Hajo Meyer sera à Strasbourg, le 10 février à 20h à la Maison des Associations, 1, place des Orphelins, pour une conférence-débat sur le sionisme: Naissance, développement et déclin.

Il appartient à la même génération que Hedy Epstein qu’on a vue au Caire parmi les marcheurs pour la liberté de Gaza.

Hajo Meyer (electronicintifada)

Version bilingue, english-français, d’une bio parue dans le journal écossais Huffington Post.

Traduction: J C Meyer.

I was 20 years old when Auschwitz was liberated by the Soviet army 55 years ago. This occurred just in time because 10 months imprisonment in Auschwitz-Gleiwitz-1 had weakened me considerably. One needed a hell of a lot of luck in order to survive that long under the circumstances in that camp.

J’avais 20 ans quand Auschwitz fut libéré par l’armée soviétique il y a 55 ans. Il était temps car 10 mois d’emprisonnement à Auschwitz-Gleiwitz-1 m’avaient très affaibli. Il fallait une sacrée chance pour survivre aussi longtemps dans ces circonstances en ce camp.

Two important components of luck were on my side. First, during my first years as a refugee kid in the Netherlands I had learned to be a locksmith. So during the very strong winter of ‘44-’45 I worked in the warmth of a factory. Second, I had acquired a very good and completely trustworthy friend, called Jos. We helped each other as much as possible. The two of us did indeed survive.

J’ai bénéficié de deux types de chance. D’abord, pendant mes premières années d’enfant réfugié aux Pays-Bas, j’ai appris la serrurerie. Ainsi, pendant le glacial hiver 44/45, j’ai teravaillé au chaud dans une usine. Ensuite, j’avais gagné l’amitié d’un excellent ami digne de confiance, appelé Jos. Nous nous soutenions l’un l’autre autant que possible. Tous deux, nous avons ainsi survécu.

Another aspect of my friendship with Jos was that in spite of — or better, due to — the extremely high number of people per square foot in such a camp, one felt extremely lonely. Because of our friendship, mutual help and absolute mutual trust we were not lonely. This was vital to our psychological survival.

Un autre aspect de ma camaraderie avec Jos. Etait qu’en dépit –ou plutôt à cause – du très grand nombre de gens au mètre carré dans ce camp, chacun se sentait très seul. Grâce à notre amitié, à notre entraide et à notre confiance partagée, nous n’étions pas solitaires. C’était vital pour notre survie psychologique.

Psychological survival is at least as important as physical survival. In fact, the Nazi concentration camps were their attempt to dehumanize us Jews. If a prisoner became part of the oppression system by being Kapo, the dehumanization would be successful. Obviously, the non-Jewish members of the oppression system were also no longer fully human. I realized there that anybody from a dominating group who tries to dehumanize people from a minority group, can only do so if by education, indoctrination and propaganda he has already been dehumanized himself, independent of the uniform he wears.

La survie psychologique est au moins aussi importante que celle physique. En fait, les camps de concentration nazis étaient leur tentative de nous déshumaniser, les juifs. Si un prisonnier devenait une pièce du système oppressif en devenant Kapo, la déshumanisation était réussie. Bien sûr, les membres non-juifs du système oppressif, n’étaient pas non plus complètement humains. J’ai compris là que quiconque d’un groupe oppresseur qui essayait de déshumaniser des gens d’un groupe minoritaire, ne pouvait le faire que si, par éducation, endoctrinement ou propagande, il avait été également déshumanisé lui-même, quel que soit l’uniforme qu’il portait.

It is a deep tragedy that in Israel this is not what one concludes from the experiences in Auschwitz. To the contrary, Auschwitz is elevated there into a new religion.

C’est une profonde tragédie de constater que ce n’est pas la conclusion qu’on tire en Israël des expériences d’Auschwitz.

Au contraire, Auschwitz y est consacré comme une nouvelle religion.

« In the beginning is Auschwitz, » wrote Elie Wiesel. « Nothing should be compared to the Holocaust but everything must be related to it. » This elevation has allowed it to be exploited for political ends. All that was once most valued in a rich and varied Jewish heritage — the centrality of the ethical tradition, for instance — disappears beside the Nazi attempt at annihilation. This Holocaust religion translates in the minds of many into the impossibility that Israel can do any wrong.

“Au commencement est Auschwitz” a écrit Elie Wiesel. « Rien ne peut être comparé à l’extermination mais tout doit lui être rapporté. » Cette consécration a permis que ce soit exploité à des fins politiciennes. Tout ce qui avait été le plus valorisé dans un héritage juif riche et varié- la centralité de la tradition éthique, par exemple- disparaît derrière la tentative nazie d’annihilation. Cette religion de la Shoah se traduit dans l’esprit de beaucoup par l’idée qu’il est impossible qu’Israël fasse la moindre faute.

