Tribune libre
Le Nouvel Obs «Spécial Dépression» titre sur le «nouveau mal du siècle», la bipolarité. Rien à voir avec «une électrode terminale pour batterie bipolaire comprenant un disque renfermant un fil de sortie ou un collecteur de courant de métal.».Le fonctionnement de ma batterie bipolaire me paraît presque aussi abscons, que le dossier un peu racoleur de l’Obs. de cette semaine .Ses plumitifs Diafoirus ont fait fort, et si d’aventure vous avez investi dans une consultation low cost à 3,50 euros l’exemplaire au lieu d’un divan à 100 euros chez un psy qui a pignon sur rue, le «Pignon» du dîner de cons de l’Obs, ce sera vous. Car si vous vouliez tout savoir sur la dépression, d’où elle vient, comment on la soigne, c’est raté. Pour l’hebdo des bobos cultureux, la dépression dite bipolaire -c’est à dire avec des phases d’abattement et d’exaltation- serait avant tout l’apanage des poeple du show biz , Kim Novak ou Benoît Poelvoorde sans oublier les bipolaires célèbres, de Van Gogh à Lincoln, Hemingway, Churchill,etc. Une mode en quelque sorte, le «bipolaire style» que l’on afficherait en société pour faire l’original ou le romantique ténébreux. Certes, certes, tout cela est très tendance mais n’apportera aucune lumière, ni espoir de remède aux près de trois millions de Français non bobos diagnostiqués bipolaires par le corps médical. Bipolaire ou non, la dépression est une véritable maladie qui mérite d’être soignée par des praticiens compétents, neuropsychiatres de préférence, cliniciens du mal-être. Ces derniers arrivent parfois à faire des miracles quand le divan du psy ne vous impressionne plus. S’appuyant sur des études menées dans le monde entier, ils vous proposeront peut-être un médicament inattendu mais efficace là où aucun antidépresseur n’avait agi. Ces praticiens de la dépression au quotidien vous informeront également sur la technique dite de stimulation magnétique transcrânienne (TMS).Il s’agit d’une alternative aux sinistres électrochocs qui consiste à stimuler des zones du cerveau par des impulsions magnétiques brèves et indolores pour le traitement de certaines formes de dépression et de schizophrénies. Une trentaine de centres, souvent privés ,sont désormais équipés, selon le psychiatre David Szekely (CHU de Grenoble).Les autorités de santé n’ont pas encore donné leur feu vert à ce nouveau traitement de la dépression que les États-Unis, le Canada ou Israël utilisent avec succès.. En attendant que les essais cliniques soient validés, l’automatisation de la procédure à l’aide d’un robot est en cours d’expérimentation à Strasbourg. Le neuropsychiatre Jack Foucher a testé sur lui-même cette nouvelle application automatisée qui devrait révolutionner le traitement de la dépression.
Mais tout cela, vous ne le lirez pas dans le Nouvel Obs qui vous proposera en revanche un test à la mord-moi le psy où l’on vous demandera notamment si vous laissez votre linge dans la machine à laver un 1/4h, deux jours ou un mois. Si le test conclut à une ”normalité pathologique”, il vous faudra ”consulter de toute urgence” un psy du Nouvel Obs. ou courir voir le film ”Happiness Therapy”…dont l’héroïne, sous Xanax, en phase d’exaltation, couche avec tout son bureau..A quand un dossier sur la sexothérapie? On en redemande..
josé meidinger
Investissez plutôt (avant le suicide) dans ” L’ encre de la Mélancolie” de Jean Starobinski
admiré par Pontalis.
“Histoire de mélancolie
Aujourd’hui, à quatre-vingt-douze ans, il revient, avec un ensemble d’articles et d’essais inédits en volume sur la mélancolie, augmenté de sa thèse de doctorat de médecine, passée en 1960: Histoire du traitement de la mélancolie. Une façon de nous rappeler que l’ex-interne des hôpitaux Starobinski a enseigné «avec un égal bonheur l’histoire de la médecine et l’histoire des idées», en éditant un texte qui circulait depuis sous le manteau. D’Hippocrate au XIXe, le siècle des «spéculations romantiques», en passant par Hildegarde von Bingen, il y décrit ce que Diderot appelait «le sentiment habituel de notre imperfection». Plus tard, on parlera de spleen, puis de dépression. Pourquoi donc un retour sur ce thème lancinant et opiniâtre? «Parce que cette désolation où se mêlent la tristesse, l’hébétude et l’isolement marque notre civilisation, depuis l’Eden et le héros de l’Iliade, Bellérophon.»
Méfions-nous des bibliographies: officiellement, Jean Starobinski, fils de médecins d’origine polonaise, entre dans la carrière avec son Montesquieu, en 1953, il a alors trente-trois ans. C’est oublier que quelques petites années auparavant il avait concocté une anthologie de Stendhal et traduit (en 1945) La Colonie pénitentiaire de Kafka. Entre-temps, il a fait la connaissance déterminante de Pierre Jean Jouve, dont il n’a cessé de louer la sublimité, de son professeur Marcel Raymond et d’un de ses élèves, un certain Nicolas Bouvier… Sans oublier la rencontre fortuite à Genève, pendant la guerre, avec Felice Bauer, l’ex-fiancée de Kafka. Son Montesquieu s’ouvre ainsi: «La gloire de Montesquieu s’est trop vite figée dans le marbre des bustes et le métal des médailles, substances polies, dures, incorruptibles. La postérité le voit de profil, souriant de tous les plis de sa toge et de son visage, d’un sourire ciselé dans le minéral (…). Il habite l’immortalité avec modestie.» Tout Starobinski est déjà là, in nuce: clarté, précision, sens de la formule, tentation poétique. Avec, cinq ans plus tard, la publication de La Transparence et l’Obstacle, consacré à Rousseau, il rejoint le club très fermé des grands critiques littéraires, dont les membres s’appellent Albert Thibaudet, Gaëtan Picon et, plus tard, George Steiner…” in Le Figaro