“Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.”

Immanuel Kant. Fondement de la métaphysique des moeurs 2e section.

Quasiment pas un média qui, hier, n’ait répété en boucle, l’horrible expression de “bébé-médicament“, même quand lui était adjointe celle, un peu plus respectueuse, ou juste euphémistique, de “bébé à double espoir“, le sien à venir, propre, et celui de son frère qu’il est destiné à sauver.

Confirmation éclatante dans ce cas, et grave, que, comme l’énonçait Heidegger, pour la science, la presse “ne pense pas“.

En un seul jour, des millions d’auditeurs, de téléspectateurs et de lecteurs auront vu s’imprimer dans leur esprit (s’ils en ont encore, avec le décervelage généralisé) le nom de cet hybride entre humain et produit pharmaceutique. Combien de temps faudra-t-il aux résistants, s’il y en a encore, comme un peu Olivier Picard, ce matin en son éditorial, pour démolir cette stupidité?

Il est loisible de débattre sur ce qu’on doit ou pas autoriser en matière d’application de la recherche scientifique. Dans le cas présent, on est dans un défi double: on doit faire tout le possible, selon le serment d’Hippocrate, pour sauver-guérir un enfant, mais en même temps, la science et la technique sont censés obéir, jusqu’à présent du moins, qu’elles le sachent ou non, à cet impératif kantien cité ci-dessus.

Même quand on use d’une personne comme si c’était une chose, un outil, comme, par exemple, un chauffeur de maître, ou tout autre domestique, pour les Mmes Bettancourt, on ne doit jamais les prendre seulement pour des instruments en vue d’une fin utilitaire, en oubliant qu’ils sont, à eux-mêmes, leur propre finalité humaine, hors du service rendu.

C’est ce qui est en cause dans l’affaire du bébé, présenté comme un “médicament“. C’est comme si dans une transfusion sanguine, on prenait le donneur pour ses plaquettes et son plasma.