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Identité nationale : le ministère dérape et rétropédale en silence
Taxé de xénophobie par des chercheurs, le cabinet de Besson a sucré le passage de la circulaire sur le débat national mis en cause.
Lundi soir, un groupe de chercheurs accusait les services d’Eric Besson de « xénophobie ». Appuyant leur dénonciation sur une annexe de la circulaire envoyée par le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale aux préfets pour l’organisation du grand débat sur l’identité nationale :
Dans une tribune publiée dans Le Monde daté du mardi 24 novembre (ci-jointe), ces chercheurs ont en effet épinglé un passage du document qui dit ceci :
« Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) (…) ? »
Certes, la fin de la question disait : « et entretenant dans une partie de la population la suspicion vis à vis de l’ensemble des étrangers ». Pourtant, malgré cet adoucissant tout relatif, le lien entre délinquance et immigration, qui plus est au moment d’un débat sur « l’identité nationale » et pas sur les sans-papiers, est tout bonnement insupportable aux yeux des auteurs de la tribune. Qui jugent le document « xénophobe » :
« C’est le vieux thème d’extrême-droite, étrangers = délinquance, dissimulé sous le masque de l’apitoiement sur la pauvreté. »
Deux jours plus tard, une visite sur le site officiel consacré à ce fameux débat sur l’identité nationale montre que le passage a disparu. Il existe toujours l’annexe 1.7 correspondant au passage incriminé. Mais, parmi les questions répertoriées à cette entrée, la phrase extraite par les universitaires a disparu. A la place, on trouve une version autrement édulcorée :
« Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière ? »
Le lien avec la délinquance est passé à la trappe. Comme si la vingtaine de signataires parmi lesquels Marie NDiaye, Laurent Muchielli, Christophe Daadouche,Stéphane Maugendre ou Serge Slama (Gisti) – que vous lisez régulièrement sur Rue89 – avaient rêvé.
« Jamais entendu parlé de cette polémique »
Coup de téléphone au cabinet d’Eric Besson, ce jeudi 26 novembre. La conseillère presse du ministre affirme d’abord n’avoir « jamais entendu parler de cette polémique ». On s’étonne : une tribune dans le Monde trois jours plus tôt les taxe tout de même de xénophobie.
Lecture à haute voix du site officiel du débat, qui porte donc la version édulcorée (alors qu’au même moment, sur le site du ministère de l’Immigration, on trouve bien le document d’origine dans la rubrique « Ressources », passage polémique inclus, dont il a pour info été retiré après la publication de cet article).
Au bout du fil, on réclame un peu de temps pour vérifier. Puis Franck Supplisson, directeur adjoint du cabinet, rappelle. On se ré-étonne : comment les universitaires peuvent-ils leur reprocher le pont avec la délinquance alors que la copie parait dépourvue de la moindre allusion ? Petit détour par la Shoah et l’inconscient collectif des journalistes pour commencer :
« Je vais vous dire, pourquoi on nous traite de xénophobes. Parce que la caricature de l’Etat policier et xénophobe fonctionne à merveille dans les médias. Le parallèle avec Vichy est une facilité très rentable pour les médias. Ce pays n’assume pas complètement son passé et la Collaboration. »
Quant à la question précise sur le caviardage, il finit par avoir une réponse :
« C’est une décision du ministre en personne qui a décidé de rayer la proposition, la trouvant trop allusive. Il trouvait que mentionner la délinquance orientait trop la réponse. »
Le directeur adjoint du cabinet précise que la modification a eu lieu « peu de temps après le lancement du débat ». Reste que la première version (non caviardée, donc) figure toujours sur le site officiel du ministère.
« Des pays qui ont, dans leur histoire, fait partie de notre République »
Pour les auteurs de la tribune publié lundi 23 novembre, le tour de passe-passe est scandaleux. Christophe Daadouche, juriste, a alerté Rue89 :
« Ils n’ont même pas l’honnêteté intellectuelle minimale. Ils n’assument pas leur xénophobie ! »
On note tout de même au passage qu’un extrait, toujours à l’annexe 1.7 du document officiel, n’a pas bougé d’un iota, en revanche. Il est pourtant tout à fait étonnant et dit ceci :
« Faut-il étendre le droit de vote aux élections locales, existant déjà pour les ressortissants des 27 Etats membres de l’Union européenne, à d’autres nationalités, notamment celles des pays qui ont, dans leur histoire, fait partie de notre République ? »
La précision est tout sauf neutre et fait évidemment référence à l’époque des colonies (une erreur historique, d’ailleurs, puisqu’on parlait d’Empire et pas de République pour les colonies). A croire qu’en France, en 2009, quand on est étranger, il vaut mieux être originaire du Sénégal que du Congo belge !
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