Réforme pénale : les dangers du « donnant-donnant » !

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Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature dénonçant le risque de dérive contenu dans certaines dispositions du projet de réforme pénale actuellement en cours d’examen.

Après deux ans d’attente, les débats à l’Assemblée nationale sur la réforme pénale ont débuté, enfin !

Las, sous l’effet des procès en laxisme, de l’agitation de l’épouvantail des« dangereux récidivistes », une partie de la majorité parlementaire apparaît tétanisée. Nourrie d’injonctions contradictoires, elle risque de tomber dans le piège tendu par les adversaires de la réforme en acceptant des régressions au prétexte d’équilibre. Il faut pourtant le dire avec fermeté : la justice pénale n’est pas soluble dans le « donnant-donnant ».

La philosophie qui sous-tend cette réforme est juste : elle consiste à redonner sa place au suivi et à l’accompagnement, à déplacer le centre de gravité de la sanction de la prison vers la cité, à repenser toute peine de prison comme s’exécutant pour partie en détention, pour partie en milieu ouvert, pour offrir à la société et au condamné de meilleures perspectives de réinsertion.

Mais pour atteindre cet objectif fondamental, il ne faut pas s’arrêter au milieu du gué !

Étendre la contrainte pénale à tous les délits, dès aujourd’hui, est une condition essentielle de la réussite de cette réforme. Parce que la peine encourue dit souvent très peu de la gravité réelle et intrinsèque d’un fait délictuel. Parce que le suivi adapté et approfondi doit profiter à ceux qui en ont le plus besoin, sur la base de leur personnalité. Enfin, par cohérence avec le système existant qui autorise un juge à prononcer un sursis avec mise à l’épreuve à l’encontre de toute personne coupable d’un délit et même d’un crime. Renoncer à cette extension serait une erreur politique !

Et surtout, il est dangereux de vouloir donner des gages de fermeté, en dénaturant la réforme par des mesures inédites de surveillance généralisée, contraires à l’esprit du texte et aux principes fondamentaux de notre droit.

Renforcer de manière aveugle les moyens de contrôle du juge de l’application des peines (JAP) par un pouvoir de géolocalisation et d’écoutes téléphoniques, sans seuil ni garantie, est totalement disproportionné.

Généraliser le procédé de la surveillance judiciaire des sortants en fin de peine – imaginé par la droite la plus sécuritaire – à tous les détenus traduit une méconnaissance des textes existants qui permettent déjà de répondre aux situations les plus complexes. Imposer une surveillance en fin de peine est radicalement incohérent lorsqu’on veut réinsérer le condamné dans la communauté en l’impliquant dans un projet, dans une dynamique. C’est surtout condamner à l’échec la mesure de libération sous contrainte !

Pire, confier à des instances de dialogue local (les conseils locaux de prévention de la délinquance et les états-majors de sécurité), au préfet, à des élus, à des représentants des services sociaux, des bailleurs sociaux, ou à des associations, le pouvoir de discuter de situations individuelles, de désigner (à la vindicte populaire) des personnes sortant de prison, pire d’obtenir des documents confidentiels (jugements, casier judiciaire, expertises psychiatriques) pour « s’assurer du respect de la mesure » est particulièrement dangereux ! La confusion est totale : c’est ignorer que les organes chargés du contrôle et de la réinsertion des condamnés sont le JAP et le SPIP et que la désignation publique des condamnés est un obstacle à leur réinsertion. C’est surtout porter une atteinte fondamentale à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice.

Autant de principes dont le projet de loi fait peu de cas en confiant aux services de police, sous prétexte d’efficacité, des prérogatives (classement sous condition et pouvoir de transaction) relevant strictement de l’autorité judiciaire, garante constitutionnelle des libertés individuelles.

Le Syndicat de la magistrature dénonce ces dérives et appelle les parlementaires à rejeter sans hésitations ces dispositions contenues dans les articles 15 à 15 quinquies, 17 bis du projet de loi, incohérents et dangereux.

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