Lu dans l’Humanité

EN PÉRIODE DE PANDÉMIE. EMBARGO ET BLOCUS, ATTEINTES À L’INTÉGRITÉ DES PEUPLES

La tribune de Mireille Fanon-Mendès France Fondation Frantz-Fanon Adda Bekkouche Ancien enseignant à l’université Paris-I, Panthéon-Sorbonne
une violence illégitime
Mireille Fanon-Mendès France Fondation Frantz-Fanon  et  Adda Bekkouche Ancien enseignant à l’université Paris-I, Panthéon-Sorbonne

Les embargos et blocus sont aujourd’hui, plus qu’hier, des agressions caractérisées des États qui les exercent contre les peuples, qui les subissent. En la circonstance, toute réduction, du fait d’autrui, des capacités des peuples à subvenir à leurs besoins primordiaux en les empêchant d’entretenir des relations internationales et commerciales, notamment en matière de santé, constitue une violence illégitime et illégale, au regard du droit international, et donc passible de sanctions. La défense de la santé publique est un objectif déclaré de la Charte des Nations unies (article 55). Tous les États sont tenus de contribuer à cet objectif (article 56).

Les embargos et blocus, qui sont des actes de guerre contre les peuples, doivent cesser. Demander la levée de ces sanctions et la fin de l’impunité pour les États qui les imposent est une obligation morale et un droit fondé sur les principes de la Charte des Nations unies. Dans le contexte de pandémie actuelle, maintenir des pays entre autres, Iran, Cuba, Venezuela, et des territoires dont Gaza sous embargo ou sanctions économiques (1), pratiques faisant apparaître un « affaiblissement du droit et des institutions internationales », est un acte criminel. Il s’agit là d’un acte de violence émanant, la plupart du temps, d’un État fort qui punit un État faible, et frappant les plus vulnérables des peuples. Il ne s’agit pas de justice, mais de l’expression d’un rapport de forces en faveur de l’État dominant, qui viole l’obligation internationale des États en contredisant la légalité internationale, car, de facto, l’embargo n’est conforme ni à la Charte ni aux missions des Nations unies.

À cet acte illicite s’ajoute, en ce moment particulier, la pandémie due au coronavirus à laquelle l’ensemble du monde est confronté. Tout acte d’embargo ou de blocus constitue aujourd’hui un acte grave contre les peuples victimes de ces mesures et contre le droit international. Ne pas lever les mesures de coercition économique dans ce contexte relève d’un double crime contre l’humanité, puisque l’embargo viole les droits fondamentaux et porte atteinte au droit à la vie, à la dignité humaine ; la pandémie ne fait qu’aggraver ces atteintes.

L’ONU, institution censée œuvrer pour la paix et le développement, se devrait de tout faire pour obtenir la levée complète de ces embargos pour que les principes de la Charte cessent d’être violés par des pays dominants et hégémoniques. Il ne s’agit pas de condamner en la circonstance l’ONU, mais de rappeler que, souvent, pour ne pas dire tout le temps, ce sont les mêmes États qui imposent les mesures coercitives à l’échelle internationale et empêchent le fonctionnement normal de l’ONU, conformément à la Charte des Nations unies. De ce fait, ces États sont les vrais responsables dans l’affaiblissement et la délégitimation du droit international et du système de sécurité collective construit après la Seconde Guerre mondiale, dont le socle est justement la Charte des Nations unies.

Dans le contexte actuel, la situation de la Bande de Gaza est inacceptable et dramatique pour sa population. Gaza est maintenue sous blocus illégal depuis treize ans, dont les conséquences sont d’une exceptionnelle gravité, et pourtant, la communauté internationale est incapable de mettre fin à cet acte illicite qui porte atteinte aux droits fondamentaux des Palestiniens de Gaza et à leurs droits inaliénables. Sur quel droit peut-on se fonder pour empêcher des populations d’avoir accès aux soins élémentaires, si ce n’est celui du plus fort, en l’occurrence celui de l’occupant israélien ? Laissant l’occupant agir de cette façon, la communauté internationale laisse se perpétrer un crime contre l’humanité d’autant plus répréhensible et condamnable qu’il est de grande ampleur et qu’il est appliqué de manière systématique. Dans le cas des États sous embargo ou du peuple palestinien de la Bande de Gaza sous blocus, et par rapport à l’acte internationalement illicite que sont ces deux actes, sont en cause des obligations, considérées comme « essentielles » pour la « communauté internationale tout entière », parmi lesquelles les droits fondamentaux de la personne humaine.

Les États imposant ou laissant imposer l’embargo ou le blocus faillissent dans leur obligation de protection des droits fondamentaux. Pourtant, au vu de l’importance des droits en cause, tous les États, absolument tous les États, devraient affirmer qu’ils ont un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s’agit étant des obligations erga omnes (à l’égard de tous – NDLR).
En effet, compte tenu du contexte, ces atteintes graves à l’intégrité des peuples, du fait d’États exerçant sur eux des embargos, blocus et autres mesures coercitives unilatérales, sont passibles de condamnations, si des actions en ce sens étaient menées. Il appartient ainsi aux États et aux forces progressistes partout dans le monde, appuyés par des juristes internationalistes, d’examiner toutes les voies et possibilités d’action (saisine de juridictions, tribunaux d’opinion, travaux académiques, etc.) contre les États agresseurs, mais aussi contre les États complices, au regard de leur responsabilité internationale, dans la commission de tels actes illicites.

(1) D’autres pays et territoires subissent des mesures de rétorsion et qui méritent d’être au moins allégées et dans tous les cas réexaminées à la lumière des principes de la Charte des Nations unies. Voir la liste de ces pays et territoires : www.tresor.economie.gouv.fr/services-aux-entreprises/sanctions-economiquesdébats