Écrit le 2011-02-08 09:42


Photo: Un groupe de jeunes détenus regardent fixement les visiteurs au centre surpeuplé de Pagani. © HCR/L.Boldrini

Chaque année, en Europe, des milliers d’enfants migrants sont placés en détention. Dans nombre de pays, ils sont amenés de force dans des centres de détention, généralement dans l’attente de leur éloignement. Ils y sont détenus dans des conditions quasi carcérales alors qu’ils ne sont coupables d’aucun crime.

Certains de ces enfants sont arrivés en compagnie de leurs parents, d’autres sont isolés. Dans les deux cas, la détention est pour eux une période de peur et d’incertitude. Presque toujours, ils sont pendant ce temps privés d’éducation et, parfois, exposés aux abus et à la violence.

Il est reconnu que la détention et la restriction de la liberté d’aller et venir ont des effets particulièrement néfastes sur les mineurs, effets qui s’aggravent avec le temps. Les enfants migrants non accompagnés sont particulièrement vulnérables.

La détention porte atteinte au droit de l’enfant à la santé

Les gouvernements des pays d’accueil doivent revoir leur approche, car la politique qu’ils appliquent actuellement n’est pas humaine. Elle est d’ailleurs contraire à la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, selon laquelle la détention doit n’« être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible » et « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

On ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre d’enfants actuellement placés en détention en Europe. Il faudrait dresser un tableau plus complet de la situation. Il ressort toutefois des rapports émanant des agences de l’ONU et d’organisations non gouvernementales dignes de foi que le placement d’enfants migrants en détention reste une pratique courante, malgré les recommandations du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.

En France, par exemple, 368 enfants migrants ont été placés en détention en 2009. Ces enfants (âgés de huit ans en moyenne) étaient détenus avec des membres de leur famille ; il n’empêche qu’ils ont subi les aspects préjudiciables de la détention et vécu dans un climat d’angoisse.

Si les Etats européens prévoient un âge minimum en dessous duquel un mineur ayant commis une infraction pénale ne peut être incarcéré, il n’existe pas de règle similaire dans le contexte de la migration. De ce fait, même des familles avec des enfants en bas âge sont placées en centre de détention.

Les gouvernements devraient changer d’approche

Pour justifier le placement en détention d’enfants avec leurs parents, les autorités allèguent qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de ne pas être séparé de ses parents. Sur le plan humain, il serait pourtant préférable d’épargner la détention à l’ensemble de la famille ou aux personnes qui ont la garde de ces enfants, afin de procurer à ces derniers le soutien et la sécurité dont ils ont besoin. Placer les parents en détention tout en laissant libres leurs enfants ne saurait être une solution satisfaisante.

D’autres possibilités existent. Lors d’une visite en Belgique, j’ai vu des appartements où étaient logées des familles frappées d’une mesure d’éloignement. Ces personnes avaient la possibilité de sortir et menaient une vie presque ordinaire ; les parents pouvaient organiser leur retour et, en attendant, les enfants étaient scolarisés.

De même, il faudrait mettre en place des solutions humaines pour les mineurs non accompagnés. Ceux-ci devraient bénéficier de structures d’hébergement de plus petite taille, offrant davantage d’intimité et une meilleure prise en charge, et ils devraient avoir accès à l’éducation. Ce type d’approche serait également conforme au Plan d’action pour les mineurs non accompagnés récemment adopté par l’Union européenne.

Le changement de cap opéré au Royaume-Uni devrait inspirer d’autres pays

Bien que le tableau soit sombre, on relève quelques signes encourageants. Au Royaume-Uni, l’un des pays d’Europe où la situation laissait le plus à désirer – avec quelque 2 000 enfants placés chaque année en détention dans le but de maîtriser l’immigration –, le nouveau gouvernement a décidé de mettre fin à cette pratique. Cette décision n’est encore que partiellement appliquée, mais le nombre d’enfants détenus a déjà sensiblement diminué. Il faut s’en réjouir.

La suppression de la détention des enfants migrants ou demandeurs d’asile devrait être considérée comme une première étape importante vers une réduction du recours à la détention pour les migrants en général, y compris les adultes.

L’an dernier, dans la Résolution 1707 (2010), l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a exprimé sa préoccupation devant le recours accru à la détention des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière. Elle a affirmé que la privation de liberté ne devait être appliquée qu’en dernier recours. S’agissant des mineurs non accompagnés et des autres personnes vulnérables, l’Assemblée a été on ne peut plus claire : ils ne doivent jamais être placés en détention. Les gouvernements devraient prendre des mesures en conséquence.

Thomas Hammarberg

Source TERRA : http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog.php?blogId=2&bl=y