Déclaration commune

Ce lundi 8 novembre 2010, les autorités marocaines ont procédé, par l’emploi de la force, au démantèlement du campement de tentes « Gdim Izik » implanté aux faubourgs de Laâyoune au Sahara.

Ce campement mis en place dès le 19 octobre abrite des milliers de familles. Il est présenté par ses initiateurs comme une forme de protestation de la population locale pour alerter sur la détérioration de ses conditions de vie. Il va vite cristalliser l’attention de l’opinion publique et constituer un point d’achoppement du conflit.

Si le campement a été le lieu d’expression des revendications sociales et contre l’injustice, pour certains, cette manifestation est un « acte politique » significatif visant à mettre en avant les thèses des défenseurs de l’autodétermination du Sahara. Pour d’autres, ce campement est devenu « le refuge de repris de justice qui prenaient en otage des familles ».

En dépit des négociations ouvertes sur les revendications de la population du campement et la formulation de quelques premières propositions de solutions, la tension était vive. C’est ainsi que dès le dimanche 24 octobre, un jeune de 14 ans, Najem ELgarhi, a été tué et 5 autres blessés suite à « un échange de tirs au moment où leur voiture voulait forcer un barrage ».

La situation s’est fortement envenimée au matin du lundi 8 novembre, lorsque les forces de l’ordre marocaines (police, gendarmerie, forces auxiliaires) ont investi le campement et ont procédé à son évacuation et à sa destruction. Une opération périlleuse, puisqu’elle a donné lieu à de graves accrochages avec les contestataires et à de violents affrontements notamment dans les quartiers de la ville de Laâyoune. Le bilan est accablant. Selon les autorités marocaines, il y aurait 11 personnes mortes dont 10 parmi les forces de l’ordre et l’arrestation de 163 personnes. D’autres sources parlent de plus de victimes parmi les civils, de centaines de blessés et de plusieurs disparitions. Certaines images démontrent le niveau de la violence meurtrière et la brutalité des affrontements.

Un blocus a été organisé sur la région puisque de nombreux journalistes et observateurs internationaux ont été empêchés de s’y rendre dans l’immédiat.

Pour nous, associations et organisations signataires qui mettons au cœur de nos actions la défense de la dignité et de la vie humaine, nous ne pouvons que :

– dénoncer l’usage de la violence et de la brutalité qui aboutissent à la mort d’êtres humains et ce d’où qu’elles viennent.

– réaffirmer notre attachement à la prise en compte des revendications sociales des populations qui se plaignent de la détérioration de leurs conditions de vie ;

Tout en présentant nos sincères condoléances aux familles endeuillées par la mort brutale de leurs proches, nous souhaitons un prompt rétablissement aux personnes blessées, et en attendant les rapports des acteurs de la société civile marocaine qui se sont rendus à Laâyoune, nous exigeons des autorités marocaines :

– de permettre aux ONG et observateurs nationaux et internationaux de mener leurs propres missions d’investigations sur ces événements aussi bien tragiques que condamnables ;

– de procéder à la libération immédiate des personnes arrêtées et, s’il devait y avoir un procès, de faire bénéficier ces personnes de leurs droits, notamment de celui de la présomption d’innocence jusqu’à preuve de leur culpabilité et celui des garanties nécessaires à leur défense ;

Nous, associations signataires, restons, comme de nombreuses organisations partenaires et amies, préoccupées par la tension qui règne aujourd’hui au Sahara.

Cette situation nous interpelle et exige de nous plus de vigilance et de détermination pour poursuivre le travail initié depuis de longues années au sein des structures telles que le FSMAG (Forum Social Maghrébin) et la CMODH (Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains).

Nous nous attachons à œuvrer en commun et en concertation avec l’ensemble des acteurs de la société civile de la région pour réclamer la résolution pacifique et démocratique du conflit su Sahara sous l’égide de l’ONU. Ce conflit n’a que trop duré avec son train de drames dont souffrent les peuples de la région. Il constitue une entrave réelle à l’édification de l’unité du Maghreb, tant souhaitée et attendue par nos peuples et l’ensemble de la communauté internationale.

Paris, le 12 novembre 2010

Premiers signataires :

AMF (Association des Marocains en France)

ASDHOM (Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc)

ATF (Association des Tunisiens en France)

ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France)

FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives)

IDD (Immigration Développement Démocratie)

CRLDHT (Comité pour le Respect et des Droits d e l’Homme en Tunisie)

Na’oura (Groupe de Solidarité Belgique – Maroc)

UTIT-SPIF (Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens –Paris Ile de France)