Les Arts de la rue présentent des spectacles de qualité. Nous avons rendu compte de celui des Clandestines, qui racontent en paroles, chants et musique l’immigration italienne vers l’Amérique au début du siècle dernier. Un spectacle émouvant et politique à la fois.
Ce dimanche, il nous a été donné de suivre deux autres spectacles.
D’abord, sur la place de la cathédrale, devant la Poste, le GIGN.
Des clowns mimant les opérations très médiatisées de ces gendarmes d’élite qui ont cette année pour la première fois, défilé en même temps que le RAID, en tête des troupes le 14 juillet sur les Champs-Elysées.
On rit beaucoup au faux GIGN qui descend maladroitement des fenêtres supérieures de la Poste, et mime la discipline militaire de manière désopilante. Ils finissent par sauver un ourson coincé dans une fenêtre, après avoir bu comme des gamins de cour d’école des boissons en carton.
Cependant un doute nous a empêché de nous laisser aller complètement. Car, au moment où ils se moquent des gendarmes, ne renforcent-ils pas en même temps leur image de super héros surentraînés qu’on a vu à l’oeuvre dans de récentes interventions relayés en direct par des télés? Sans parler de leur concurrents et collègues du RAID qui on fait à Marseille une expédition nocturne brutale chez notre camarade Pierre Stamboul de l’UJFP et ont mis 7 heures (de garde à vue) pour comprendre leur erreur.
Quant à l’autre attraction, en fin d’après midi, de la place Corbeau à la place Kléber, suivie par des milliers de personnes sur les trottoirs et aux basques des musiciens et comédiens-danseurs, elle nous a littéralement dégoûté.
Qu’on en juge. En tête, devançant de quelques mètres, les gros amplis tirés à la force humaine, le grand ordonnateur de ces festivités offertes gratuitement aux Strasbourgeois et aux touristes, Mathieu Cahn himself.
Le Chournal estime le coût de la FARse à 150 000 €, ce qui nous semble assez sous-évalué. Les caravanes d’occase achetées 2000 € par la ville entameraient à peine ce budget mais logeraient provisoirement la vingtaine de Roms sans abri.
Tout ce ramdam (pardon Abdelkader) populiste est financé avec l’argent du Festival de musique, le plus vieux de France, dégagé par le sémillant premier adjoint, Alain Fontanel.
“Emmerder” le bourgeois pour paraître de gôche, et pénaliser les mélomanes de toutes classes sociales en jouant sur le jeunisme…
Strasbourg est la seule ville d’Europe où les stars internationales du classique ne viennent plus. Les concerts étaient pourtant abordables.
Derrière les boites à gros son, un flûtiste habillé de blanc, à l’indienne. Un flûtiste? Tiens, tiens! Comme si Le joueur de flûte de Hamelin soi-même était redevenu des nôtres. D’ailleurs, suivant la petite troupe de danseurs-comédiens, venait une foule énorme de jeunes, remuant en rythme, un peu comme à la gay-pride.
Un ordonnateur un flûtiste, des jeunes… Certes ils n’allaient être noyés, sauf de décibels, car leur marche tournait le dos à l’Ill et au Pont-Corbeau, où jadis on torturait les condamnés.
Mais le plus écœurant était que, parmi les danseurs, de Corbeau à Gutenberg, on pouvait voir, entre autres, une jeune femme habillée en Tzigane et qui, avec un réalisme parfait, mimait devant les spectateurs sur les trottoirs le geste de la mendicité, la paume tendue et le visage douloureux.
Ce geste que les Strasbourgeois aperçoivent à nos carrefours et places dans l’hyper-centre. sauf que, dans ce cas, il s’agit, non de spectacle, mais de la dure réalité des familles de Roms venues de Roumanie, espérant une misère moins totale chez nous et la scolarisation de leur progéniture.
Quand on sait comment la Ville de Strasbourg traite ces populations, des citoyens de l’Union européenne, soit, il y a peu, dans des campements-bidonvilles, soit dans des camps gérés par la municipalité où sous prétexte d’insertion, ils sont stockés selon un critère ethnique, à l’Espace Hoche, à l’Espace 16, à l’Écluse. Sans parler du sort encore plus misérable de ceux-celles, enfants compris, qui sont chassés régulièrement par la police municipale du côté de la rue des Remparts, sur l’arrière de la Gare centrale.
Qui a donc l’esprit assez tordu ou le cynisme sans limite pour faire de la cruauté de la vie des Roms un spectacle?
