Le procureur général a annoncé le lancement d’un plan d’actions « pour lutter plus particulièrement contre l’immigration clandestine et le trafic d’êtres humains », hier à Colmar, lors de l’audience de rentrée de la cour d’appel.

Quelles formes prennent en Alsace le trafic d’êtres humains et l’immigration clandestine ? « Les problématiques en ligne de mire pour l’année à venir » ont été décrites par le procureur général, hier à Colmar.

« D’abord la situation des mineurs étrangers isolés, devenue ingérable parce que ces jeunes sont aux mains de groupes criminels très structurés qui organisent leur parachutage sur notre territoire, notamment en Alsace, a-t-il détaillé. Mais aussi la lutte contre les cambriolages, dont l’explosion ces dernières années est directement liée à l’immigration illégale, ou encore le travail dissimulé qui met à mal notre système social, déjà fragilisé par le chômage de masse. »

Lors son discours d’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel, Jean-François Thony a annoncé que les chefs des parquets, de la police et de la gendarmerie se réuniront le 24 janvier, « pour jeter les bases d’un plan d’action qui tentera de trouver des angles d’attaque nouveaux contre cette criminalité ».

Saisie des biens des caïds : « On vise juste, là où ça fait mal »

L’an dernier, le parquet général avait mis l’accent sur la confiscation des biens des caïds : « On vise juste, là où ça fait mal » , a assuré le chef de cour en relevant la hausse « significative » d’appels des décisions de saisie : « Entre 2012 et 2013, le nombre de véhicules confisqués est passé de 96 à 243, et la valeur totale des immeubles saisis de 0,8 à 6,9 millions d’euros. »

Si les saisies d’argent en numéraire et sur les comptes bancaires devaient continuer à baisser, Jean-François Thony y verrait une preuve de l’efficacité des mesures de lutte, mais aussi l’indice que les trafiquants ont trouvé la parade en privilégiant le troc aux paiements en liquide…

Ce dernier entend par ailleurs renforcer la lutte contre la fraude aux prestations sociales, l’introduction massive de téléphones portables, ainsi que le trafic de stupéfiants dans les établissements pénitentiaires, et « continuer à chasser les coûts de fonctionnement inutiles ».

Le représentant du parquet général estime « bienvenu l’ambitieux projet de réforme » dévoilé la semaine dernière par la garde des Sceaux, qui vise à redéfinir les champs d’action et les moyens de la justice : « Il est temps de réfléchir sérieusement sur ce que notre société attend de la justice et de voir si l’on souhaite, en particulier pour limiter la dépense publique, retirer de son champ d’intervention certains de ses domaines traditionnels, comme le divorce ou les infractions routières. »

La première présidente de la cour voit aussi plutôt d’un bon œil ce projet et certaines conclusions des groupes de travail, comme celle visant à « rendre le citoyen davantage acteur de son litige » , en privilégiant la médiation. Marie-Colette Brenot, qui relève que la cour démarre l’année « avec à nouveau deux postes vacants » , attribue à ces « vacances de postes récurrentes » la légère baisse du nombre en décisions rendues en 2013. Enfin, la chef de cour juge « préoccupante la situation de la chambre de l’instruction, dont le nombre de saisines s’accroît d’année en année ».

Au sujet de l’avenir de la cour d’appel de Colmar : « Pour ceux qui avaient des craintes à ce sujet, je ne peux que confirmer ce que j’ai déjà eu maintes fois l’occasion de dire : la cour n’est pas menacée, car s’il devait y avoir une redéfinition de la carte judiciaire des cours d’appel, ce serait pour caler la carte des cours d’appel sur celle des régions administratives, ce qui n’aurait donc aucune conséquence pour notre cour » , a souligné le procureur général. Tandis que la première présidente a indiqué qu’une proposition pour la réforme « devrait nous rassurer sur le maintien d’une cour d’appel en Alsace, avec le renforcement de son autonomie budgétaire ».

Les plaintes augmentent… mais « la délinquance stagne » : « La délinquance et donc l’activité pénale dans la région stagnent voire diminuent depuis plusieurs années » , a indiqué le procureur général en s’appuyant sur quelques-uns des indicateurs : les faits constatés par les forces de l’ordre, passés de 91 000 en 2011 à 88 700 en 2013, et les plaintes reçues par les parquets du ressort, « passées de 120 000 en 2009 à 110 000 en 2013 ». Ce dernier chiffre a pourtant grimpé de 9 % depuis 2012, mais « c’est dû en grande partie aux efforts du parquet de Strasbourg pour résorber des procédures empilées suite à la mise en place d’un logiciel ». Enfin, les chiffres des gardes à vue sont « stables, voire en baisse » , ainsi que le nombre de jugements rendus (moins 10 % en un an). « Mais il y a encore des marges pour les délinquants » , a précisé Jean-François Thony en faisant référence à l’augmentation des violences et des trafics de drogues.

Pour la première fois, le buffet après l’audience de rentrée a été réalisé par des mineurs suivant une formation professionnelle avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou à la Mission locale de Colmar.

Ils ont concocté mais aussi servi les nombreux invités à l’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel, hier lors du buffet réparti sur plusieurs tables autour du thème « Saveurs du monde ». 31 de ces jeunes sont actuellement suivis par la PJJ.

Les participants provenaient d’établissements de placement éducatif et d’insertion de toute l’Alsace, des centres éducatifs fermés de Mulhouse et Saverne, du dispositif relais avec l’Éducation nationale du Haut-Rhin et de la mission locale de Colmar, avec le soutien de l’association Épices.

« Des statistiques stables »

Cécile Garnier, juge déléguée à la protection de l’enfance, a évoqué la justice pénale des mineurs, et Jean-Marie Litique, président de la chambre spéciale des mineurs, la fonction de juge des enfants. D’après Jean Zilliox, directeur territorial de la PJJ du Haut-Rhin, chaque année dans la région quelque 6 000 mineurs font l’objet d’une décision de justice, dont 1 000 en matière pénale, « des statistiques stables depuis 2012 et la création de la direction de la PJJ d’Alsace ».

le 16/01/2014 à 05:05Jean-Frédéric Surdey

http://www.lalsace.fr/haut-rhin/2014/01/16/colmar-mettre-l-accent-sur-la-lutte-contre-l-immigration-clandestine