L’avocat Maître Eolas analyse la décision du Conseil d’Etat d’interdire le spectacle de Dieudonné à Nantes.
Saisi en urgence, le Conseil d’Etat s’est prononcé jeudi 9 janvier pour l’interdiction du spectacle de Dieudonné à Nantes ce soir, donnant raison à Manuel Valls et cassant la décision du tribunal administratif cet après-midi. Ouvrant ainsi “un régime préventif de la liberté d’expression”, selon l’avocat et blogueur Maître Eolas.
Cette décision constitue une surprise…
– C’est plus que de la surprise. Le Conseil d’Etat pouvait, en vertu de son pouvoir d’appréciation, considérer que la tenue du spectacle de Dieudonné faisait courir des risques de troubles à l’ordre public, pourquoi pas. Mais il va beaucoup plus loin. Il retient l’atteinte à la dignité de la personne humaine du fait du contenu du spectacle. C’est une première.
Le Conseil d’Etat admet que si un ministre de l’Intérieur estime que ce que vous allez dire va porter atteinte à la dignité de la personne humaine, il peut vous interdire de le dire. Nous sommes maintenant dans un régime préventif de la liberté d’expression, et c’est une boîte de Pandore qui est ouverte. Dans son ordonnance, le Conseil d’Etat souligne que “l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie”. Et quelques lignes plus loin, il commet un attentat contre cette liberté d’expression.
Comment analyser une décision diamétralement opposée à celle du tribunal administratif de Nantes quelques heures plus tôt ?
– Il y a la question de l’appréciation des preuves. Et puis ce qui s’est passé à l’audience a dû jouer. L’ordonnance évoque “la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public (…) établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique”. Les avocats de Dieudonné ont dû tenir des propos malheureux.
Y a-t-il un recours possible pour Dieudonné ?
– Les voies de recours internes sont épuisées, mais les avocats de Dieudonné ont six mois pour saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Et la décision du Conseil d’Etat ne tiendra pas. La France est déjà classée 3e pour les atteintes à la liberté d’expression, avec 25 condamnations, devant la Russie. Elle n’est pas près de nous rattraper…
Quelle est la portée de cette décision ? S’applique-t-elle uniquement pour le spectacle de Nantes ? Fera-t-elle jurisprudence ?
– Juridiquement elle ne vaut que pour Nantes. Dieudonné reste libre de déposer des référés pour tous les arrêtés d’interdiction qui frappent son spectacle. Mais le Conseil d’Etat représente une autorité morale très importante. Et un juge administratif n’aime pas plus que n’importe qui voir ses décisions retoquées.
Il est difficile de dire si cela fera jurisprudence. C’est une décision qui a été prise, et rédigée, très rapidement. Mais une partie est rédigée en termes généraux. Le Conseil d’Etat se fonde pour la première fois depuis 1995 et l’arrêt Morsang-sur-Orge dit du “lancer de nain” sur l’atteinte à la dignité humaine, mais avec une acception plus large.
Ce qui est sûr, c’est que Dieudonné ne vaut pas qu’on jette nos valeurs à la poubelle. Et que la “victoire de la République” dont s’est réjoui Manuel Valls est illusoire. Est-ce que Dieudonné va se taire ? Est-ce que plus personne ne va l’écouter ? Evidemment non.
“- Il y a la question de l’appréciation des preuves. Et puis ce qui s’est passé à l’audience a dû jouer. L’ordonnance évoque “la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public (…) établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique”. Les avocats de Dieudonné ont dû tenir des propos malheureux.” Voilà ce que nous dit maître Heholà. Mais encore faut-il que les avocats de Dieudonné aient été présents à la petite sauterie du Conseil d’Etat. Ce qui ne semble pas le cas , voici les propos de l’avocat de Dieudonné : http://www.youtube.com/watch?v=EUMleaqSzgU
Il n’y a pas à dire, c’est encore plus fort que le Roquefort.