JEAN DANIEL FLINGUE LE CRIF

Cela fait désormais trop longtemps que le Crif s’autoproclame une représentation, qui est infondée et souvent nocive.

Quelle que soit la qualité de certains qui en font partie et qui se déclarent à regret minoritaires, il faut bien constater que les dérapages communautaristes du Crif deviennent de plus en plus nombreux et alimentent un antisémitisme à la fois insidieux et secret. Pour le moment, personne n’ose dire que le roi est nu et que dans certaines affaires qui relèvent soit de la solidarité inconditionnelle et aveugle avec l’extrême droite de l’Etat d’Israël, soit d’un judéo-centrisme obsessionnel et névrotique, les juifs ne peuvent plus se sentir en sécurité intellectuelle.

Le Crif et la politique

Pour répliquer à l’éditorial de Maurice Szafran de la semaine dernière (Marianne n° 642), Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a pris la peine de s’accorder à lui-même une interview rendue publique sur son propre site Internet. Auteur, éditeur et distributeur de sa pensée, il s’est ainsi soigneusement mis à l’abri de toute nuisance perturbatrice. Il pose les questions, écoute ses réponses et tombe finalement d’accord avec ses idées. On n’est jamais si bien contesté que par soi-même…

Dans son auto-pseudo-interview, le président du Crif, après s’être creusé les méninges, fait une découverte capitale : ses détracteurs, Marianne, pour prendre un exemple au hasard, obéissent à « des motivations sous-jacentes » (il veut dire inavouables), « des motivations politiques ». Saperlipopette ! Mais, Dieu, pour quelles autres raisons s’intéresserait-on à M. Prasquier si ce n’est pour des raisons « politiques » ? Son Crif est une institution politique qui conduit une politique nocive au pays, nuisible aux juifs de France et à la coexistence paisible entre les diverses composantes de la nation.

Soulignons que le Crif n’a pas toujours été ce qu’il est devenu. Sous l’impulsion de personnalités de droite ou de gauche, d’Adolphe Steg à Théo Klein, il s’est évertué à maintenir un équilibre subtil entre la multitude des sensibilités juives et les courants contradictoires qui travaillent le pays. Le Crif était alors respecté, écouté et envié par d’autres communautés. Depuis quelques années, spécialement sous le règne de M. Prasquier, on ne le reconnaît plus. Il ne sait plus que mordre et griffer à tort et à travers. Qui conteste que Fofana ait perpétré un crime antisémite ? Mais est-ce vraiment dans la vocation d’un corps politique d’intervenir rageusement dans une procédure judiciaire, comme l’a fait le Crif à la manière d’un lobby de caricature ? Les avocats, la famille étaient dans leur rôle, pas M. Prasquier, qui a offert une image accablante de ceux qu’il est censé représenter.

M. Prasquier lance une charge contre Shlomo Sand et son livre. Dans nos colonnes, l’ex-ambassadeur d’Israël en France Elie Barnavi a dit ce qu’il fallait en penser. Mais que vient faire le président du Crif dans un débat littéraire, si ce n’est tirer sur tout ce qui bouge et le dérange ?

La vérité est platement politique. Le Crif, comme d’autres institutions juives, est tombé entre les mains de courants alignés sur la droite israélienne la plus intransigeante. Insensibles aux tourments palestiniens, réfractaires aux concessions réciproques qui conditionnent la paix, ils ont inventé la recette pour ne se faire entendre ni des juifs de France, ni du pays dans son entier. Leur extrémisme attise les tensions dans les quartiers les plus exposés aux frictions. Il est grand temps que le Crif retrouve le chemin de la raison et de l’apaisement.”

Jean Daniel