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A Cabestany (agglomération de Perpignan), le 29 janvier 2011

Bonsoir à toutes et tous,

Je remercie les organisateurs du gala de ce soir d’avoir invité l’Union Juive Française pour la Paix. Beaucoup parmi vous nous connaissent déjà. Nous sommes des continuateurs en France de valeurs qui ont marqué l’histoire juive depuis longtemps : l’égalité, la justice, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’internationalisme, la résistance anti-fasciste et anti-raciste.

C’est donc tout naturellement que nous sommes solidaires du peuple palestinien pour ses droits, qu’il s’agisse du droit au retour des réfugiés expulsés depuis la Naqba, du retrait de l’armée d’occupation et des colons de Cisjordanie, du démantèlement du Mur, de la levée du blocus de Gaza, de l’opposition résolue à la judaïsation de Jérusalem, et de l’égalité complète des droits des Palestiniens d’Israël.

Pour nous, pour vous, la campagne BDS, Boycott, Désinvestissement, Sanctions, n’est pas seulement un droit mais c’est aussi et surtout un devoir, comme l’était la campagne de boycott qui avait contribué à mettre fin au régime d’apartheid en Afrique du Sud.. Depuis plus de 60 ans en toute impunité et avec l’aide ou la complicité active de nombreuses puissances occidentales dont les Etats-Unis, depuis plus de 60 ans les autorités israéliennes dépossèdent le peuple palestinien, volent ses terres et ses ressources, l’opprime, le réprime, l’humilie, lui imposent une politique d’apartheid et d’épuration ethnique. Et depuis mai 2005 la société civile palestinienne, dont 170 associations demande au monde entier de boycotter l’Etat d’Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international.

Initiative de solidarité avec Jeanne, Yamina et Bernard, poursuivis pour provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence, le gala de ce soir non seulement poursuit la mobilisation réussie lors du procès de lundi dernier 24 janvier, mais s’inscrit aussi dans un contexte nouveau.

En effet, depuis des évènements tels que l’interdiction du meeting à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm avec Stéphane Hessel, le succès du rassemblement de protestation devant le Panthéon, ou même auparavant le succès de la campagne contre le projet de tournée de Vanessa Paradis en Israël, les débats sur BDS se sont enfin propagés largement dans les grands quotidiens et les grandes chaines de télévisions, et donc dans l’opinion publique.

Des propos multiples se sont alors libérés, les propos les meilleurs, les pires ou les plus ambigües.

Cela nécessite de faire le point, de souligner ce qui parait le plus important tout en respectant d’autres opinions partisanes de BDS.

D’abord il ne faut pas oublier que c’est la survie d’un peuple qui est en jeu, et ne pas rallier la campagne BDS serait finalement se rendre complice du danger de disparition politique de ce peuple, s’en rendre complice au moins par notre silence ou par de simples dénonciations inoffensives.

Le peuple palestinien est certes divisé, mais malgré sa situation tragique il continue de résister, que ce soit par des activités sociales, culturelles ou d’autres activités collectives.

Ensuite nous ne devons pas nous laisser intimider par les associations qui portent plainte, telles que le Comité de Vigilance Contre l’Antisémitisme, la Chambre de Commerce France Israël ou Avocats sans Frontières, et par le CRIF (conseil soi-disant représentatif des institutions juives de France), qui affirme « être à la manœuvre » derrière toutes les procédures contre le boycott.

Cette association, qui prétend représenter l’ensemble des Juifs de France et n’en représente que 10 à 15 %, se comporte en courroie de transmission de la politique d’Israël et n’hésite pas pour arriver à ses fins à pratiquer le terrorisme intellectuel, un chantage constant à l’antisémitisme et un mensonge permanent. Ses déclarations sur la prétendue illégalité de BDS servent à tenter de masquer ou de légitimer les innombrables pratiques illégales de l’Etat d’Israël. Et à l’époque du mouvement contre l’apartheid en Afrique du Sud, il n’était pas question d’illégalité.

La politique d’Israël, et notamment son rôle de gendarme des intérêts des puissances occidentales au Moyen-Orient, est un grave danger pour la paix dans le monde et nous devons nous mobiliser à ce titre aussi.

Si une guerre avec l’Iran éclate, avec toutes les conséquences internationales désastreuses possibles, on ne peut certes pas affirmer qu’Israël sera seul responsable, mais sa politique contribue largement au processus qui peut conduire à cette situation.

De même la dénonciation d’Israël en tant que concepteur et grand exportateur de matériel de répression performant dépasse le seul soutien au peuple palestinien

Criminelle pour le peuple palestinien et pour d’autres peuples du Moyen-Orient, la politique d’Israël est aussi suicidaire pour l’ensemble de la population juive. Pour la population juive du Proche-Orient parce que l’Etat d’Israël considère tous ses voisins ou citoyens non juifs comme des ennemis ou au moins comme des gens qu’il serait nécessaire de contrôler. Et pour la population juive des autres pays parce qu’elle veut l’embrigader dans la sinistre équation Juif=Israël=Sioniste, encourageant ainsi des réactions antisémites.

Mais la population juive, comme toute autre population, n’est pas monolithique et le mouvement BDS la sensibilise de plus en plus aussi. Il existe ainsi en Israël même un mouvement intitulé « Boycott from within » (« Boycott de l’intérieur »), qui soutient le mouvement international BDS et lui communique toute information utile, par exemple concernant les entreprises qui sévissent dans les colonies en Cisjordanie.

