mental des états de kib­butzim juifs : chaque membre de la com­mu­nauté est tenu de contribuer au projet Sio­niste en fonction de ses com­pé­tences et des besoins. Dans les années récentes, le projet de Judaï­sation a pris des pro­por­tions jamais atteintes aupa­ravant, prin­ci­pa­lement en raison du soutien non déguisé et incon­di­tionnel des Etats-​​Unis et des riches pays d’Europe.

En 2009, Le Tri­bunal Russell sur la Palestine a été établi dans le but d’exiger que les Etats Euro­péens cessent d’être par­te­naires dans le crime avec un Etat occupant et par là même, peut-​​être, d’éviter une troi­sième guerre mon­diale. En Octobre 2011, le Tri­bunal, qui siège sym­bo­li­quement au Cap, a jugé qu’Israël a établi et ins­ti­tu­tion­nalisé un régime de domi­nation, assimilé à un régime d’Apartheid ainsi qu’il est défini par les lois inter­na­tio­nales. Israël pra­tique la dis­cri­mi­nation et l’élimination à l’encontre d’une Nation entière sur des cri­tères racistes avec des méthodes sys­té­ma­tiques et ins­ti­tu­tion­na­lisées et en consé­quence toute col­la­bo­ration avec Israël doit cesser. La défi­nition légale de l’Apartheid définit une situation dans laquelle trois fac­teurs cohabitent :

1/​ Deux groupes raciaux séparés peuvent être iden­tifiés . 2/​ Des « Actes d’inhumanité » sont commis par le groupe dominant contre le groupe des assu­jettis. 3/​ Ces actes sont commis de façon sys­té­ma­tique avec une admi­nis­tration ins­ti­tu­tion­na­lisée dans laquelle un des groupes est dominé par l’autre.

Le Tri­bunal a audi­tionné des témoi­gnages sur des actes qui consti­tuent des « actes d’inhumanité » envers le peuple Pales­tinien par les auto­rités Israéliennes.

• Contrôle de leurs vies par des moyens militaires

• Emprisonnement arbitraire et détentions administratives illégales prolongées

• Vio­la­tions des droits humains en niant leur droits de par­ti­ciper à la vie poli­tique, écono­mique, sociale et cultu­relle de l’Etat.

• Les réfugiés Pales­ti­niens sont empêchés de rentrer dans leurs maisons et les lois d’Israël faci­litent la confis­cation de leurs pro­priétés et le déni de leurs droits humains.

• Les droits civils et poli­tiques des Pales­ti­niens sont niés et arbi­trai­rement restreints

• Depuis 1948 Israël a maintenu une poli­tique d’occupation et de colo­ni­sation et en consé­quence d’expropriation des terres palestiniennes.

• Le siège et le blocus de la bande de Gaza est considéré comme une punition col­lective pour la popu­lation de la région.

• L’attaque de civils par des moyens militaires à grande échelle.

• La destruction de maisons de civils sans aucune justification de sécurité.

• Le grave dommage causé à la popu­lation civile par le Mur de sépa­ration dans la Cis­jor­danie incluant Jérusalem-​​Est

• L’évacuation forcée et la des­truction des maisons dans les vil­lages Bédouins non-​​reconnus du Néguev.

• Pra­tiques tou­jours actuelles de tor­tures et de mauvais trai­te­ments à l’encontre de pri­son­niers Pales­ti­niens dans les prisons Israéliennes.

• Formes variées de trai­te­ments cruels, inhu­mains et dégra­dants à travers les res­tric­tions de dépla­ce­ments qui font des Pales­ti­niens les objets d’humiliations par les soldats Israé­liens, et des femmes Pales­ti­niennes obligées d’accoucher aux check points ; des démo­li­tions de maisons comme une forme de trai­tement inhumain et dégradant avec des consé­quences psy­cho­lo­giques graves sur les hommes, les femmes et les enfants ;

• Le système légal israélien dans son ensemble établit un énorme fossé entre les Juifs et les Arabes. Cette légis­lation est net­tement en faveur de Juifs et conserve les Arabes Pales­ti­niens dans une situation d’infériorité.

Tous les éléments susdits sont définis par le Tri­bunal comme crimes contre l’humanité . Et le Tri­bunal a statué que, à la dif­fé­rence du caractère évident de la légis­lation qui avait été passée en Afrique du Sud, la Loi Israé­lienne est carac­té­risée par l’ambiguïté et l’inaccessibilité de nom­breuses lois, ordres mili­taires et règlements.

