La Lune

A la salle blanche de la librairie Kléber, à Strasbourg, on rencontre toutes sortes d’auteurs, des bons, des moins bons, des meilleurs et des pires.

Ainsi, samedi dernier, le matin dès 11h, une assemblée quasi exclusivement composée de femmes- à l’exception de quatre hommes- , à l’initiative de l’association de femmes lesbiennes, La Lune, écoutait Mme Bonnet, historienne, raconter la saga du féminisme français, depuis l’après-mai 68.

Un vrai cours d’histoire par une de ses actrices. Si les jeunes femmes présentes ignoraient ces événements, en tout ou en partie, ce fut un bon rappel pour toutes et tous. On a eu droit à toutes les variantes du féminisme, des combats menés, du MLF au FHAR, en passant par les Gouines Rouges et les éditions Des femmes. M.J. Bonnet n’a eu qu’à raconter, de manière enjouée et souriante, sa vie, ses combats pour faire en même temps l’histoire du féminisme et de la sortie du placard des pédés comme des lesbiennes.

Il y avait d’ailleurs une responsable de la revue Lesbia, à la table à côté d’une de la Lune.

On a souri plusieurs fois d’une sorte de naïveté très égotiste de la conférencière native de Pont-l’Évêque, qui laissait transparaître de manière presque enfantine, la joie d’avoir participé à des réunions dans les années soixante-dix, chez Simone de Beauvoir ou Delphine Seyrig.

Comme on s’y attendait, les hommes ont posé autant de questions, parfois chahutées, pour l’un d’eux, que les femmes. Encore une preuve du phallocratisme masculin dominant?

L’une des participantes s’est étonnée de l’agressivité des derniers rangs qui ont fait une bronca à la question sur un éventuel basculement du balancier du pouvoir des homme à celui des femmes, depuis que celles-ci maîtrisent la venue au monde des enfants, comme l’explique brillamment Françoise Héritier, dans ses ouvrages majeurs.

Certes de nombreuses inégalités entre les femmes et les hommes subsistent, pour les salaires, la position sociale, la hiérarchie, et même en politique malgré la parité aux élections proportionnelles, qui n’empêche pas les listes en Alsace de ne compter que des hommes en tête!

Cependant, le pouvoir maternel tout-puissant n’aurait-il pas des conséquences dans une certaine perte du sens de la limite, donc de la loi, chez les jeunes générations? La séparation nécessaire de l’enfant, garçon ou fille, du maternel, par un pouvoir symbolique paternel (qui peut aussi bien s’exercer chez une femme, qu’un un homme) s’opère-t-elle encore?

On a eu l’occasion d’entendre même un Tariq Ramadan, à la si mauvaise, mais injustifiée réputation, s’en prendre vivement et face à face, aux mères lors d’un débat à Hautepierre, leur reprochant d’être responsables des incivilités de leurs garçons, par une trop grande proximité. Et ce n’est pas propre aux musulmans, bien entendu!

Ramounah Salah Fatiha Maamoura Laissées pour mortes photo MDD

Il y a avait dans la salle trois membres du Conseil municipal de Strasbourg

Laissées pour mortes

Dans l’après-midi, on rencontra deux femmes algériennes très courageuses, Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura, qui ont confié à la comédienne Nadia Kaci le récit de leur existence et surtout celui de l’effroyable lynchage subi le 13 juillet 2001 par une cinquantaine de femmes sauvagement agressées et torturées par 500 hommes en furie, après un prêche virulent d’un imam à Hassi Messaoud, ville pétrolière du sud de l’Algérie.

laissées pour mortes Rahmouna Salah Fatiha Maamoura Nadia Kaci Marie Dominique Dreyssé

Leur livre:

Laissées pour morts

Le lynchage des femmes de Hassi Messaoud

http://maxmilo.com

Enfin le pire.

Imposture“, toi-même!

Après le témoignage des femmes algériennes, on est resté, pour voir, comme on dit au poker, l’auteur suivant . Pas longtemps, à vrai dire!

On a échappé à une chute suivie de noyade dans Larivière (Michaël) , interrogé avec complaisance par un type ténébreux du même genre qui souriait à l’avance des questions qu’il posait et des réponses de son comparse.

Pour faire aussi bref que notre présence, disons qu’à côté des deux(!) ouvrages sortis par ce monsieur, le Livre noir de la psychanalyse semble une bluette inoffensive et un chef d’œuvre…

On a juste eu le temps d’entendre la plainte d’un ex-analysant, au transfert haineux, qui juge de la pertinence de l’analyse, à la propreté de la chemise d’un psychanalyste strasbourgeois, décédé depuis.Quel courage de s’en prendre à un mort!

Lacan, encore un mort, en a pris pour son grade aussi, trop facile,même si le plaignant faisait mine de trouver sa lecture intéressante à condition de passer par le filtre de Derrida. Excusez du peu! L’a-t-il vraiment lu?

La salle était pleine, hélas, d’un public qu’on ne voit pas lorsque des analystes strasbourgeois, plus “sexy”, y sont, ce qui arrive souvent.

Larivière coule, et comme disait déjà Héraclite il y a deux mille cinq cent ans, “On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve“.

Même pas un seule fois, en réalité!