Une fois arrivé sur la place Kléber, tout ce monde, saupoudré de couleurs pétantes, continua à se bouger au rythme des danseurs-ses, imitant la fête indienne de Holi , fête printanière qui célèbre le renouveau de la vie, où toute la population, sans distinction de caste, sort dans les rues en vêtements blancs (couleur de la mort en Inde), et où chacun redonne des couleurs à chacun en lui lançant des poudres de couleurs. Un écrivain résumera même la fête de Holi ainsi : c’est « le jour où toutes les castes se mêlent, où les inférieurs ont le droit d’insulter tous ceux devant qui ils ont dû s’incliner pendant toute l’année ».
Quelle ironie, alors, de voir des danseurs engagés par la Ville, aux côtés d’élus-organisateurs, tenter de redonner des couleurs au bon peuple que ces mêmes élus dépriment à longueur d’année ! Le libéralisme dans toute sa splendeur : on vous empoisonne et on vous vend l’antidote ensuite. La version libérale de la fête de Holi est une insulte à l’originale; il rend le peuple moutonnier et non actif; ceux qui nous écrasent toute l’année sont ceux qui organisent ensuite notre distraction…
Les Romains offraient “panem et circenses“, du pain et des jeux, aux populations dont ils achetaient ainsi les voix: c’est vrai qu’il y a des régionales difficiles pour le PS en décembre…
Dans les municipalités du sud-est, tenues il y a des années par le Front national, on pouvait aussi observer cette dépolitisation volontaire, venue d’en haut, à coup de fleurissement de rues commerçantes par des bacs bétonnés et autres fêtes folkloriques provençales – ici, tout de même, la Ville offre à la jeunesse des musiques plus modernes qu’elle aime -laissant aux Vitrines de Strasbourg de M. Bardet les gilets rouges des orchestres brassicoles.
Dans un coin, les Témoins de Jéhovah prêchaient leurs paroles doucereuses à tous les angoissés et malheureux produits en série par la brutalité de la politique néo-libérale suivie par de prétendus “socialistes“.
Le Grand Ordonnateur, content de lui, prenait quelques photos, planqué derrière la statue du général Kléber. Il pouvait se frotter les mains. Pendant que le peuple grec est littéralement étranglé, avec la complicité de la France, par la finance et les Eurocrates, malgré son vote à plus de 60 % contre cette politique, alors que les mesures du libéralisme thatchéro-pinochétiste le plus sauvage se suivent en France, l’entreprise de dépolitisation tourne à plein régime.
Merci les socialistes!
Comme toujours, comme avec Guy Mollet en 1956, ou les CRS tirant sur les grévistes fin des années 40, le capital vous réquisitionne quand la droite n’arrive pas à ses fins. Vous avez l’art de tromper le peuple, lui promettant ceci, pour faire cela, comme votre président, et son probable successeur avec qui on ne Vallsera jamais.
Et vous, citoyens, citoyennes, chantez, dansez, riez, embrassez qui vous voulez, ON s’occupe de vous au 9ème. Votez comme bon vous semble, de toute façon, ILS ne tiendront pas compte de vos voix.
J C Meyer
Oui, sauf qu’on n’est pas en Inde…!
Ici, ce beau discours sonne creux quand les choix politiques du pouvoir contredisent sur le terrain le bla-bla filmé en conseil municipal…: il n’y a jamais eu autant de discours de la part du pouvoir sur le “vivre-ensemble” et jamais autant de chasse aux pauvres et d’expulsion d’étrangers par ce même pouvoir, y compris localement. Sans parler du chantage aux subventions pour faire taire toute solidarité organisée…y compris localement…
Un pouvoir qui stigmatise à longueur de temps (les étrangers, les pauvres, les chômeurs…) et qui propose ensuite un “spectacle (qui) a justement été conçu dans une optique politique comme une réponse aux discours stigmatisant qui fractionnent la société…“, est un pouvoir malade.
A moins que vous ne souhaitiez, comme l’un des membres du PS67 et fonctionnaire de la Ville, tenter de nous faire taire à coup de plaintes en diffamation, merci de nous épargner vos insultes sur nos analyses et interprétations résistantes de la réalité.
Les membres de la Feuille de chou
Dans le genre raccourci imbécile là on a un modèle….
Ce spectacle a justement été conçu dans une optique politique comme une réponse aux discours stigmatisant qui fractionnent la société…
Voilà une explication du directeur de la Compagnie : “The color of time » c’est l’envie de partager avec le public une explosion de joie chromatique, en renouant avec la fête comme exorcisme de la peur. C’est l’envie que la rue redevienne l’espace de la cohésion et du métissage, symbolisé ici par le mélange des couleurs inspiré de la Holi, traditionnelle fête des couleurs hindoue.
Célébrée en Inde à l’arrivée du printemps, cette fête est l’occasion de manifester son amitié aux autres. Partout dans les rues les gens dansent et défilent avec des poudres de couleurs dont ils s’enduisent mutuellement en riant. Ce jour-là les castes n’existent plus, chacun est l’égal de l’autre…”