Publié le 11-01-2010
“Voilà comment il faut manifester”
Par Salama A Salama (Al Ahram Weekly) Des manifestants européens ont occupé nos rues la semaine dernière. Témoignant de leur solidarité avec les habitants de Gaza, et protestant contre toutes sortes d’injustices et de blocus, les manifestants européens ont défilé dans nos rues, ont occupé nos places publiques, et nous ont dit toute le mal qu’ils pensaient du mur que nous sommes en train de construire à la frontière avec Gaza.
Des centaines de manifestants sont arrivés de 42 pays différents pour prendre part à la marche en faveur de Gaza. Et qu’avons-nous fait ? On a envoyé nos forces de sécurité pour les bloquer, et les empêcher également de se rendre à Gaza. en empêcher. Mais il est intéressant de remarquer que les protestataires ont refusé de se laisser intimider. Bien au contraire, ils ont établi un campement devant l’ambassade de France, ils ont défilé devant le zoo de Gizeh, et ils même osé se réunir sur les célèbres marches du Syndicat des Journalistes.
Curieusement, la police ne les a pas empêchés de manifester devant l’ambassade d’Israël. Il y a eu des bousculades avec la police, et par moments, les Européens ont eu un avant-goût de ces que les Egyptiens subissent régulièrement de la part des forces de l’ordre et de leurs supplétifs formés au karaté.
Au cours de ces quelques journées, le public a eu la preuve que notre police est capable de se conduire civilement, mais seulement avec des citoyens étrangers. Devant l’ambassade de France, j’ai ainsi pu voir un homme, debout devant trois rangs entiers de policiers. L’homme brandissait une pancarte, mais à aucun moment la police n’a cherché à lui causer le moindre mal.
Les Européens sont arrives pour exprimer leurs opinions, pacifiquement et de manière ordonnée. Ce faisant, ils nous ont donné un aperçu de ce que peut être une résistance non violente. Et ils ont manifesté avec leurs convictions. Notamment, leur colère contre un blocus auquel des pays arabes sont désormais partie prenante, que ce soit par crainte ou par désir d’imiter les Israéliens. Les manifestants ont dormi dans la rue et sur les places. Il leur est arrivé de bloquer la circulation. Et c’est un message limpide qu’ils ont adressé aux Egyptiens, aux Arabes, et finalement au monde entier. Un message que les chaînes de television ont relayé rapidement, partout dans le monde.
Ici, nous n’avons pas de culture de la protestation. Chez nous, manifester est traité comme un acte de sabotage, un défi à la Loi et à l’Ordre. Voilà pourquoi nous avons raté une occasion rare de dénonciation des crimes commis par Israël. Aurait-il été si difficile que cela de laisser les Européens aller jusqu’à Gaza ? Pourquoi avons-nous été incapables de les laisser aller à la rencontre d’un people arabe subissant le joug de l’occupation ?
En Egypte, on ne sait pas comment encourager les manifestations de denunciation de la politique israélienne. Mais on n’est pas avare d’arguments lamentables pour justifier la construction d’un mur sur nos frontières avec Israël. En fait, est-ce notre sécurité qui nous préoccupe, ou plutôt le désir de protéger Israël ?
Ici, on n’a pas le droit de protester. On n’a même pas le droit d’être différent. Voilà pourquoi le gouvernement s’énerve tellement quand l’opposition parlementaire demande des explications sur le mur. Même au sein d’un parlement qui se targue d’être un exemple pour tous les parlements du monde arabe, l’opposition est diabolisée et maltraitée dès qu’elle soulève une question pertinente.
Pire, notre Conseil de la Recherche Islamique se retrouve soumis à des pressions telles qu’il en vient à faire des declarations favorables à la construction du mur. Vous vous imaginez peut-être que la Charia , n’a rien à voir avec les murailles sécuritaires ? Déchantez ! Nos hiérarques religieux disent maintenant que quiconque s’oppose au mur est un apostat. N’allez pas me demander pourquoi.
A l’heure d’un premier bilan, certains se demanderont si les Européens ont obtenu quelque chose, on réalisé quelque chose, avec leurs manifestations de rue. Je pense, quant à moi, qu’ils ont fait beaucoup. Ils ont d’abord tiré une sonnette d’alarme entendue du monde entier, bien plus fort que nos gouvernements ne l’ont fait à ce jour. Les manifestants n’ont pas seulement mis en lumière les méfaits d’Israël, ils ont aussi révélé nos propres défaillances.
http://weekly..ahram.org.eg/2010/980/op4.htm
CAPJPO-EuroPalestine
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