Auschwitz existed within history, not outside of it. The main lesson I learned there is simple: We Jews should never, ever become like our tormentors — not even to save our lives. Even at Auschwitz, I sensed that such a moral downfall would render my survival meaningless.

Auschwitz a existé dans l’histoire, pas hors d’elle. La leçon principale que j’ai apprise là est simple: Nous les juifs, ne devons jamais, nulle part, devenir comme nos bourreaux- même pour sauver nos vies. Même à Auschwitz, j’ai senti qu’un tel déclin moral aurait rendu ma survie absurde.

Like most German Jews, I was raised in a secular and humanist tradition that was more antagonistic than sympathetic towards the Zionist enterprise. Since 1967 it has become obvious that political Zionism has one monolithic aim: Maximum land in Palestine with a minimum of Palestinians on it. This aim is pursued with an inexcusable cruelty as demonstrated during the assault on Gaza. The cruelty is explicitly formulated in the Dahiye doctrine of the military and morally supported by the Holocaust religion.

Comme la plupart des juifs allemands, j’ai été élevé dans une tradition laïque et humaniste qui était la plus opposée à la sympathie pour le projet sioniste. Depuis 1967 il était devenu évident que le sionisme politique n’avait qu’un seul but : le maximum de terre en Palestine avec le minimum de palestiens sur elle. Ce but a été poursuivi avec une cruauté inexcusable comme on l’a vu pendant l’assaut contre Gaza. La cruauté est ouvertement formulée la doctrine Dahiye des militaires et soutenue par la religion de la Shoah.

I am pained by the parallels I observe between my experiences in Germany prior to 1939 and those suffered by Palestinians today. I cannot help but hear echoes of the Nazi mythos of « blood and soil » in the rhetoric of settler fundamentalism which claims a sacred right to all the lands of biblical Judea and Samaria. The various forms of collective punishment visited upon the Palestinian people — coerced ghettoization behind a « security wall »; the bulldozing of homes and destruction of fields; the bombing of schools, mosques, and government buildings; an economic blockade that deprives people of the water, food, medicine, education and the basic necessities for dignified survival — force me to recall the deprivations and humiliations that I experienced in my youth. This century-long process of oppression means unimaginable suffering for Palestinians.

Je souffre du parallélisme entre mes expériences en Allemagne avant 1939 et celles supportées par les Palestiniens aujourd’hui.

Je ne peux aider, mais j’entends des échos des mythes nazis du « sol » et du « sang » dans la rhétorique des colons fondamentalistes qui clame un droit sacré à toute la terre de l’antique Judée-Samarie. Les diverses formes de punitions collectives subies par le peuple palestinien- ghettoïsation forcée, derrière un « mur de sécurité » ; la destruction au bulldozer de maisons et de champs ; le bombardement d’écoles, de mosquées, d’immeubles gouvernementaux ; un blocus économique qui prive le peuple d’eau, de nourriture, de médicaments, et des produits de première nécessité pour une survie digne- me forcent à me souvenir des privations et des humiliations vécues dans ma jeunesse. Ce long siècle d’oppression signifie d’inimaginables souffrances pour les Palestiniens.

It is not too late to learn a different lesson from Auschwitz. For example, in the last year, the International Jewish Anti-Zionist Network has become a means for many — including young Jews in the United States — to challenge the precepts of Zionism and support the Palestinian call for boycott, divestment and sanctions against Israel. Their goal, and mine, is to challenge the dispossession and exclusivity of a Jewish state, in their names and in mine. They understand the urgency of the classical Jewish concept of teshuvah, return from the wrong road. Further, they understand that the pursuit of justice and making ethically positive sense out of senseless suffering is not only part of an ancient Jewish interpretation and shaping of history, but is crucial for all of us in creating the world we want to live in, and to our moral survival.

Il n’est pas trop tard pour apprendre une leçon différente d’Auschwitz. Par exemple, l’année dernière, le Réseau juif antisioniste international (IJAN) est devenu un moyen, pour beaucoup,- y compris des jeunes juifs des USA- de contester les préceptes du sionisme et de soutenir l’appel palestinien au boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) contre Israël. Leur objectif et le mien est de combattre la dépossession et l’exclusivité d’un Etat juif, en leur nom et au mien. Ils comprennent l’urgence du concept juif classique de teshuvah, revenu de son impasse. Plus encore, ils comprennent que, chercher à atteindre la justice et produire un sens éthique positif, hors d’une souffrance absurde, n’est pas seulement une part d’une interprétation juive ancienne de l’histoire, mais est cruciale pour nous tous, pour créer le monde vivable que nous souhaitons comme pour notre survie morale.

Hajo Meyer is the author of The End of Judaism: An Ethical Tradition Betrayed.

Hajo Meyer est l’auteur de La fin du judaïsme : une tradition trahie