Au lendemain des attentats de Paris, le gouvernement belge s’est empressé de voter 12 mesures de sécurité. Si la plus visible reste le déploiement de l’armée, le gouvernement entend également pouvoir retirer la nationalité, élargir les possibilités d’écoutes téléphoniques et renforcer la législation antiterrorisme. « Toutes ces mesures ne sont pas sans danger », prévient le député PTB Raoul Hedebouw, à propos de l’échange de vues sur la lutte contre le terrorisme et le radicalisme au parlement ce mercredi 21 janvier. « Si elles ne sont pas appliquées correctement, ces mesures pourraient devenir une menace pour nos droits démocratiques ».
Après les attentats du 11 septembre, une série de mesures exceptionnelles ont été prises partout dans le monde. En Union européenne, par exemple, on a instauré le mandat d’arrêt européen, le stockage massif des données téléphoniques et des données internet, des listes noires de terroristes, des nouvelles méthodes d’investigation pour les services de police et de renseignements… Les contrôles frontaliers sont devenus plus drastiques et la coopération avec les États-Unis a été renforcée, notamment par le biais d’un contrôle des listes de passagers.
« La logique qui se cache derrière cette politique de sécurité est celle du « réseau large », autrement dit contrôler tout le monde pour attraper les terroristes », poursuit Raoul Hedebouw. « Il faudrait davantage s’intéresser à un meilleur échange d’informations, accroître les capacités d’analyse et renforcer la collaboration entre les services compétents. La lutte contre le terrorisme est certes légitime, mais elle nécessite une approche très ciblée et précise. Une approche “réseau large” sera inefficace ».
Cela pose également un problème sur le plan démocratique. Comme le rappelle Raoul Hedebouw, le 8 avril 2014, la Cour de Justice européenne a dans un arrêt historique annulé la directive européenne de 2006 sur la rétention des données. « Les citoyens ont le sentiment d’être placés sous contrôle permanent », écrit la Cour. « Une telle approche est disproportionnée et pas du tout en rapport avec l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme ». L’État peut enfreindre certaines libertés, mais il y a des limites.
« Bon nombre de ces mesures étaient, et sont toujours, en contradiction avec les libertés civiles. Alors que ces mesures exceptionnelles étaient supposées répondre à des circonstances exceptionnelles, elles n’ont jamais été supprimées une fois la menace terroriste dissipée », explique Raoul Hedebouw, qui en a lui-même fait l’expérience en 2007. Suite à l’organisation d’une manifestation Raoul Hedebouw ainsi que trois autres altermondialistes ont été accusés « d’appartenance à une organisation criminelle ». Une accusation basée sur des écoutes téléphoniques illégales. Hedebouw s’est donc retrouvé devant la justice, mais a finalement été acquitté sur toute la ligne. L’État belge a quant à lui été condamné à des dommages et intérêts.
« Militariser la politique de sécurité intérieure dans une logique de guerre est la dernière des solutions », prévient Hedebouw. « Tous ces uniformes kaki dans la rue ont un impact énorme sur le climat qui règne dans la société. Il n’est pas question que la présence de soldats dans la rue devienne une chose courante. Cela ne fera qu’engendrer une société de la peur ». La police est suffisamment en mesure d’assurer la sécurité, c’est pour cela qu’elle a été formée. Au contraire, la structure, le matériel et la formation de l’armée sont axés sur la guerre et la défense des frontières, et non le maintient de l’ordre intérieur.
« Je suis inquiet pour l’avenir de nos droits démocratiques », conclut Hedebouw. « On ne protège pas les libertés et les droits fondamentaux en les limitant sur une base générale. Plus on se concentre sur les véritables objectifs, moins les libertés fondamentales des citoyens seront menacées ». La politique antiterroriste devrait davantage mettre l’accent sur la prévention.
–
La double morale : notre armée est à Bruxelles et Anvers, nos armes en Arabie saoudite
A Anvers et à Bruxelles, l’armée surveille dorénavant des cibles stratégiques. Entre-temps, la Belgique continue à livrer des armes à l’Arabie saoudite, l’un des plus importants financiers du djihadisme salafiste d’extrême droite. C’est une double morale qui est en vigueur, écrit Peter Mertens. Il est plus qu’urgent de revoir notre politique étrangère.
–
Le gouvernement veut élargir l’usage des écoutes téléphoniques
–
“L’état peut violer certaines libertés, mais il y a des limites”
–
Aucun commentaire jusqu'à présent.