Vingt intellectuels « de gauche » mettent en garde contre les amalgames : « La droite “ eurosceptique ” qui monte en puissance répond aux politiques d’austérité, mais aussi aux évolutions démographiques, par un programme qui est clairement raciste. Les progrès de la gauche, en revanche, reposent sur la formulation d’une critique réfléchie et d’une réponse alternative aux inégalités sociales et économiques engendrées par les politiques d’austérité. » Par Etienne Balibar, Judith Butler, Eric Fassin, Chantal Mouffe, Jean-Luc Nancy, Toni Negri, Eleni Varikas, Slavoj Zizek…
Les récents résultats de Syriza en Grèce offrent une lueur rayonnante d’espoir pour l’avenir de la démocratie sociale et économique en Europe. Toutefois, dans un même temps, la progression d’un nationalisme de droite qui attise de forts sentiments racistes et antisémites menace les idéaux d’une Europe plurielle et démocratique. Il importe de s’élever, dans les termes les plus fermes, contre les analyses médiatiques qui représentent de manière trompeuse la nette croissance du soutien électoral à Syriza comme la montée d’un « extrémisme » de gauche. Il n’y a aucune symétrie actuelle entre de supposés « extrémismes » de droite et de gauche. Taxer ainsi de « populisme », d’« euroscepticisme » ou d’« europhobie » l’éclatante exigence de justice économique qui se fait entendre à la fois en Grèce et en Espagne, où Podemos a réuni 8% des suffrages, c’est méconnaître son importance et ses implications politiques. On ne saurait comparer ces victoires de la gauche radicale avec la progression du Front national en France, du UKIP au Royaume-Uni, non plus qu’à la consolidation des partis antisémites en Grèce ou en Hongrie, ou des populismes xénophobes en Belgique et au Danemark.
La droite « eurosceptique » qui monte en puissance répond aux politiques d’austérité, mais aussi aux évolutions démographiques, par un programme qui est clairement raciste. Les progrès de la gauche, en revanche, reposent sur la formulation d’une critique réfléchie et d’une réponse alternative aux inégalités sociales et économiques engendrées par les politiques d’austérité. Pour empêcher que la violence et le désespoir se diffusent plus encore, l’Union européenne a besoin de nouvelles alliances qui dépassent les frontières, et de radicales reconfigurations de ses institutions pour atteindre à une plus grande égalité économique. Un grand débat public doit être lancé pour discuter de l’avenir de l’Union, du rôle de la solidarité et de la justice sociale, et du sens actuel de l’idée d’Europe.
Cependant, le succès d’un débat démocratique dépend de la vérité et de la transparence des représentations que donnent les médias des mouvements politiques et de leurs revendications. Nous demandons une attention vigilante à la différence entre des contestations politiques contre l’austérité visant à de plus grandes inégalités, et d’autres qui recherchent davantage d’égalité. C’est seulement alors qu’on pourra voir avec plus de clarté combien l’avenir même de la démocratie est en jeu.
Etienne Balibar, Joanna Bourke, Wendy Brown, Judith Butler, Drucilla Cornell, Simon Critchley, Jodi Dean, Costas Douzinas, Eric Fassin, Engin Isen, Chantal Mouffe, Jean-Luc Nancy, Toni Negri, Michael Lowy, Sandro Mezzadra, Bruce Robbins, Jacqueline Rose, Eleni Varikas, Hayden White et Slavoj Zizek
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