Il est de plus en plus clair qu’après avoir investi la lutte pour les « droits des femmes », l’impérialisme se saisit aujourd’hui amplement de la « lutte contre l’homophobie ».
C’est dans ces termes que des campagnes destinées spécifiquement à la communauté gay et lesbienne en Occident, et menées depuis 2005 par des organismes liés à l’état d’Israël, tel que Stand With Us, décrivent cet état comme une démocratie sexuelle achevée, pour mieux justifier ses politiques coloniales et racistes. C’est aussi au nom de la « défense des droits des homosexuels » que l’Iran, principale cible de l’offensive américaine sur le Grand moyen orient, est dépeint comme un « État voyou ». Hillary Clinton, dans son discours à Genève en décembre dernier, assurait les personnes LGBT du monde entier que l’administration Obama et les États-Unis d’Amérique étaient leurs alliés.
Ces politiques à l’international s’accompagnent à l’intérieur des États occidentaux par une vaste campagne à l’encontre des descendant•e•s de colonisé•e•s, qui sont désigné•e•s comme globalement sexistes et homophobes. Dans ce contexte, l’internationalisation des luttes contre l’homophobie, et les campagnes de « solidarité » menées par des groupes LGBTQ occidentaux contribuent à recréer sur ces nouvelles bases le partage raciste entre les « civilisé•e•s » et les « sauvages », entre un « nous » détenteurs du « progrès » et un « eux » porteurs de valeurs rétrogrades et barbares.
Joseph Massad est l’un des rares universitaires à avoir su renverser la problématique portée par cette offensive, en déconstruisant un principe de base de ce discours : l’universalisme des identités sexuelles homo/hétéro.
En 2002, à l’heure du backlash islamophobe et raciste post-11 Septembre aux États-Unis, Massad a écrit un article qui a scandalisé une large partie de la communauté académique et de nombreux groupes LGBTQ occidentaux. L’article de Joseph Massad – complété en 2007 par un livre intitulé Desiring Arabs – va à rebrousse-poil de la doxa de ce qu’il appelle “l’Internationale Gay”. Les groupes qui veulent «sauver » les « gays et lesbiennes arabes » assimilent souvent la diversité des pratiques érotiques entre personnes de même genre à de l’homosexualité. Massad montre comment les identités homosexuelles et hétérosexuelles ont émergé en Occident, pour être par la suite imposées aux pays arabes, englobant les pratiques homoérotiques existantes jusque là dans la région.
Dans cette perspective, les « solidarités » auxquelles se livrent les organisations internationales ne peuvent se fonder que sur une tentative d’imposer des catégories sexuelles occidentales qui provoque en réalité l’hétérosexualisation de sociétés qui ne l’étaient pas forcément. On le voit, la démarche de Massad remet profondément en cause l’activisme des mouvements LGBTQ occidentaux à l’échelle internationale.
Joseph Massad est un Palestinien de Jordanie, ancien élève d’Edward Saïd, aujourd’hui professeur associé à l’université de Columbia. Son livre majeur, pourtant discuté de par le monde, n’est toujours pas traduit en français. L’espace académique francophone, quant à lui, ne semble pas avoir envisagé de réquisitionner son travail et encore moins de l’inviter en personne. Nous n’avons pu compter que sur des moyens militants (collecte, repas de soutien) pour pouvoir enfin entendre sa voix à Paris.
Rencontre-débat avec Joseph Massad
le 17 octobre 2012 à 20h
Au Reid Hall
4 rue de Chevreuse, 75006 Paris
M° Vavin, RER Port-Royal
N’oubliez pas de venir nombreux et nombreuses ce même jour au rassemblement commémorant les massacres du 17 octobre 1961 (à l’appel du Collectif 17 octobre), Pont Saint-Michel (horaire en cours de confirmation).
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