Notre plus ancien membre et président d’honneur, Lucien Baumann, s’est éteint lundi après-midi, dans sa 103ème année.

Homme de loi et de lettres, Lucien Baumann aura défendu la poésie jusqu’aux extrêmes limites de son existence !

Il a publié 27 ouvrages dont certains furent préfacés et illustrés par d’autres grands noms, comme L. Senghor, M. Déon, T. Ungerer, C. Claus, R. Beltz, P. Canda, J-R Haeusser, J-P Ehrismann, C. Lapointe, H. Muller, C6G Stoskopf etc…

La dernière grande exposition de son œuvre a eu lieu à la Médiathèque “André Malraux ” de Strasbourg, en avril 2010 et, à ce propos, les Dernières Nouvelles d’Alsace avaient titré : Lucien Baumann, un siècle de passions.

Il fut à deux reprises, lauréat de l’Académie française.
Plus modestement, il nous a fait l’honneur de donner son nom au prix annuel de poésie classique du lycée Fustel de Coulanges !
Dans sa Prière, ultime texte du très bel ouvrage “Aux rendez-vous de Samarcande ” ( Editions Oberlin – 1995), il résume bien son dernier voyage :

“Épargnez moi mon Dieu le bruit et la violence
Du poing lourd qui s’abat
Donnez moi s’il vous plaît des plages de silence
Où le penser s’ébat.
Je voudrais bien finir
Ma petite existence
Sans connaître la haine
Je voudrais maintenir
Dans sa blonde innocence
Le sable de l’arène
Si j’ai commis des fautes
Savoir les expier
Et partir tête haute
Sur la pointe des pieds.”

 

Il sera enterré ce vendredi 14 septembre 2012, à 14h, en l’église de Niederhaslach.

Ayez une pensée pour lui qui en a eu tant pour nous…

Gérard Wehrlé
Président de l’Amicale des Anciens élèves du Lycée Fustel de Coulanges

Lors de la visite de plusieurs Fustéliens à Lucien Baumann, pour son centième anniversaire, il nous avait reçus chaleureusement avec son épouse, et m’avait confié un exemplaire dactylographié de deux œuvres qui n’avaient pas trouvé d’éditeur. Il souhaitait aussi qu’un documentaire lui soit consacré par la télévision régionale, souhait qui hélas n’a pas été exaucé…JCM

Deux poèmes tirés de Vitrail:

Immortalité

Le gisant sur le lit
A perdu le langage
Seuls les mots qu’il écrit
Sont suprême message:
Car l’être se débat
Aux rives souterraines
Pour l’ultime combat
Des âmes souveraines.

Le souffle est oppressé
Par la toux épuisante,
Le crayon a glissé
De la main hésitante:
Dans la paix du verger
Fane un bouquet d’ombelles.
Le corps va se figer
Aux bornes éternelles.

L’acte se perpétue
Lorsque la voix s’est tue…

Qu’importe les tourments
Et que l’ouvrier meure
Si pour le temps des temps
Son chef-d’œuvre demeure.

Stèle

Au lieu de tailler dans le marbre
Pour braver l’usure des ans,
J’ai songé à planter un arbre
Lorsque s’éveille le printemps.

Car je préfère le feuillage
Celui qui fleurit et qui bruit,
A cette pierre froide et sage
Qui ne portera pas de fruit.

Dalle du pays de Carrare
Que l’on pose sur les tombeaux,
Alors que chantent la guitare,
Les poètes et les oiseaux.

DNA

Niederhaslach
Nécrologie Homme de loi et de lettres, Lucien Baumann s’est éteint

Il restera dans la mémoire locale comme celui qui aura défendu le dernier condamné à mort exécuté en Alsace. À 26 ans, alors tout jeune avocat, M e Baumann avait accepté de plaider au procès de Lucien Sittler, auteur d’un crime à l’arme blanche à Illkirch-Graffenstaden en 1936. Son client sera finalement guillotiné le 8 mai 1937 à Strasbourg. Par la suite, plus personne ne montera sur l’échafaud dans la région.

Lucien Baumann avait assisté à l’exécution : scène qui l’avait profondément marqué. Opposé à la peine de mort, son espoir qu’elle soit un jour abolie fut exaucé par Robert Badinter en 1981.

Élu par ses pairs bâtonnier de l’ordre du barreau de Strasbourg en 1976, il occupa cette fonction jusqu’en 1978. Il créa également l’association des avocats honoraires d’Alsace, dont il était depuis devenu président d’honneur.

Arrivé à la retraite, Lucien Baumann avait quitté un univers, la justice, pour entrer dans un autre, les belles-lettres. Malgré une vocation apparue sur le tard, l’écrivain et poète a signé plus d’une vingtaine d’ouvrages. Un talent de fabuliste et de versificateur reconnu par plusieurs grands auteurs, comme Senghor ou Déon ; quant à ses recueils, certains furent illustrés par des artistes de renom tels Tomi Ungerer ou Camille Claus, notamment…

Les talents littéraires de Lucien Baumann lui valurent de nombreux prix. En particulier, il fut à deux reprises lauréat de l’Académie française. L’institution lui remit en 1986 sa Grande médaille pour Fables d’aujourd’hui et en 1996 le prix Paul-Verlaine pour Le rendez-vous de Samarcande.

Pour l’ensemble de son œuvre, l’académie des Marches de l’Est lui avait également attribué en 2009 son prix de littérature. Enfin, en 2010, pour le centenaire du poète, une exposition lui avait été consacrée à la médiathèque André-Malraux de Strasbourg.

À Niederhaslach, Lucien Baumann avait eu droit au privilège rare d’habiter une rue portant son nom : la rue du Bâtonnier-Baumann.
publié le 12/09/2012 à 05:00