Strasbourg, la nuit.
Je sors du cinéma Star Saint-Saint-Exupéry.
Je viens de voir Ajami, un film recommandé par le Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix.
Film choc, à l’américaine, pas directement politique, sauf pour la brutalité de scènes où les trafiquants de drogue sont palestiniens et les policiers, israéliens.
La seule raison de la recommandation de ce film semble être une co-réalisation palestino-israélienne.
On y voit aussi un père très mécontent que sa fille, chrétienne, soit amoureuse d’un musulman.
Quelques pas sur le trottoir, en sortant, vers la gauche, rue du 22 Novembre, encore sonné.
A quelques mètres, une scène improbable.
De chaque côté d’une voiture, deux fois deux personnes, sur le trottoir, et sur la chaussée.
Dans chaque duo, l’une a le visage masqué par un large foulard de laine noir.
La plus proche a les mains dans le dos, réunies comme par des menottes invisibles.
Les deux non masquées semblent commander, sans mot, les autres qui, soumises, obéissent.
La scène est silencieuse.
Jeu de rôle?
Le marquis de Sade sur la voie publique?
A moins qu’un épisode du film n’ait, comme chez Woody Allen, échappé à l’écran?
Je continue mon chemin, non sans me retourner, pour vérifier si je suis bien sorti de la salle.
Quelques mètres plus loin, vers la fin de la rue, près d’une église, un véhicule de pompiers, gyrophare en action, occupe tout le carrefour .
Sur la placette, en face, près d’un kiosque à fleurs qui sert aussi des boissons, le jour, un groupe de pompiers, se tient en cercle, décontractés. Ils parlent tranquillement, nullement préoccupés par quelqu’ incendie que ce soit.
Au même moment, une dizaine de jeunes gens, comme en rangs par deux, entrent dans la rue du Jeu des Enfants, frôlant les hommes du feu.
Je traverse le pont qui mène à la gare, prend la rue en face.
J’allais m’engager à gauche, dans la première traverse.
Des cris. Je m’arrête, me retourne.
A côté du bar la Perestroïka, devant la vitrine de l’hôtel attenant, avec lequel il communique, deux femmes se battent, en hurlant.
J’en aperçois, peu après, une troisième, qui filme la scène. Les cris se poursuivent, et les coups, violents.
Les catcheuses s’arrêtent net. L’une d’elle, face au mur, l’autre s’agite, en rythme, collée derrière elle, comme si elle la sodomisait, à grands coups de hanches.
Soudain, tout s’arrête.
Quelques pas encore, en direction de ma voiture.
Un véhicule de police municipale stationne au carrefour. Deux hommes en sont sortis. L’un d’eux observait aussi la scène . L’autre, le nez vers les façades, semble chercher quelque chose.
Je m’adresse au plus grand des deux:
” Il s’en passe des choses bizarres, la nuit, à Strasbourg!”
J’omets le premier événement.
“Un véhicule de pompiers, mais pas d’ incendie“.
“C’est un véhicule de secours“, dit-il.
” Et ces cris?“.
Et lui, qui certainement, en a vu d’autres:
“Oh, vous savez, le soir, il y a beaucoup de personnes en état d’ébriété.”
Et avec ça les parlementaires européens reprochent à Strasbourg son manque de vie nocturne…