Dans l’affaire Dieudonné, le ministre de l’Intérieur se fait le pourfendeur de l’antisémitisme et de la parole raciste. C’est oublier les accusations qui pèsent contre ses propos anti-Roms.
Manuel Valls, nouveau pourfendeur de la parole raciste en France ? Le 10 janvier, sur France Inter, il a déclaré d’un ton assuré à propos de l’interdiction des spectacles de Dieudonné :
« Il s’agissait d’empêcher qu’un message de haine, un message antisémite, un message anti-juifs continue de se propager. Et le Conseil d’État a clairement confirmé la thèse, qui était celle du gouvernement, selon laquelle des propos qui pouvaient constituer une atteinte à la dignité de la personne humaine portent atteinte à l’ordre public. (…) L’antisémitisme et le racisme sont des délits, [ce] ne sont pas une opinion. (…) Là où il y a une parole antisémite, raciste, qui se diffuse, la justice doit pouvoir agir (…) Nous ne pouvons pas laisser se diffuser cette parole. »
Quoi qu’on puisse penser de l’affaire Dieudonné et de la pertinence d’interdire ses spectacles, les déclarations du ministre de l’Intérieur ce matin entrent violemment en collision avec celles qu’il prononçait le 24 septembre à propos des Roms :
« Il n’y a pas d’autres solutions que de démanteler ces campements et de reconduire à la frontière. (…) Il n’y a plus d’appel d’air aujourd’hui. Les populations roms ne viennent plus en France parce qu’elles savent qu’on y mène une politique ferme. (…) Les Roms ont vocation à revenir en Bulgarie et en Roumanie. (…) Nous ne sommes pas là pour accueillir ces populations. »
Et en mars 2013 :
« Les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution. »
Ces propos de Manuel Valls ont d’ailleurs fait l’objet d’une plainte du Mrap au motif que le ministre créait « un sentiment de rejet à l’encontre des Roms. Il exhorte à la violence, à la haine et à la discrimination raciste ».
Le 19 décembre, cette plainte a été classée sans suites par la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR). « Il n’apparaît pas [que ces propos] excèdent les limites admissibles de la liberté d’expression », ont jugé les magistrats.
Il n’empêche qu’ils ont soulevé l’indignation d’un certain nombre d’associations de défense des migrants et des droits de l’homme ainsi que d’élus de la République. Notamment parce qu’ils sont venus alimenter le rejet des Roms et offrir une caution morale et politique aux comportements discriminatoires envers eux.
Alors, le racisme contre les Juifs, non, contre les Roms, oui ? Parce que le démantèlement des camps sans relogement, l’expulsion d’enfants scolarisés, la stigmatisation d’une population qui « ne voudrait pas s’intégrer », orchestrés par un représentant de l’État de droit, ça n’est pas de nature à troubler l’ordre public ? À moins que le ministre ne cherche a effacer avec les uns ce qu’il a pu dire avec les autres.
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