Un lupanar géant, théâtre d’une libido sans limites. Telle est la France vue par les GI, débarqués au pays des femmes faciles et des maris trompés. “L’Europe d’aujourd’hui est peuplée de petites-bourgeoises respectables qui ont, au moins une fois dans leur vie, écarté les cuisses pour le prix d’une miche de pain”, confiera un vétéran américain. En Normandie, en Bretagne, en Champagne, les boys faisaient l’amour partout, en plein jour, devant les enfants. Une épidémie de sexe qui fait la trame du livre de l’historienne américaine Mary Louise Roberts.
Le haut commandement US a voulu “vendre” le Débarquement comme une aventure érotique, seul moyen de galvaniser les soldats envoyés sous les orages d’acier d’Utah et Omaha Beach. La propagande militaire mobilise tous les poncifs sur les moeurs de la femme française, supposée libre de son corps, prête à s’offrir aux guerriers virils venus la sauver des griffes du nazisme.
L’indigence française et l’opulence yankee favorisent le commerce du sexe
Une fois désinhibée, la libido des GI sera impossible à contenir. Les viols se multiplient, la prostitution explose. Le contraste entre l’indigence française et l’opulence yankee favorise toutes les combines et le commerce du sexe. Un paquet de chewing-gums, quelques cigarettes suffisent à s’offrir une passe. Par crainte des maladies vénériennes, les autorités américaines tenteront vainement d’encadrer le chaos. L’état-major fait des exemples en ordonnant la pendaison publique de soldats noirs accusés de viols – boucs émissaires d’une armée fondée sur la ségrégation raciale.
Face à ce tsunami sexuel, une douloureuse “crise de la masculinité” s’empare du mâle français. “Efféminés, verbeux, nerveux, irritables, avec un côté très gigolos et je ne les aime pas beaucoup”, observe un GI au sujet des vaincus de 1940. Des froussards, incapables de tenir leurs femmes et de protéger leur foyer. Cette perte de virilité serait à l’image du déclin français et l’une des causes profondes de notre antiaméricanisme.
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