Dictionnaire amoureux de la Palestine, par Elias Sambar
Elias Sambar était, mardi 27 avril, à Strasbourg, pour présenter, à la librairie Kléber, son dernier ouvrage, le Dictionnaire amoureux de la Palestine.
Si l’éditeur avait été vraiment au plus près de l’auteur et du sujet, il aurait dû écrire Balestine. l’un des articles de ce dictionnaire, édité deux fois, à la lettre B et à la lettre P, cherche à savoir, avec humour, pourquoi les Balestiniens sont les seuls arabophones qui ne parviennent pas à brononcer le P, certes inexistant en arabe, mais que les Libanais broches de la Balestine brononcent cebendant.
C’est l’une des entrées de ce dictionnaire qui en comporte un grand nombre sur près de 500 pages. On y trouve de l’histoire, de la géographie, de la politique, du cinéma, de la littérature, des recettes de cuisine,etc.
On y rencontre la famille de l’auteur, mais aussi Jean Genêt, Jean-Luc Godard, Arafat, Jésus Christ, dont Arafat disait qu’il était un de ses sujets, Elias-le Prophète, Mahmoud Darwich, Gilles Deleuze et quelques autres.
La volonté de l’auteur, ambassadeur de Balestine à l’UNESCO, a été, et lors de la présentation, il a insisté là-dessus, de démythifier un pays dont le monde entier se fait une image fausse, faite, soit de victimisation, soit d’héroïsme au quotidien. Ou le martyr, ou l’enfant lanceur de pierre contre l’occupant.
Or, selon Elias Sambar, la réalité est tout autre, et, beaucoup plus simplement, les Palestiniens sont des gens comme les autres et leur pays aussi, loin de toute l’imagerie (juive, musulmane, chrétienne, romaine, templière, ottomane, britannique), convoquée en nos esprits par les médias qui ne parlent que rarement de la vie quotidienne normale de ses habitants.
Pour illustrer son propos, Elias Sambar a ainsi raconté cette histoire de deux femmes palestiniennes assises sur des bancs de pierre dans le Saint-Sépulcre, pour reprendre leur souffle, tout en sueur d’avoir gravi quelques marches. Et ce banc n’est rien d’autre que le tombeau de Godefroy de Bouillon et du premier roi franc de Jérusalem (p.246)!
Sambar y rend compte de son amitié avec Jérome Lindon, éditeur de la revue d’Études palestiniennes, et Gilles Deleuze, à propos duquel il démythifie aussi en se moquant de ceux qui croient que, lorsqu’on fréquente un philosophe, la conversation devrait ne porter que sur des concepts pointus. Pas du tout! On parle de choses et d’autres, on rit et c’est ça l’amitié.
Bien entendu, on trouvera aussi dans ce livre, des analyses sur les colonies israéliennes, sur la complexité des papiers d’identité des Palestiniens,sur les deux Intifadas, sur Arafat, sur le paysage de la terre natale (olivier, vigne, cyprès) dont il n’a aucun souvenir, en ayant été chassé, avec sa famille en avril 1948, alors qu’il n’avait pas 2 ans.
On a beaucoup aimé l’entrée “Vide, expulsion et noyade“.Il y montre la proximité du phénomène atypique colonial propre à la conquète de l’Ouest américain et de la Palestine. Dans ces deux cas, il ne s’agit pas d’exploiter le peuple indigène,mais de l’effacer. Mais curieusement, l’Israélien est hanté par le fantôme du Palestinien chassé.
Israël est ainsi une “machine à fabriquer de l’absence palestininenne”. Mais ça ne marche pas.Les Palestiniens, chassés ou partis de chez eux, ont emporté leur terre avec eux dans leur âme. Elias Sambar a raconté cette histoire de deux enfants qui sont dans un champ de blé et qui s’obstinent à repondre à celui qui leur demande d’où ils sont: “d’ici”!
Et d’insister, mais d’où, ici, car le champ de blé à pertede vue est celui d’un moshav, une exploitation agricole israélienne, sur laquelle, autrefois, travaillaient encore des ouvriers agricoles palestiniens. Mais l’enfant n’en démord pas Il est d’ici. Et Elias Sambar de conclure en expliquant que sur cet ici ,avant 1948, se trouvait l’un des quatre cents villages arabes palestiniens totalement effacés du territoire. Mais pour ces enfants, nés bien après, ce village existe encore! Qui mieux que des juifs, israéliens ou pas, ajouterait-on volontiers, s’étonnerait de ce Zakhor (souviens-toi)!
Elias Sambar a aussi répondu à quelques questions sur l’actualité.
A un sympathisant de la cause palestinienne, suggérant que l’Autorité palestinienne trahissait le peuple, et que cela expliquait la montée du fondamentalisme musulman, il répondit qu’ expliquer n’est pas justifier, et que le président Mahmoud Abbas n’était pas un agent de la poltique américano-sioniste.
A propos de l’idée de démission de l’Autorité palestinienne, qui rnettrait ainsi l’État d’Israëll, responsable, juridiquement de la vie des Palestiniens occupés ou annexés, il rétorqua que cette bonne idée, intellectuellement, avait le défaut de laisser tomber le soutien actuel de cette Autorité à des centaines de milliers de palestiniens, dont les ressources dépendent des emplois payés par l’Autorité. De plus, il y a actuellement création d’emplois en Cisjordanie et croissance économique.
A propos du socialisme et de la Palestine, il rappela que le combat de son pays était une lutte de libération nationale, et fit sourire en évoquant les organisations marxisantes qui selon lui étaient les chouchous des Palestiniens les plus riches qui voulaient ainsi parvenir à détenir le pouvoir politique en Palestine, pouvoir détenu depuis le début par des classes sociales petites-bourgeoises.
On a eu un moment de plaisir lorsqu’Elias Sambar rappela, en présence, dans la salle, d’une amie de “la Paix maintenant“,la même qui était intervenue à l’ENA, pour regretter l’absence d’un représentant de l’Ambassade d’Israël, que les colonies avaient triplé sous les travaillistes, la prétendue gauche israélienne, celle qui vient de lancer JCall…Elle quitta d’ailleurs la salle peu après…
Il faut lire ce dictionnaire amoureux!
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