Mesdames, Messieurs,
Dans deux jours je ne pourrai plus prendre l’avion, enceinte de 8 mois, pour aller accoucher là où je vis, à Jérusalem, près de mon mari, Salah Hamouri, un franco-palestinien.
Jusqu’au bout je ferai tout mon possible pour y parvenir et votre soutien m’est particulièrement précieux dans ce moment difficile à vivre que je ne souhaite à personne de connaitre, même à mon pire ennemi.
J’ai été expulsée d’Israël à mon retour de France où j’ai pu, enfin, venir pour passer les fêtes de fin d’année avec ma famille et mes amis. Je n’étais pas sortie du territoire israélien depuis 18 mois pour cause d’impossibilité administrative.
C’était une grande joie pour moi et mon mari, une joie qui s’est terminé en cauchemar à mon retour.
Le 5 janvier, à mon retour à Tel Aviv, les gardes-frontières israéliens m’ont bloquée puis jetée en prison pendant deux jours malgré ma grossesse.
J’avais pourtant un visa officiel valable un an, jusqu’en octobre 2016. Ce “visa de service” avait été délivré par les autorités israéliennes elles-mêmes à la demande du Consulat français de Jérusalem où je suis employée.
C’est donc non seulement moi mais notre pays, la France, qui a été ainsi atteinte par les autorités israéliennes sans la moindre humanité ni respect de leur propre engagement attaché à ce visa “multiples entrées et sorties” qu’ils avaient délivré en toute connaissance de cause.
On m’accuse d’être “dangereuse” pour la sécurité d’Israël ! Ceci sur la seule base d’une affirmation du Shin Beth qui n’a pas eu à fournir, car tel n’est évidemment pas le cas, la moindre preuve de leur accusation. Seule leur parole vaut.
Quand je suis venue en France le 21 décembre, je n’étais pas “dangereuse” et le 5 janvier je l’étais devenue !
Cet arbitraire absolu n’est pas sans arrière-pensées. Si notre enfant ne nait pas à Jérusalem, il sera uniquement Français et il sera exposé à toutes les tracasseries, voire à l’impossibilité, de se rendre à Jérusalem pour vivre avec nous et, plus tard, pour voyager et revenir à Jérusalem.
Ce statut des plus précaires pour notre enfant, le soumettrait à la seule discrétion des autorités israéliennes. C’est inacceptable d’envisager cela pour la mère que je suis et pour son père qui est Jérusalémite.
Je continuerai jusqu’au bout à clamer le respect du droit qu’on a bafoué pour des raisons politiques.
Jérusalem, comme vous le savez, est annexée par Israël malgré cette non acceptation ni reconnaissance par l’ONU. La partie orientale, arabe, est vidée de mille manières de ses habitants par la “Force occupante”, selon l’expression employée par l’ONU.
Je suis, nous sommes mon mari, moi et notre enfant, dans le “viseur” de cette politique. C’est effroyable mais c’est ainsi.
Les autorités françaises ont fait savoir leur désaccord avec cette situation. Mais les dirigeants israéliens ne cèdent pas. Je n’imagine pas que notre diplomatie soit sans moyen pour régler ce “cas”.
Je voulais vous dire tout cela avant je ne sais quelle issue. Et saluer fortement votre soutien, ce que vous avez fait pour nous venir en aide – dans votre grande diversité sociale et politique – et saluer ce que vous ferez peut être pendant qu’il est encore temps.
Je voulais vous remercier tout simplement et ne je manquerais pas de vous tenir informés des évolutions de cette situation.
Avec mes meilleurs sentiments.
Elsa Lefort
11 février 2016, Paris
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