Monsieur Truche est mort

Pierre Truche, procureur général au procès de Klaus Barbie en 1987, est mort, nous sommes dans la peine.
Entre nous, dans ma famille, nous disions de lui, avec un immense respect – Monsieur Truche – ce respect que l’on accorde à un parent aime, admiré.
Nous lui devions d’être sortis de ce terrible procès, soulages, grandis, mais surtout, rassurés.
La justice avait sens, le temps entre le crime commis à l’encontre de notre père et ceux, innombrables , commis à l’encontre des enfants et des parents de toutes les Parties civiles qui formaient – tout au long de ces journées éprouvantes – un bloc uni et solidaire , le temps donc par cette peine infligée était aboli. La nuit du verdict, le 4 juillet, était autre.
Mais Monsieur Truche c’était aussi l’homme qui avait organisé à Lyon pendant trois jours consécutifs , 20 ans après le procès Barbie, un colloque mémorable intitulé:
Juger les crimes contre l’humanité.
Établissant les enseignements de ce procès, en établissant le bilan.
Mais, surtout, inscrivant la notion du crime contre l’humanité au présent, en affirmant sa modernité.
Dans son intervention de clôture, Monsieur Truche expliquait plusieurs points :
  • Au XXe siècle, les victimes civiles sont plus nombreuses que les victimes militaires .
  • Elles le sont d’abord par des armes dans des guerres à distance, sans contact visuel entre l’assaillant et les civils.
Il soulignait que c’est pour la protection de ces populations civiles que le crime contre l’humanité a été prévu. Précisant que :
  • dans tout crime contre l’humanité un homme n’est plus l’égal d’un autre homme.
Il est victime d’abord d’interdictions, puis d’un marquage, enfin d’un parcage . L’ homme alors est égal à zéro.
Dans un pays où l’assassinat est un crime, il peut impunément être mis à mort.
Il n’a plus ce nom que tout être humain reçoit à la naissance et qui lui ouvre l’exercice de tous les droits.
Il indiquait également:
La responsabilité personnelle des chefs d’Etats, des membres du gouvernement , des parlementaires, des chefs militaires est recherchée.
Enfin, il précisait :
la sanction rétablit le droit. Et surtout, la sanction est due à la victime qui est alors reconnue publiquement comme être offensée et humiliée.
Quelque chose est restaurée, sous des noms divers, c’est à dire la dignité attachée à la qualité morale de la personne humaine.
Tout ceci, naturellement, concerne aujourd’hui le peuple palestinien tout entier, la population de Gaza particulièrement.
Et nous connaissons les criminels, auteurs de ces abominations.
Nommer le crime contre l’humanité aujourd’hui, en affirmer sa modernité, c’est aujourd’hui le meilleurs hommage que nous puissions rendre à Monsieur Truche.
Peut-être comprendrez vous mieux mon obstination à nommer et dénoncer les crimes contre l’humanité commis en mon et notre nom par Israël en Palestine occupée ?
Georges
Partie Civile au procès Barbie .
PS: j’oublie de vous préciser :
ce colloque avait été boycotté par le CRIF de Rhone-Alpes, le CRIF a l’échelon national. Les principaux avocats juifs de La Défense étaient – eux aussi absents…
tous avaient peur de cette modernité affirmée du crime contre l’Humanite, avaient peur que la question palestinienne soit abordée.
Seul, un jeune professeur de droit constitutionnel comparé à l’université de Bologne, a fait allusion à la situation palestinienne.
Georges Gumpel UJFP