Esther Benbassa:
Chers lecteurs, chers lectrices,
Je devais publier un dossier sur “La France postcoloniale” dans la revue Hommes & migrations le 20 mai. Cette parution devait donner lieu à deux journées de manifestations culturelles sur ce thème à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) les 20 et 21 mai.
A la veille de l’envoi du dossier à l’imprimerie (jeudi dernier), la rédaction de la revue m’a demandé d’enlever de ce dossier un article de Nicolas Bancel intitulé “La brèche. Vers la racialisation postcoloniale des discours publics ?”. Je précise que M. Bancel est professeur à l’Université de Strasbourg, détaché à l’Université de Lausanne (Unil – Faculté des sciences sociales et politiques – ISSUL).
Cette demande émanait en fait du directeur de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, M. Luc Gruson, lequel avait fait valider sa décision par un comité de rédaction plus ou moins fantôme, réuni la veille.
Cette exigence est demeurée sans appel, malgré quatre jours de négociations.
Je refuse en conséquence de publier le dossier censuré in extremis et j’annule les deux journées de manifestations culturelles des 20 et 21 mai au nom de la liberté d’expression et du refus de la censure.
Voici, ci-dessous, ma réponse à la rédaction de la revue.
Si l’on cède une fois, on cédera toujours.
Revue Hommes et Migrations
Madame,
L’article de M. Bancel fait partie intégrante de ce dossier. M. Bancel était d’ailleurs l’un des principaux intervenants du colloque dont ce dossier constitue les actes. Les textes de ce dossier dans leur intégralité, y compris l’article de M. Bancel, vous ont été transmis le 11 février, corrigés et préparés à nos frais. A aucun moment le contenu l’article de M. Bancel n’a été contesté par vous, alors que nous avons travaillé ensemble sur ce dossier pendant plus de deux mois. Vous avez seulement demandé à M. Bancel d’abréger son texte, ce qu’il a fait, et m’avez suggéré de le placer en fin de dossier, ce que j’ai accepté.
Le 5 mai, vous m’avez transmis, au format PDF, le dossier tel qu’il devait être imprimé, en m’indiquant qu’il allait être soumis pour BAT au directeur de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, m’annonçant déjà, fort étrangement, que (je vous cite) “ce thème est sensible pour cette institution” (sic) et qu’il “peut se passer que certains articles soient refusés tels quels par la direction” (re-sic). Mercredi dernier (11 mai), à la veille de l’envoi de la revue chez l’imprimeur, vous m’annoncez que votre comité de rédaction a décidé de censurer M. Bancel, à moins qu’il ne revoie son texte, et m’avez transmis les remarques dudit comité pour qu’il puisse procéder – sous vingt-quatre heures – à cette révision. Jeudi (12 mai), M. Bancel nous a transmis une nouvelle mouture de son article. Vous m’annoncez ce jour (16 mai) que le directeur de la CNHI, qui est à l’origine de cette censure et de cet imbroglio, maintient sa décision d’une publication censurée de ce dossier. M. Luc Gruson, que je viens d’avoir au téléphone, m’a présenté cette décision comme sans appel.
Je ne puis en aucune façon cautionner de telles pratiques, où paraissent se combiner mauvaise foi, amateurisme et claire volonté de censure politique. Je refuse donc catégoriquement une publication censurée de ce dossier dans Hommes et migrations. J’annule évidemment la participation du Pari(s) du Vivre-Ensemble et du Centre Alberto-Benveniste à la manifestation qui était prévue, les 20 et 21 mai, pour marquer la sortie de ce numéro. J’avise l’ensemble des auteurs du dossier, l’ensemble des intervenants des journées des 20 et 21 mai, ainsi que les organismes – l’ACSE notamment – qui ont cofinancé le colloque et le dossier censuré, de ma décision et de ses motifs.
En une trentaine d’années d’activités scientifiques, je ne me suis encore jamais heurtée à de telles manoeuvres, ni à pareil manque de professionnalisme. Je ne puis de toute évidence y associer mon nom ni ceux du Pari(s) du Vivre-Ensemble et du Centre Alberto-Benveniste. J’entends les dénoncer publiquement comme il se doit, ne serait-ce que pour que d’autres chercheurs ne tombent pas à leur tour dans un tel piège.
Ce dossier paraîtra ailleurs, dans son intégralité.
J’abandonne la revue Hommes et migrations et sa rédaction à leur triste condition de revue officielle et de rédaction aux ordres.
Esther Benbassa
j’ai publié Benbassa sur Geisser et soutiens les deux
Esther Benbassa , avant de soutenir Nicolas Bancel , auteur d’un essai remarqué sur le football en Suisse ( un sujet passionnant assurément ) s’était mobilisée déja en faveur d’un autre chercheur , vincent Geisser , convoqué devant le conseil de discipline du cnrs.
Ce dernier est connu pour ses prises de position polémiques en faveur de l’islam radical. Un contentieux a opposé ce dernier à Joseph Illand au sujet d’une enquête fondée sur un questionnaire ethnique, que le chercheur menait au mépris de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Il serait également intervenu dans le cas d’une doctorante musulmane, renvoyée d’un laboratoire en génétique moléculaire pour “trouble à l’ordre public et atteinte à la liberté de penser de ses collègues”. Dans un courriel destiné à soutenir cette étudiante, Geisser laisse éclater sa colère contre Joseph Illand, comparé à un nazi : “Un idéologue qui traque les musulmans et leurs “amis” comme, à une certaine époque, on traquait les juifs et les Justes.” Une correspondance privée, interceptée par le fonctionnaire, qui porte plainte pour diffamation et le fait convoquer. Interpellée par de nombreux chercheurs, Valérie Pécresse s’est engagée à suivre ce litige en “veillant à la liberté d’expression des chercheurs”. C’est heureux !
En fait de “contribution scientifique”, l’essentiel des travaux de Vincent Geisser consiste à stigmatiser toute personne critique envers l’intégrisme musulman comme étant “islamophobe” (SOS-Racisme, des journalistes, et même le recteur de la Mosquée de Paris), tout en répandant des clichés sur les musulmans laïques sur les sites islamistes. Le vrai musulman serait celui qui ne renonce pas à porter le voile ou à faire le ramadan comme l’exige la République laïque “assimilationniste”. Geisser parle même de “national-laïcisme” à propos de la loi sur les signes religieux à l’école publique… A l’inverse, le moindre musulman éclairé est raillé comme faisant partie de l’”Islam light”, un “produit qui se vend bien”. Ayaan Hirsi Ali ou Irshad Manji, menacées de mort par les islamistes, sont décrites comme des “poupées Barbie de l’Islam light”, que l’on favorise par “érotisme victimaire”. !!!
Sans commentaire !