La politique de normaisation des populations nomades se poursuite, avec ça et là des résistances, comme au Neuhof par exemple où les maisons mal construites n’incitent pas à passer de la mobilité des caravanes avec la vie en pleien air, à la sédentarisation dans un quartier ethnique.
lu dans les DNA
Rencontre avec Twist, manouche vivant dans la « dernière tranche » du quartier du Polygone.
« Moi je n’en veux pas de leurs baraques de merde. On nous met en cage ! C’est une réserve, comme ils ont fait avec les Indiens. On veut vraiment nous faire rentrer dans le moule et nous faire vivre d’une certaine façon. Parce que pour eux, on est des marginaux.
Et quoi ? On n’achète pas nos courses, notre essence et notre caravane ? Mais en quoi ça les dérange, la façon dont on vit ? Il suffit d’être décalé un tout petit peu, de ne pas rentrer dans le moule, et t’es déclassé tout de suite. Je ne sais pas pourquoi. »
Très au fait du dossier, Twist dénonce certaines « manipulations » : « On nous met des robinets de merde, ça gèle en hiver et ça pète. Alors on nous dit de laisser couler pour éviter que ça gèle. Et maintenant, on vient nous dire qu’on dépense pour 250 000 euros d’eau par an ! », s’énerve-t-il.
Twist pourrait encore changer d’avis… Mais il jure qu’il ne quittera pas sa maison. « C’est nous qui avons tout construit ici. Moi ici j’ai mes souvenirs, mes enfants qui ont grandi. » Il menace de « [se] mettre un pétard sur la tête, je ne me laisserai pas embobiner comme les autres. »
Son fils Philippe, 27 ans, n’en est pas là. Mais lui non plus ne prévoit pas d’emménager dans une maison, bien qu’il ait trois enfants. « Avec ma femme, on est en train de se préparer à partir, de chercher un terrain. » Pourquoi ? Philippe ne donne pas vraiment d’explication, juste qu’il n’en a pas envie… « On est peut-être la dernière génération à pouvoir le faire… Les générations d’après, ils vont tous vouloir aller dans une maison. Je vois ma petite sœur : à 16 ans, les filles de ma génération rêvaient d’une petite caravane, maintenant elles rêvent toutes d’un appartement. » Il conclut : « C’est ça qu’ils veulent, non ? »
Twist admet être « aigri ». « Moi je sens ce qu’on va perdre. » Et ce qu’il pourrait gagner, comme un peu de confort ? « Moi j’ai une salle de bains chez moi, je préfère me laver dehors, même en décembre. Ça me fait du bien. Je ne veux pas m’habituer. » Une autre fois, il explique : « Vous nous sortez de la merde, vous nous enlevez notre liberté. La liberté, ça n’a pas de prix. »
par J.R., publiée le 08/07/2014 à 05:00
Article intéressant. Sur le fond, Twist a raison : tout est fait pour que la collectivité et l’administration puisse contrôler les habitants du polygone. Bénéficiaire : le bailleur social, qui range les habitants dans des ‘petites boîtes’ pourries et s’en met plein les poches. Un conseil à ceux qui veulent rentrer en résistance : allez sur le terrain de la justice ; trouver-vous un bon avocat et ne vous laissez pas faire. Par exemple, attaquez le contrat qui lie la communauté urbaine à l’aménageur et au bailleur social. Le contrat de concession d’aménagement n’en est pas un en réalité car ni l’aménageur, ni le bailleur ne prennent de risques juridique ou financier (ce qui pourtant définit en théorie un tel contrat):
– c’est la CUS qui se charge au préalable d’acquérir les terrains, puis de les libérer de leurs occupants, au fur et à mesure avant de les revendre libres à l’aménageur
– le terrain est cédé gratuitement par la CUS (vendu à l’aménageur à bas prix, ce dernier revend le terrain aménagé au bailleur à prix coûtant, puis le bailleur reçoit une subvention de la CUS pour financer l’achat du terrain),
– le bailleur social en louant les logements à une population captive ne prend aucun risque financier car il est sûr que les logements seront toujours occupés. En plus, par le système des alloc., il est certain de ne pas avoir d’impayés.
– il fait par ailleurs peser sur le bilan de la concession d’aménagement (donc sur la collectivité qui subventionne) les surcoûts d’exploitation de type assurance et provisions pour entretien et réparation des logements liés aux risques supposés du fait de la population visée.
– enfin, le contrat est également un peu limite car il est supposé durer une dizaine d’année, mais il oblige le bailleur à rester propriétaire des logements pendant plusieurs décennies.