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Amos Oz à Strasbourg

L’écrivain israélien présentait son dernier livre, Scènes de la vie villageoise, le 21 janvier, à Strasbourg, devant une salle à peine moins pleine que pour James Ellroy et, dans un style évidemment loin de l’histrionisme de l’auteur étasunien. Traduit, parfois avec hésitation, mais son anglais se faisait comprendre de beaucoup, il a parlé, sans que son voisin, l’inévitable et sempiternel David DANIEL° Lemler, (errare humanum est, perseverare diabolicum) ait pu, au début, au moins, en placer une. Il est vrai que le psychiatre-psychanalyste, qui, professionnellement, selon la déontologie, est censé se taire, tout à son attention flottante, s’est largement rattrapé à la fin, privant le public, très attentif, et réceptif, à l’intervention et à l’humour de l’auteur, de toute possibilité de poser la moindre question! Lâche un peu le micro, Lemler !

Un peu avant la présentation, Oz signait son livre au rez-de-chaussée de la librairie. On a choisi une réédition de trois de ses interventions, prononcées lors d’une conférence à Tübingen, en janvier 2002, sous le titre Comment guérir un fanatique, pour un autographe, non sans lui glisser en anglais qu’on était membre de IJAN (International Jewish Antizionist Network) – il a dit qu’il en avait entendu parler- puis lui demander s’il avait manifesté l’an dernier, lors du massacre de Gaza, par l’armée israélienne. Il a répondu qu’il l’avait fait le deuxième jour. Pourquoi le deuxième, seulement ? Il avait cru, dit-il, que l’opération Plomb durci était limitée et ponctuelle et n’avait compris son ampleur que le lendemain des bombardements meurtriers.

La Feuille de Chou a publié ici deux textes de Amos Oz, dont l’un datant de la veille même de Plomb durci, et un texte d’un autre écrivain israélien, Abraham Yehoshua, terrifiant à lire.

Amos Oz a d’abord tenu à lire un extrait, assez long, de son livre, en hébreu, dont la version française a été donnée ensuite par sa traductrice Sylvie Cohen.

Puis il est intervenu en tant qu’écrivain, avant de parler un peu aussi, c’était inévitable, de la question israélo-palestinienne. A la fin, bizarrement, il a presque supplié ses lecteurs de ne pas interpréter l’ouvrage, composé de plusieurs nouvelles dont une toute particulière en dernier, selon une grille politique. En même temps, il disait savoir que ce lecteur, ne tiendrait aucun compte de l’avertissement. Le soir même, il était d’ailleurs invité par le Ville de Strasbourg à une conférence sur le conflit au Proche-Orient où malheureusement nous n’avons pu être.

Il peut sembler étrange, quand on connaît la fonction de l’interprétation chez les juifs, dans la lecture de la Tora, ou la psychanalyse, de donner un tel conseil, comme si toute lecture, et Lemler le rappela, n’était pas, obligatoirement, une interprétation, sauvage ou pas, du texte.

Oz lui-même évoqua d’ailleurs son pays en le présentant sous le jour sympathique d’une sorte de forum permanent où, aux arrêts de bus, des gens qui ne se connaissent pas, reconstruisent le monde et Israël, en se prenant chacun, pour le Premier Ministre, ou un prophète ou même le messie. C’était une belle image de ce pays, pour l’exportation. On pensait aux 1400 Gazaouis tués il y a un an par les forces armées agressives nommées, “Forces de défense” (Tsahal) !

Oz raconta un rêve, un koshmar, comme il est écrit dans Aidez nous à divorcer, publié sous le titre de Un conflit entre deux causes justes, conférence en décembre 2003. Dans ce cauchemar dont la fin manque, évidemment, il se voyait dans un village, la nuit, marcher à le recherche de quelqu’un ou de quelque chose qu’il ignorait. Atmosphère d’inquiétante étrangeté dirait un psy. Soudain, les rôles se renversaient, car il était lui-même suivi maintenant. On a eu envie, à ce moment de lui proposer une fin possible pour ce rêve et ces fantômes, et on se préparait déjà à poser, en anglais, une question, au moment où le public serait invité à le faire. Hélas, comme déjà dit, il n’y eut pas de possibilité d’en poser, tant la parole était trustée.

De même, lorsqu’il évoqua un village juif, vieux de 100 à 120 ans ( ?), on repensa immanquablement aux 400 et plus villages palestiniens totalement rayés de la carte, et matériellement, d’abord, lors de la Nakba, la catastrophe de 1948, et que des Israéliens s’obstinent à répertorier en les signalant d’une manière ou d’une autre, obéissant ainsi au commandement de se souvenir, Zakhor, si en usage chez les juifs quand il s’agit des victimes de l’extermination par les nazis.

Amos Oz nous apparut pour ce qu’il est, un grand écrivain, né en Palestine, en 1939, avant la création de l’Etat, sioniste de gauche, proche de La Paix maintenant, attentif aux souffrances des Palestiniens, mais tout autant, et plus peut-être aux souffrances des siens. Une autre histoire qu’il raconta, parlait de bruits sourds entendus sous le sol, pas seulement par une personne, mais par tout le monde. Comment ne pas penser au fondement si peu solide et juste de cet Etat dont il est citoyen et qu’il a servi plusieurs fois dans la guerre, acceptant la version selon laquelle Israël serait menacé. Il a raison d’être inquiet, et les bruits sourds, sous la surface, comme ces gens qui le suivent dans son cauchemar apparaissent comme des métaphores des fondations et des fondements si fragiles de l’Etat Israël bâti sur la négation de l’existence d’un peuple indigène. Comme dit le poète: “L’oeil était dans la tombe et regardait Cain.”

Certes, Amos Oz fait partie de ces Israéliens qui ont mauvaise conscience et c’est pourquoi, vers la fin de son intervention, il rappelle avec raison que la solution du conflit est simple, et tout le monde la connait, l’établissement aux côtés de son pays, d’une Palestine. Mais qui peut croire aujourd’hui que les gouvernements successifs d’Israël, et surtout ceux d’aujourd’hui, veulent vraiment laisser la place (et quelle minuscule place !) pour l’édification de la Palestine ?

Quand 500 000 colons sont établis en Cisjordanie, quand Jérusalem est judaïsée, quand le blocus criminel de Gaza se poursuit depuis trois ans, après le lourd tribut payé l’an dernier, comment se satisfaire d’une telle vision démentie jour après jour et année après année par les actes d’Israël.

On attendait d’Amos Oz, écrivain reconnu, qu’il soit plus lucide et courageux par rapport à la situation actuelle des Palestiniens. Cela n’empêche pas, bien sûr de le lire, mais comme une butte-témoin d’un aveuglement hélas trop partagé chez ses compatriotes et chez ceux qui, à l’étranger, restent, les inconditionnels d’un État colonialiste et oppresseur, bien loin de l’éthique juive.

° Lapsus frappé deux fois, (au clavier) le nom (non?) du fils (le FIS?) à la place du nom-du-père…

Si les non-dupes errent, j’en suis!

Faut analyser ton Saint-Tome!

Le premier ou le second tome?

Mais pas chez l’M (lemme) lair.