Nous publions cet édito paru dans Haaretz, non que nous soyions d’accord avec son orientation très Shalom Arshav, qui croit encore à la possibilité de deux États côte à côte, bien que les gouvernements successifs d’Israël, et pas seulement de droite, comme le laisse croire l’article, en ruine chaque jour plus la plausibilité.

Les passages en gras l’ont été par nos soins.
http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/jerusalem-must-be-divided-1.324728

[“Même à Jérusalem, ce n’est pas à force de répéter des mensonges qu’ils se muent en vérité. La vérité demeure ce qu’elle était : ou Jérusalem deviendra la capitale de deux peuples, ou Israël deviendra l’État de deux peuples“, écrivait hier l’éditorialiste Akiva Eldar dans les colonnes “opinion” de Ha’aretz.]


Ha’aretz, le 15 novembre 2010

Jérusalem doit être divisée

Par Akiva Eldar

Traduction : Tal pour La Paix Maintenant

Le président Barack Obama ne brade pas les faveurs américaines à prix cassés, en échange, par exemple, d’un gel temporaire de la construction dans les implantations. Afin d’obtenir le généreux pack d’incitations déployées devant lui, le Premier ministre Benjamin Netanyahu se voit requis de céder une série d’implantations qui seront rayées de la carte – dont celles de Hébron et Shiloah, de la vallée du Jourdain et du nord de la mer Morte, de même que celles de Jérusalem-Est.

Sur la carte au mur du bureau de Netanyahu, ces vastes aires portent le label “Jérusalem“ ; et sur d’autres, de par le monde, celui de “territoires occupés“. Aucun pays ne reconnaît l’annexion de 70 km2 de la rive gauche du Jourdain par l’extension des limites municipales de Jérusalem (6,4 km2 à l’époque jordanienne). S’opposer à un retrait de Jérusalem-Est conduirait sans nul doute à un échec des négociations et nous ferait tourner le dos à une solution à deux États.

Il est à porter au crédit de l’ex-Premier ministre Ehud Barak d’avoir été le premier à tenter de briser le tabou de la division politique de Jérusalem (dans tous les autres domaines, Jérusalem est restée divisée). Marchant sur ses traces, Ehud Olmert a délimité les quartiers juifs et arabes dans la partie orientale de la ville.

Des sondages d’opinion ont montré que le public israélien juif commençait à se libérer des poncifs trompeurs servant à dissimuler l’échec de toute action en faveur de la ville la plus pauvre d’Israël. Nombreux sont ceux qui se sont accoutumés à l’idée de devoir abandonner le camp de réfugiés de Shouafat et un quart de million de Palestiniens. Depuis que les dissensions sur le gel des implantations ont éclaté, c’est à peine s’il s’est passé un jour sans que Netanyahu ou ses porte-parole aient répandu une autre légende célébrant le mythe de “la capitale éternelle qui ne sera jamais redivisée“.

Netanyahu: “Israël ne voit aucun rapport entre le processus de paix et la politique d’urbanisation et de construction à Jérusalem, qui n’a pas changé en quarante ans… Le processus de paix ne sera jamais interrompu par les constructions à Jérusalem.”

Les faits : À la suite de la décision prise par Netanyahu début 1997 (durant son premier mandat de Premier ministre) de construire le quartier de Har ‘Homa à Jérusalem-Est, la Ligue arabe s’est réunie d’urgence en session extraordinaire. Son secrétaire général, Ismat Abdel Magid, condamna la ”politique de judaïsation de Jérusalem visant à poser des faits accomplis sur le terrain à la veille de négociations en vue d’un règlement définitif.“ Le roi Hussein de Jordanie adressa publiquement à Netanyahu un message incisif, l’avertissant que ce plan conduirait à un déferlement de troubles ; l’Égypte exprima sa préoccupation quant aux dommages que ce projet infligerait au processus de paix ; le président des États-Unis, Bill Clinton, promit au chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, qu’il presserait Netanyahu de geler ses plans. Mais le dirigeant israélien repoussa tous les appels et le ‘Hamas gagna une nouvelle victoire contre le processus de paix.

Netanyahu : “Jérusalem unifiée est la capitale du peuple juif et sa souveraineté est indiscutable.”

Les faits : Selon la Feuille de route approuvée en mai 2003 par le gouvernement Sharon (dont Netanyahu était l’un des ministres majeurs), les accords définitifs censés être signés en 2005 devaient comporter “une solution consentie d’un commun accord, juste, équitable et réaliste à la question des réfugiés, et une résolution négociée sur le statut de Jérusalem”. Il était encore dit que, dans une première phase, le gouvernement israélien rouvrirait le Bureau palestinien de commerce ainsi que d’autres institutions palestiniennes à Jérusalem-Est qui avaient été fermées. Qui plus est, deux Premiers ministres israéliens avaient d’ores et déjà posé ce précédent que la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est est sujette à discussion.

Netanyahu : “Tous les résidents de Jérusalem peuvent acquérir des maisons dans toutes les parties de la ville.”

Les faits : Il existe une clause dans les baux emphytéotiques du cadastre israélien qui autorise l’administration à annuler l’acquisition d’une maison si l’acheteur n’est ni citoyen israélien ni éligible à l’immigration sur la base de la loi du Retour (en d’autres termes, s’il n’est pas juif). Un rapport d’enquête publié par Nir Hasson le 5 novembre dernier (”À Jérusalem-Est, l’État a cédé des terres à des groupes de droite sans appel d’offres préalable”), a mis à nu la relation symbiotique qui unit le gouvernement à des éléments de droite dont le but est de bouter les Arabes hors de Jérusalem-Est. Le gouvernement Netanyahu est le premier à avoir attribué [la gestion du] parc national de la Cité de David à l’association Elad sans procédure d’adjudication. L’un des directeurs de cette association avait affirmé par le passé que l’objectif du groupe est de ”prendre le contrôle de zones de Jérusalem-Est afin de créer une situation irréversible dans l’aire sainte entourant la Vieille Ville.“

Même à Jérusalem, ce n’est pas à force de répéter des mensonges qu’ils se muent en vérité. La vérité demeure ce qu’elle était : ou Jérusalem deviendra la capitale de deux peuples, ou Israël deviendra l’État de deux peuples.