Je voudrais maintenant souligner le fait que le mouvement BDS demandé par la société civile palestinienne est, comme c’était le cas pour l’Afrique du Sud de l’apartheid, un BDS total, c’est-à-dire ciblant tous les produits israéliens et touts les organismes sportifs, culturels et universitaires émanant de l’Etat d’Israël. Il n’y a pas une politique israélienne qui serait condamnable, celle dans les territoires occupés, et en même temps une autre qui serait acceptable, celle pratiquée ailleurs : ce sont tout l’Etat israélien et ses institutions qui sévissent contre le peuple palestinien et violent le droit international et les droits humains.

Les institutions universitaires servent l’occupation alors qu’Israël empêche le peuple palestinien d’avoir une vie éducative et culturelle libre. Les initiatives culturelles parrainées par l’Etat d’Israël servent à le blanchir de ses crimes, à le faire passer pour un Etat démocratique, qui respecte tous les points de vue.

Au niveau international de nombreux artistes rallient le mouvement BDS, et en France même la Campagne BDS a réussi à convaincre Vanessa Paradis de ne pas effectuer une tournée en Israël, où elle aurait rencontré le président Shimon Peres.

Le boycott culturel, en révélant à un large public ce que dissimule une certaine image d’Israël contribue à isoler cet Etat dans l’opinion publique internationale.

Une autre mobilisation de la campagne BDS et dont l’enjeu est important est celle qu’anime la « Coalition contre Agrexco » pour empêcher que se réalise le projet de cette société israélienne de transformer le port de Sète en plateforme d’écoulement dans toute l’Europe de fruits et légumes produits dans les colonies israéliennes, voire à Gaza. Le projet avait été lancé par Georges Frèche, dont vous vous souvenez certainement de la grande amitié qu’il affichait pour Israël, et les opposants rallient un large éventail d’acteurs sociaux : anti-colonialistes, paysans, écologistes, gens mobilisés pour l’emploi, etc … L’UJFP fait partie d’un pôle d’associations ayant porté plainte contre Agrexco.

En nous mobilisant pour BDS, nous nous mobilisons aussi pour une vie sociale ici-même inspirée par la justice et l’égalité. Car ici comme là-bas, ce sont deux conceptions qui s’affrontent : celle d’une vie sociale marquée par l’égalité complète des droits et par la coexistence constructive de gens aux origines ou aux histoires diverses, et celle marquée par la ségrégation, par la soi-disant supériorité d’une communauté, voire par le « choc des civilisations » contre les populations arabes et musulmanes.

L’UJFP se mobilise contre les discriminations anti-immigrés, pour la régularisation des sans papiers, pour les droit des Roms, pour le droit d’asile. Beaucoup parmi vous se mobilisent aussi pour ces causes et l’histoire de la Catalogne, qui a été marquée par les conséquences du franquisme et de la résistance anti-franquiste, est traversée par ces questions.

L’UJFP travaille avec l’Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF) et la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR). En Octobre dernier nous sommes allés ensemble, ainsi qu’avec une troisième association maghrébine, Immigration, Démocratie, Développement (IDD) en Palestine et parmi les Palestiniens d’Israël, affichant ainsi notre volonté de manifester que la guerre coloniale au Proche-Orient n’est pas un conflit entre communautés ou religions différentes, mais entre les défenseurs d’une politique d’épuration ethnique et les gens qui, quelles que soit leurs origines sont attachés à la justice.

Notre mission judéo-arabe a constaté les ravages de la colonisation, le racisme en Israël, une volonté de résister aussi, et a participé au Forum Mondial de l’Education.

Que dire des perspectives d’avenir ? Il n’y aura pas de paix tant qu’Israël, quels que soit ses gouvernants, continuera la politique sioniste, basée depuis un siècle sur la conquête d’un territoire et sur l’exclusion progressive du peuple palestinien de chez lui.

En admirant la révolution du peuple tunisien, nous pensons immédiatement que son extension dans un pays comme l’Egypte, où une situation insurrectionnelle se développe, serait un grand ballon d’oxygène pour le peuple palestinien. Mais alors qu’Obama avait salué le courage du peuple tunisien, il est beaucoup plus prudent, faut-il s’étonner de ce 2 poids 2 mesures, il est beaucoup plus prudent à l’égard du peuple égyptien, il invite toutes parties à s’abstenir de violences et rappelle que l’Egypte est un allié des Etats-Unis.

Le mouvement international BDS, même en s’amplifiant, ne peut suffire à renverser la situation, mais il contribue réellement à isoler l’Etat d’Israël dans l’opinion publique et sur la scène internationale.

Quelle que soient les difficultés de la situation, nous ne renoncerons pas. La cause du peuple palestinien est universelle et nous ne tolérerons pas qu’il continue d’être persécuté, quels que soient les prétextes invoqués.

BDS en France a déjà marqué des points, ne serait-ce qu’en sensibilisant l’opinion publique, et son développement est prometteur.

Il s’agit aussi de briser le terrorisme d’opinion que cherchent à imposer les officines au service d’Israël.

Le gala de ce soir, avec son programme politique, convivial et culturel, est une étape et une pause pour faire le point et pour manifester notre unité, pour manifester nos forces vitales et collectives pour une paix juste, contre les forces de haine et de guerre que sont celle d’Israël et de ses alliés.

Les politiques injustes ne durent jamais indéfiniment.

BDS continuera de progresser, et nous, vous, nous tous, continuons à nous y investir avec enthousiasme !

Jean-Guy Greilsamer,

pour l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP)