Fatou Diome feuille2chouphoto

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Fatou Diome, à dix-sept heures trente, ce jeudi, à la librairie Kléber, à Strasbourg, venait de loin. Pas seulement de son île du Sénégal natal, cette Alsacienne d’adoption qui, vers la fin de son intervention, lança, en riant, et dans les rires du public, à propos de la France, « Si elle, ne m’adopte pas, moi, je l’ai adoptée », ajoutant, « la France de Victor Hugo, de Cosette, celle de Brassens, Brel, Piaf… ».

Fatou Diome, à dix-sept heures trente, ce jeudi, à la librairie Kléber, à Strasbourg, venait de loin. Pas seulement de son île du Sénégal natal, cette Alsacienne d’adoption qui, vers la fin de son intervention, lança, en riant, et dans les rires du public, à propos de la France, « Si elle, ne m’adopte pas, moi, je l’ai adoptée », ajoutant, « la France de Victor Hugo, de Cosette, celle de Brassens, Brel, Piaf… ».

Comment le public, assis, pour certaines, bien avant l’heure, pouvait-il être impatient, pour son retard d’une demi-heure ? Le meneur de jeu, et d’entretien, annonça une surprise, et la surprise débarqua.

Juste le temps de tomber la veste, de passer, en un geste familier et répété, sa main droite dans ses cheveux, les rejetant en arrière, et, sur des extraits de musique qu’une animatrice de la salle blanche faisait sortir, selon le geste de l’auteure, d’une radio-cassette, et elle se lança dans un récit, en une gestuelle qui tirait vers la danse, mais tout en retenue, car elle ne bougeait que moderato cantabile, pourrait-on dire. Un poème émergea. Le public, à quatre vingt dix pour cent féminin, était conquis, et le resta, tout du long.

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Elle venait de loin, cette « bâtarde », aux yeux de ses compatriotes de là-bas, qui ne supportaient pas, et semblent toujours, pour elle ou d’autres, né(es) après, qu’elle soit née de parents fougueux de dix huit ans qui avaient « oublié » de se marier, avant de la concevoir .

Elle venait de loin, cette fillette, cette jeune fille, battue, « cognée » dit-elle, par sa mère ou un de ses oncles, parmi la grande famille, à l’africaine, de tantes, d’oncles, de cousins, de cousines.

Elle venait de loin, qui a eu la chance, et la volonté, d’aller à l’école, jusqu’à devenir professeur de lettres, et écrivain. Elle rend hommage à ses grands-parents, à ce grand-père qui l’a élevée comme un garçon, lui apprenant à pécher le poisson, activité dont les filles, là-bas, ne sont pas instruites, mais il faut bien savoir être indépendante en tout. Elle rend hommage aussi à sa grand-mère qui l’a élevée en fille.

Dans son roman, Impossible de grandir, [ Flammarion], c’est de son expérience qu’elle nous parle, sous les traits du personnage principal. On n’en sait à ce jour -on ne l’a pas encore lu- que ce qu’elle en a dit et qu’on peut écouter, ou voir, dans une version vidéo ou audio.

Elle raconte qu’elle ne supporte pas les invitations à déjeuner ou à dîner chez les gens. Cela a pu heurter tel ou telle, mais, c’est irrépressible, il faut s’y faire, ou alors accepter rupture et séparation.

Dans sa parole, nulle plainte, et aucune servitude. Une résilience indomptable, au contraire, devant les coups subis, fillette. Et nul besoin de s’allonger sur le divan des psys. Elle se soigne par son œuvre et sa vie.

On se souvient que, déjà licenciée en lettres, et femme de ménage dans une famille alsacienne, elle a dit ses quatre vérités à son employeuse raciste, et en a tiré un livre, La préférence nationale.

Elle nous raconte comment elle a appris à ne pas baisser les yeux, restant stoïque, au rigoureux sens antique, devant les coups, les moqueries, les méchancetés d’hier, d’aujourd’hui et de demain, quand elle retourne au pays, et qu’on lui demande des comptes sur ce qu’elle écrit de l’Afrique et d’elle même, en Europe.

Rien ne peut lui arriver, puisqu’elle est née, inattendue, et demeure dans l’existence. Tant qu’elle est en vie, avec un tel conatus, cette puissance d’exister spinoziste, c’est un bonheur, quoi qu’il puisse lui arriver. Inatteignable. Nul tyran, nul bourreau ne peut vous soumettre, comme il ressort du Contr’un, de la Boétie. Il n’y a de servitude que volontaire.

On se souvient, après Le Ventre de l’Atlantique, de sa bataille littéraire, mais pas que, sans doute, avec les frères, les cousins, qui ne rêvent que de « l’Europe aux froids parapets », pour qu’ils demeurent au pays.

Déjà, au Sénégal, alors que son dernier livre n’est pas encore distribué, les ragots, comme une bile, circulent. Peu lui chaut, elle a de quoi riposter.

A la fin, Fatou Diome s’est livrée au jeu de la dédicace auprès des lectrices-teurs empressés.

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Note: 31 03 13 à 17 h 36
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