Mais nous savons que toutes les lois et règle­ments de l’Etat d’Israël qu’ils soient ambigües ou clairs ont pour but de trans­former le visage de cette terre , d’une belle et fertile contrée du Moyen-​​Orient, une terre de vertes col­lines, de gre­nades et d’olives en un mons­trueux conglo­mérat de colonies de peu­plement sup­po­sément occi­den­tales, construites à l’image de leurs rési­dents : repous­sants et brutaux, leur unique objectif étant de couvrir d’asphalte, d’acier et de béton, toutes les col­lines qui avaient long­temps résisté aux épreuves du temps.

Le seul moyen de lutter contre cette ten­dance est le rejet absolu des lois racistes de l’état dic­tateur Juif et spé­cia­lement en ensei­gnant à nos enfants leur droit démo­cra­tique de dire non au mal, non à l’ignorance, non à l’Apartheid, non au service dans l’Armée d’Occupation et non à la col­la­bo­ration avec le net­toyage ethnique.

Nous devons refuser le terme même d’Etat « Juif et démo­cra­tique » et spé­cia­lement sup­primer la conjonction ET qui n’est pas une conjonction mais un Et de priorité . Voilà, « Juif » vient en premier et seulement après vient « Démo­cra­tique » ; ou bien c’est un ET de condition , dési­gnant que l’Etat ne sera com­plè­tement démo­cra­tique que si il est com­plè­tement juif. Cependant, nous vivons dans un Etat qui n’a abso­lument rien à voir avec la démo­cratie. Nous n’avons pas grandi dans la démo­cratie , per­sonne ne nous a enseigné les valeurs de la démo­cratie, nous avons été éduqués à penser que l’exploitation , le pillage, la dis­cri­mi­nation et le mas­sacre sont l’essence la plus pro­fonde de la démo­cratie. Mais nous sommes aussi ceux qui ont besoin d’admettre ouver­tement que nous vivons et que nous avons tou­jours vécu dans un Etat d’Apartheid qui est un danger pour nous tous, un Etat qui éduque ses garçons et ses filles à une vio­lence sans limites, à l’indifférence envers l’agonie de tout-​​petits enfants pris au piège dans un bus en flammes.

Si nous ne faisons pas cela, nous aussi nous devien­drons tels les colons de Adam, nous devien­drons ceux qui ont aban­donné Omar Abu Jariban blessé sur le bord de la route jusqu’à ce qu’il meurt de soif et nous aussi serons plongés dans la caté­gorie des cri­minels de guerre. Si nous ne bran­dissons pas la ban­nière de la rébellion dès aujourd’hui, dans un petit nombre d’années des gens comme nous-​​ pour peu que nous demeu­rions tels-​​ seront jetés dans des camps de détention ou en prison. La liberté de parole qui déjà main­tenant est dan­ge­reu­sement res­treinte sera com­plè­tement éliminée, et alors, comme l’écrivait Sami Chetrit : « le poète n’écrira plus de vers, il ne chantera plus, il ne gazouillera même plus. »

En conclusion, une anecdote : quand l’Archevêque Desmond Tutu est monté sur l’estrade pour accueillir le Tri­bunal Russell au Cap, après le dis­cours du pré­sident d’honneur du tri­bunal Sté­phane Hessel, le Pré­sident Pierre Galand a annoncé que pour être fidèles aux règles du Tri­bunal, il ne pourra y avoir d’applaudissements. Tutu s’est tourné vers le public avec un sourire et a dit : « C’est parce que nous avons désobéi à des lois comme celle-​​ci que les Sud-​​Africains sont allés aussi loin qu’ils sont allés »

Laissez-​​nous espérer que nous aussi pourrons aller aussi loin !

Traduit de l’anglais par Roseline Derrien

Commentaire anonyme reçu ce jour:

A l’heure où la france pleure ses petites victimes juives c’est tout simplement scandaleux et irresponsable de continuer à poster des articles comme celui d’aujourd’hui où vous parlez d’enfant palestinien tué et non pris en charge !!

Sans vérifier d’ailleurs l’exactitude de l’information !!!

Vous êtes un irresponsable !
Les gens comme vous devraient commencer à s’interroger sur une certaine part de responsabilité morale qu’ils pourraient avoir…

Honte sur vous
avec toute l’assurance de mon mépris !

Réponse:

Savez-vous que Nurit Peled a elle-même perdu un enfant
et dans un attentat anti-israélien
et c’est justement cela qui anime son action exemplaire avec des femmes palestiniennes pour la fin de la haine…